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Biométhane : une filière en transition et sous tension

Filière industrielle désormais installée dans le schéma français de la transition énergétique, la méthanisation vit actuellement une transition sous tension. Le salon Expobiogaz 2021 nous a donné l'occasion d'en prendre la température.

Décryptage  |  Energie  |    |  F. Gouty
Biométhane : une filière en transition et sous tension

Le salon annuel Expobiogaz, tenu à Metz les 1er et 2 septembre, a porté un constat : la filière du biométhane amorce aujourd'hui une transition sous tension. L'accomplissement des objectifs de la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) est en bonne voie, comme l'a assuré Thierry Baig, directeur régional délégué de l'Agence de la transition écologique (Ademe), lors du salon. Le secteur reste cependant soumis aux contraintes de la réglementation des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) et des dernières mesures tarifaires qui rendent son développement actuel plus ardu, selon certains professionnels.

Dans le même temps, la gestion des externalités de la méthanisation, positives comme négatives, soulève de plus en plus de questions dans la société civile – à la suite, notamment, d'une pollution de l'eau dans le Finistère. Pourtant, des solutions émergent pour que l'évolution de la filière s'amorce avec plus de vigilance et de précision.

Le secteur en chiffres

Au début de cette année, la France comptait 1 070 unités de méthanisation. Environ 80 % sont consacrées à la cogénération (à savoir, la production d'électricité et de chaleur à partir du biogaz), le reste pratiquant l'injection de biométhane dans le réseau. La région Grand Est, qui accueillait l'édition 2021 d'Expobiogaz, compte, à elle seule, 42 des quelque 200 sites de méthanisation en injection. « Dans deux ou trois ans, le réseau de gaz à Metz sera composé à 100 % de gaz renouvelable en été », prédit Christophe Desessard, directeur clients territoire Est chez GRDF, lors d'une conférence. Cette perspective fait écho au scénario du schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet) de la région Grand Est qui prévoit que le biométhane constituera la première filière d'énergie renouvelable en 2050.

“ « Nous n'avons aujourd'hui que 1 000 méthaniseurs, mais que se passera-t-il lorsque nous en aurons 10 000 ? » ” Yves Le Roux, enseignant-chercheur à l'Ensaia-université de Lorraine

« Au regard des ressources disponibles sur le territoire, l'objectif d'une production représentant 10 % de la consommation de gaz à l'échelle nationale en 2030 est réaliste, soit une production de 39 à 42 TWh de biométhane », estimait déjà le comité de prospective de la Commission de régulation de l'énergie (CRE) dans un rapport de juillet 2019, quand bien même le gouvernement l'a finalement fixé à 7 % quelques mois auparavant. Le secteur de la méthanisation poursuit donc son développement à bonne allure. Pourtant, la limitation croissante des perspectives rend les professionnels perplexes. « Nous n'avons aujourd'hui que 1 000 méthaniseurs, mais que se passera-t-il lorsque nous en aurons 10 000 ?, s'interroge Yves Le Roux, enseignant-chercheur à l'Ensaia-université de Lorraine, après avoir pris la température des acteurs du secteur. Il nous faut anticiper cette évolution dès maintenant. »

La réglementation comme contrainte

En juin 2021, de nouvelles modifications ont été apportées à la réglementation des ICPE pour les sites de méthanisation. « Toute cette réglementation s'oriente vers un développement vertueux de la méthanisation », argue Maud Berger, chargée de mission biomasse pour la Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Dreal) de la région Grand Est. Si cette mesure réglementaire pose un cadre jugé nécessaire par les acteurs de la filière, sa complexité croissante commence à en déranger plus d'un.

« Certaines modalités sont contraignantes et ce n'est pas plus mal, mais pour d'autres, on a du mal à comprendre comment les appliquer », estime notamment Marc Schlienger, délégué général du club Biogaz ATEE. Ainsi, l'implantation d'une sonde de température sur les intrants stockés sur site et le bâchage systématique pour les intrants issus de cultures intermédiaires à vocation énergétique (Cive) constituent des mesures controversées chez les exploitants pour leur dangerosité potentielle d'application.

Ce sentiment est partagé par Silvère Adam, agriculteur-méthaniseur et trésorier de l'Association des agriculteurs-méthaniseurs de France (AAMF) : « Actuellement, on ne sait pas où on va. La réglementation évolue trop vite et cela limite le nombre de projets. » Heureusement, certains dispositifs continuent d'ouvrir le champ des possibles. À titre d'exemple, l'Ademe a annoncé le lancement prochain d'un nouvel appel d'offres centré sur la récupération des biodéchets dans les 100 kilomètres autour d'un site de méthanisation. Les lauréats seront sélectionnés en juin 2022. Pour rappel, chaque collectivité sera soumise, d'ici à fin 2023, à l'obligation de traitement de ses déchets organiques.

