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Comment le biométhane peut se substituer aux importations de gaz russe

Pour gagner en indépendance vis-à-vis de la Russie et de son gaz fossile, la France doit miser sur le biométhane. Le potentiel est réel, selon la filière, mais des leviers réglementaires sont nécessaires pour y parvenir avant 2030.

Energie  |    |  F. Gouty

Le 22 février, vingt-quatre heures après les déclarations initiales de Vladimir Poutine et quarante-huit heures avant l'invasion de l'Ukraine par l'armée russe, le chancelier allemand, Olaf Scholz, décide de suspendre l'homologation du gazoduc Nord Stream 2, censé alimenter l'Allemagne en gaz naturel en provenance de Russie. Le 8 mars, la Commission européenne présente son plan REPowerEU visant à s'émanciper totalement du gaz russe avant 2030. Elle compte même sur la réduction de deux tiers des importations d'ici à la fin de l'année 2022. Un désir d'indépendance dont le gouvernement français partage l'ambition et souligne « l'urgence absolue ».

Que faire alors pour réussir cette émancipation sans pérenniser, par exemple, un éventuel recours au gaz de schiste américain ? Comment parvenir à se saisir de cette malheureuse opportunité pour continuer de décarboner notre consommation de gaz ? En 2021, 99 % des 475 térawattheures (TWh) de gaz naturel consommé annuellement en France résultaient d'importations : 70 TWh (soit environ 15 %) étaient d'origine russe. Du reste, la production nationale de gaz reposait déjà essentiellement sur le biométhane (4,3 TWh injecté dans le réseau), le seul dans le champ des gaz verts dont la technologie est opérationnelle et comporte un modèle économique. La filière du biométhane peut cependant miser sur un jeu de leviers pour remplacer, à terme, l'import russe.

Libérer 15 TWh/an de plus d'ici à 2024

À la fin de l'année 2021, la capacité de production maximale de biométhane (6,4 TWh) a dépassé l'objectif fixé par la Programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), avec deux ans d'avance. De plus, l'équivalent de 19 TWh d'installations additionnelles se trouve encore dans les registres de capacité. Plus fort encore, cette performance a été réalisée après la révision tarifaire imposée depuis la fin de l'année 2019, qui avait pourtant mis un véritable coup d'arrêt au développement de la filière. « Ce manque de visibilité provoquée par l'État, avec la baisse forcée du tarif et un faible volume cible à atteindre, a poussé certains constructeurs et équipementiers à ne pas investir, rappelle Simon Métivier, expert en gaz renouvelables de l'association Solagro. À l'époque, le prix du biométhane était plus élevé que celui du gaz naturel, mais aujourd'hui la situation s'est inversée. » Avec un prix fixe compris entre 50 et 90 euros le mégawattheure (€/MWh), le biométhane s'avère désormais être une solution plus économique que le gaz naturel, dont le prix a explosé et avoisine actuellement les 135 €/MWh.

Quelles conditions faut-il donc réunir pour en profiter et donner un nouveau coup de fouet à la filière ? Ses représentants, réunis à Paris, le 17 mars, pour dresser leur bilan annuel (1) , ont donné leurs réponses. En premier lieu, ils appellent l'État, d'une part, à raccourcir les délais d'obtention des autorisations et, d'autre part, à étendre le délai de mise en service de trois ans au-delà duquel l'exploitant ne peut plus bénéficier du même niveau de tarif d'achat. Ils souhaitent également que soit instaurée la garantie d'un tarif d'achat fixe pour récompenser l'éventuelle production additionnelle dépassant la capacité maximale autorisée, afin de réaliser le plein potentiel des unités existantes.

Ces mesures, si elles sont prises « immédiatement », serviront « à débrider » la filière, selon Laurence Poirier-Dietz, directrice générale du gestionnaire de réseau de distribution, GRDF. « Si l'État fait accélérer l'instruction des dossiers en file d'attente par ses services et garantit un dispositif de soutien stable, nous connaîtrons une forte accélération du nombre de nouveaux projets », affirme, quant à lui, Jean-Louis Bal, le président du Syndicat des énergies renouvelables (SER). Ce dernier estime que ces leviers pourront libérer une capacité additionnelle de 15 TWh/an d'ici à 2024 et permettront ainsi de dépasser la fourchette basse de l'objectif 2028 de la PPE (14 TWh).

D'autres actions seront néanmoins nécessaires pour satisfaire la demande par d'autres moyens que les importations de gaz russe. À cet égard, la filière demande le lancement de plusieurs dispositifs de soutien : les appels d'offres inscrits dans la PPE pour les installations de plus de 25 GWh/an, des appels à projets pour développer l'innovation et convertir la mobilité lourde au bioGNV, ainsi que les certificats de production de biogaz (CPB), prévus par la loi Climat et résilience. Ces derniers « seront un cadre de référence pour installer la filière dans la durée, à la fois au regard de la production et de la demande », énonce la directrice de GRDF. Très attendus par les professionnels, les CPB devraient être mis en place par un premier décret, « publié avant la fin du mois de mars » selon Laurence Poirier-Dietz, et un second fixant les taux d'obligation d'incorporation pour les fournisseurs à partir de 2023. Ce dernier est également espéré « cette année et le plus tôt possible » par Anthony Massenga, directeur gaz renouvelables et hydrogène de GRTgaz.

