Le jeudi 14 janvier est une date à marquer d'une croix blanche dans la toute jeune histoire des contentieux climatiques en France. L'action judiciaire lancée par quatre ONG, Notre Affaire à tous, la Fondation Nicolas Hulot (FNH), Greenpeace et Oxfam, a en effet été examinée par le tribunal administratif de Paris après deux ans de procédure.
Prenant inspiration de l'affaire Urgenda aux Pays-Bas, les quatre associations avaient adressé une demande à l'État français en décembre 2018 afin qu'il accélère son action face au changement climatique et honore ses engagements internationaux. Non satisfaites par la réponse du Gouvernement et fortes du soutien de plus de deux millions de personnes, elles avaient décidé de passer au stade contentieux en déposant formellement leur requête devant le tribunal administratif de Paris en mars 2019.
Des émissions qui baissent deux fois trop lentement
Les quatre ONG estimaient la France sur la mauvaise trajectoire avec des émissions de gaz à effet de serre qui étaient reparties à la hausse depuis 2015 et une empreinte carbone qui ne s'était pas améliorée depuis 1995. « Les émissions de gaz à effet de serre pendant ce quinquennat ont continué de baisser deux fois trop lentement par rapport aux trajectoires prévues dans la loi », pointent aujourd'hui les requérantes.
Et de rappeler les conclusions du Haut Conseil pour le climat, qui estimait en décembre que les deux-tiers du plan de relance risquaient de contribuer à la hausse des émissions. « Le projet de loi sur le climat ne permettra pas d'atteindre l'objectif d'au moins 40 % de baisse des émissions à 2030 par rapport à 1990 – et donc encore moins le nouvel objectif européen d'au moins 55 % de réduction en 2030 », pointent aussi les associations. L'étude d'impact de la loi, réalisée par le Gouvernement lui-même, montre qu'elle ne permettra de réaliser que les deux tiers du chemin au maximum, ajoutent-elles.
Réparation du seul préjudice moral
La rapporteure publique, Amélie Fort-Besnard, a suivi les associations en proposant au tribunal de reconnaître la carence fautive de l'État pour ne pas avoir respecté la trajectoire de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) qu'il a lui-même fixée. Elle demande la réparation du préjudice moral de trois des associations requérantes à hauteur de 1 euro symbolique.
Mme Fort-Besnard propose en revanche de surseoir à statuer sur leur demande visant à enjoindre l'État de prendre des mesures supplémentaires pour atteindre ses objectifs de réduction de GES. En particulier du fait de l'attente d'une nouvelle décision du Conseil d'État dans l'affaire Grande-Synthe. Le 19 novembre dernier, la Haute juridiction avait donné trois mois au Gouvernement pour prouver que sa politique était cohérente avec ses objectifs climatiques. Cette décision a transformé les lois de programmation en lois d'objectifs obligatoires, s'était félicitée Corinne Lepage, avocate de la commune.
Pour ce dernier, l'affaire a plus un mérite pédagogique que de véritables conséquences juridiques. « Concrètement, si le tribunal administratif de Paris suit cette proposition, l'État devra payer un euro aux associations et fournir de nouveaux documents au juge sur les mesures qu'il prend pour respecter la trajectoire », relativise le spécialiste du droit de l'environnement.
Pour les associations requérantes, au contraire, si les conclusions sont suivies, ce qui est fort probable, il s'agirait « d'une avancée historique du droit français et une victoire majeure pour le climat ». Et d'ajouter : « Toutes les victimes des changements climatiques pourraient alors s'appuyer sur cette jurisprudence pour faire valoir leur droit et obtenir réparation ».
Reste maintenant à voir si le tribunal suivra les conclusions de sa rapporteure. La réponse est attendue d'ici une quinzaine de jours.