Alain Lambert, président du Conseil national d'évaluation des normes, et Jean-Claude Boulard, ancien maire du Mans, ont été chargés, en janvier 2018, par le Premier ministre d'alléger à nouveau le stock de normes qui pèsent sur les collectivités locales. En 2013, les deux élus locaux avaient rendu leurs premières préconisations. Le 13 septembre 2018, Alain Lambert a transmis son nouveau rapport à Matignon qui prône la simplification des exigences de performance énergétique des bâtiments. Ces normes ont des "impacts financiers et techniques sur les collectivités territoriales (…) par rapport au but poursuivi", soulignent les auteurs.
Leur rapport intervient alors que la loi "Société de confiance" (Essoc) du 10 août 2018 prévoit deux ordonnances afin de faciliter la réalisation de projets de construction. Le Conseil supérieur de la construction et de l'efficacité énergétique (CSCEE) a été mandaté pour repérer les normes à simplifier et rédigées sous forme d'objectifs de résultats.
La première ordonnance doit être prise par le gouvernement avant le 10 novembre, a précisé, le 14 septembre, le Conseil supérieur de la construction. Celle-ci "favorisera l'innovation en permettant à tout maître d'ouvrage d'atteindre les objectifs de la réglementation par tout moyen nouveau, après un contrôle étroit par des organismes experts". La seconde ordonnance, qui réécrira les règles techniques de construction, devrait être publiée avant le 11 février 2020.
Alléger les règles de construction
Avant la publication des ordonnances, le rapport Lambert-Boulard propose au gouvernement d'adapter les obligations de la réglementation thermique des bâtiments neufs (RT 2012) à la taille des collectivités. Ces obligations "pèsent" sur les bâtiments nouveaux et les parties nouvelles des bâtiments des collectivités locales en matière d'isolation thermique et de protection solaire, "dans un souci d'économie d'énergie", précisent les auteurs. Et de pointer : le surcoût lié à l'application de la RT 2012 qui s'élèverait entre 10 à 15% du coût global de la construction.
Ces exigences menées sur les petites surfaces ont pourtant déjà été assouplies : depuis l'arrêté du 11 décembre 2014, les projets de constructions ou d'extensions, inférieures à 50 m², ont été soumis à la RT Elément par Elément des bâtiments existants, moins contraignante en matière de performance énergétique. Les rapporteurs proposent "en complément" de cet arrêté, d'introduire une modulation des obligations en fonction de plusieurs critères : la typologie des bâtiments, l'énergie disponible localement et la surface des constructions, avec la définition d'un seuil minimal "plus souple que celui existant". Ces dispositions "pourraient permettre de garantir un meilleur respect du principe de proportionnalité de la norme aux objectifs poursuivis", estiment les rapporteurs.
Ces derniers recommandent aussi que soit réalisé un bilan coûts/avantages des performances réelles des bâtiments soumis à la RT 2012. Une mission du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) et du Conseil général de l'économie (CGE) est en cours sur l'évaluation de la RT 2012. Ses conclusions devraient être connues à l'automne 2018.
Les auteurs préconisent également d'inscrire "une clause de revoyure" dans le cadre de la nouvelle réglementation environnementale (RE) 2020 (bâtiments neufs à énergie positive et bas carbone). Ses seuils sont actuellement expérimentés par les maîtres d'ouvrage. Les rapporteurs insistent sur "la réalisation des objectifs fixés dans le respect du principe de proportionnalité".
Nouveau décret "tertiaire" : conserver le seuil minimal de surface de 2.000 m²
Le projet de loi Logement (Elan) définit les caractéristiques énergétiques et environnementales de la RE 2020. Il prévoit aussi un nouveau décret portant sur la rénovation énergétique du parc tertiaire, dont les bâtiments des collectivités.
Les rapporteurs proposent de reprendre dans le décret, le seuil minimal de surface de 2.000 m² au-dessous duquel les bâtiments sont exemptés de l'obligation. "Cette disposition permettrait de mieux prendre en compte dans la rédaction des textes les principes d'adaptabilité, de proportionnalité et de subsidiarité", jugent-ils. S'agissant du taux de retour sur investissement (TRI) des travaux à effectuer, ils recommandent d'aligner "les collectivités territoriales les moins importantes sur les entreprises et les particuliers, en fixant ce TRI à 5 ans au lieu de 10 ans".
Supprimer le DPE lorsque l'immeuble vendu est voué à la destruction
Par ailleurs, les rapporteurs préconisent des allègements dans les règles d'urbanisme, en proposant de réduire les obligations relatives aux diagnostics techniques pour les bâtiments "voués à la destruction". Les rapporteurs proposent de supprimer certains éléments de ce dossier, tels que le diagnostic de performance énergétique (DPE), l'état de l'installation intérieure de gaz et celui de l'installation intérieure d'électricité qu'ils jugent "inutiles lorsque l'immeuble vendu est destiné à la destruction". Un amendement proposant ces suppressions a été déposé en juillet dernier au Sénat dans le cadre du projet de loi Elan. Le rapporteur de la commission des affaires économiques du Sénat ainsi que le gouvernement avaient émis un avis défavorable à cet amendement, au dam des rapporteurs. Lors du vote ce mercredi en commission mixte paritaire (CMP) de la loi Elan, leurs préconisations devraient alimenter les débats.