Placer le biométhane au premier plan

Ainsi armée (sans oublier le récent arrêté augmentant le taux de prise en charge par l'État du coût de raccordement), la filière affirme pouvoir raccorder 70 TWh/an de capacité d'ici à 2030, satisfaire l'ambition du plan REPowerEu de doubler l'objectif de production de son paquet Fit-for-55 et se substituer aux imports de gaz russe. L'ensemble des acteurs milite cependant pour aller encore plus loin, « pour que le biométhane soit considéré au même titre que l'éolien et le solaire », dans la vision stratégique à long terme de l'État, réclame Julien Tchernia, cofondateur et P-DG d'ekWateur, fournisseur de gaz qui ne propose plus que des offres 100 % biométhane depuis le début de la guerre en Ukraine. « À entendre le discours d'Emmanuel Macron à Belfort, le biogaz semble absent du mix énergétique futur. »

“ Le développement du biométhane dépasse le seul enjeu énergétique ” Alexis Monteil-Gutel, Cler
Malgré tout, l'exploitation de la biomasse en biogaz a de nombreux avantages, en termes de souveraineté et de décarbonation. « Le biométhane n'est pas une énergie intermittente, elle est décentralisée, mais pilotable, au même titre que le nucléaire ou les centrales à charbon, rappelle Grégory Lannou, directeur de l'association Biogaz Vallée. Mais une unité de méthanisation ne met que quelques années à sortir de terre, contrairement à un réacteur nucléaire. »

Autre avantage : la méthanisation peut se substituer au gaz fossile pour produire des engrais de synthèse, en plus de fournir des digestats exploitables eux-mêmes comme engrais. Transformé en carburant (BioGNV), le biométhane peut également participer au verdissement de la mobilité lourde et du fret ferroviaire ou maritime, sans modifier la dimension des véhicules (l'équipement de batteries, en revanche, réduit la taille des véhicules et donc leur capacité maximale de transport).

En somme, accélérer le développement du biométhane – et plus largement, des gaz renouvelables – relève davantage « d'un intérêt général » que d'une simple solution d'urgence stratégique et « dépasse le seul enjeu énergétique, mais aussi agronomique », affirme Alexis Monteil-Gutel, expert en énergies renouvelables du réseau Cler. Toute la filière semble partager ce point de vue et miser sur le début des débats pour l'élaboration de la prochaine PPE, en juin prochain, pour la matérialiser. Et Cécile Frédéricq, déléguée générale du syndicat France gaz renouvelables, de conclure : « Il ne faut pas seulement se contenter d'y inscrire des objectifs plus ambitieux, il faut aussi y inclure les moyens pour les accompagner et les atteindre. »

1. Télécharger le panorama des gaz renouvelables 2021
https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-39288-SER-Panorama-Gaz-Renouvelable-2021.pdf

Réactions3 réactions à cet article

Afin d’encenser le "biogaz" - ne devrait-on pas plutôt parler d'agrogaz, comme pour les agrocarburants ? -, il suffit d'oublier que les matières premières nécessaires à sa production sont produites de façon intensive, nécessitant force engrais et pesticides de synthèse, mécanisation lourde, que le process engendre d'importantes pollution de l'air, des sols et de l'eau, qu'il contribue à détruire la biodiversité et génère des fuites de GES. C'est si simple, en somme, le greenwashing !
Surtout quand une guerre impliquant de gros producteurs de gaz, pétrole et blé affole marchés, politiques et citoyens ayant peur de leur propre ombre. Une aubaine inespérée pour l'agrobusiness, pour qui le sort des ukrainiens massacrés par l'envahisseur russe n'est finalement qu'une variable d'ajustement comptable !
La protection de l'environnement, elle aussi, attendra, une fois de plus.

Pégase | 21 mars 2022 à 09h15 Signaler un contenu inapproprié

@Pégase, vision ô combien pessimiste et réductrice. Le biométhane est une solution relativement sûre, et les pollutions ça se maîtrise. Les fuites, il y en a autant voire plus dans les gazoducs, les sites de production et de stockage géologique des gaz fossiles ! Ce n'est pas pour rien que le sujet du méthane a occupé les décideurs lors de la dernière COP
Vous oubliez le potentiel totalement inexploité de la biomasse qui part à la poubelle aujourd'hui : déchets de jardin des particuliers/entreprises/collectivités, déchets de cuisine, sous-produits de l'industrie alimentaire ou de l'agriculture... et qui produit dans tous les cas du méthane en se désagrégeant

Matthieu F. | 21 mars 2022 à 10h30 Signaler un contenu inapproprié

Comment peut-on parler d'un prix fixe de vente de l'énergie alors que les charges variables du fonctionnement d'une unité de méthanisation ne cesse de croitre et comment peut-on faire abstraction de l'augmentation permanente du prix du marché des déchets et de la production de la biomasse pouvant servir à alimenter les méthaniseurs avec la contrainte d'une réglementation qui n'est pas adaptées aux conditions pédoclimatiques des régions. Enfin, comment oser ne pas prendre en considération les unités produisant du biowatt (unité produisant de l'électricité) qui vont se retrouver en danger par manque d'équité sur la méthode de production du biogaz.

methatouletemps | 23 mars 2022 à 07h50 Signaler un contenu inapproprié

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