La révision tarifaire comme opportunité

Le secteur est aussi soumis à une autre contrainte : une révision tarifaire de la part de l'État (actée en 2019, pour la cogénération, et lancée en 2020, pour l'injection), bientôt soumise à de nouveaux mécanismes « extrabudgétaires » inscrits dans la récente loi Climat et résilience. Des organes de soutien institutionnels comme l'Ademe considèrent aujourd'hui « avoir fait leur part », selon certains acteurs. « Le modèle de financement évolutif avec des modalités progressives (entre les différentes étapes de développement d'un projet), c'est fini », souligne Marc Schlienger, de l'ATEE. Les nouveaux agriculteurs-méthaniseurs, qui considèrent la méthanisation comme l'opportunité de percevoir des revenus additionnels substantiels (13 000 euros par an, en moyenne, selon une étude de la société d'investissement Merdiam), s'en méfient.

Transition oblige, des solutions émergent néanmoins pour suppléer les aides de l'État – comme celles offertes par des fonds d'investissement, tels qu'Eiffel, ou le financement participatif. D'après Laure Verhaeghe, cofondatrice de la plateforme de « crowd-funding » Lendosphere, les porteurs de projets ont « de plus en plus le réflexe » de faire appel à ce dernier. « Dans notre logique territoriale, le financement participatif nous intéressait beaucoup, témoigne Benoît Dutertre, directeur du site CS Biogaz en Mayenne. Les personnes du territoire peuvent ainsi co-investir sans être impliquées dans une société à part entière. » En juillet 2021, une usine de méthanisation dans la Vienne avait bénéficié de 1,2 million d'euros de financement en quelques jours via Lendosphere.

Les externalités comme source de tension

Parmi les autres questions que partagent communément les sites de méthanisation de France, le sujet des externalités suscite peut-être le plus de tensions au sein de la filière. « Je constate sur le territoire que les tensions s'exacerbent et véhiculent des certitudes autour d'âneries incroyables », confie Philippe Mangin, élu de la région Grand Est délégué à l'agriculture. Impacts éventuels sur la qualité de l'eau souterraine et de l'air, mauvaises odeurs, salissure des routes par le transport des digestats : la société civile semble avoir pris conscience de toutes ces externalités négatives et les acteurs s'en inquiètent. « Il y a un vrai problème de mauvaise pub sur la méthanisation », avoue Silvère Adam, trésorier de l'AAMF, se faisant l'écho de ses collègues sur le terrain.

Travailler sur l'acceptabilité – à savoir, communiquer sur les externalités positives de la méthanisation et ses bienfaits en termes d'énergie et de gestion des déchets – est ainsi devenu une priorité pour GRDF. « Il faut viser le consommateur, en aval, suggère Christophe Desessart, directeur clients territoire Est pour le gestionnaire de réseau de gaz. Voir un camion et lire "Je roule au bioGNV", ça joue sur l'acceptabilité. » Dans cette optique, plusieurs initiatives présentées lors du salon lorrain souhaitent prendre les devants en matière de transparence.

La nécessité de prendre du recul

« Le but, c'est d'objectiver les choses », estime Fabiola Graveaud, directrice-associée du cabinet d'experts Enea Consulting. Ce dernier porte l'initiative d'un observatoire national des externalités de la méthanisation, avec pour intention de collecter un maximum de données sur le secteur et d'analyser la portée de ses externalités. « Il permettrait une analyse, non plus par projets, mais territoire par territoire voire à l'échelle nationale et européenne. »

L'enseignant-chercheur Yves Le Roux et ses collègues de l'Ensaia-université de Lorraine souhaitent, quant à eux, prendre du recul sur la filière pour mieux engager cette transition mais aussi étudier toute l'étendue de son potentiel. L'un des sujets de leur nouvelle chaire de recherche, AgroMétha, s'attèlera notamment à examiner à quel point l'épandage des digestats (et des micro-organismes qu'ils contiennent) peut faciliter la dégradation de la chlordécone, un pesticide qui imprègne encore le sol des Antilles, et donc assainir ce dernier. Et Yves Le Roux d'affirmer : « La méthanisation est une opportunité et un levier formidable pour redonner un rôle central à l'agriculture. »

Réactions1 réaction à cet article

Surprenant les propos de monsieur Philippe Mangin "d'ânerie incroyable". c'est pourtant le CESER Grand ESt qui a été un des premiers à tirer la sonnette d'alarme sur l'accaparation des terres (agricole) évalué à 20% de la SAU- Sauf a ne pas vouloir entendre..

AUCASOU | 24 septembre 2021 à 23h06 Signaler un contenu inapproprié

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