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Dans les mains de qui réside le futur de l'éolien en France ?

En 2050, l'éolien pourrait devenir la première source d'énergie et d'électricité. Le débat public actuel ne semble pas le garantir. Gouvernement, élus, exploitants, citoyens : tous ont un rôle à jouer pour assurer le futur de la filière.

Energie  |    |  F. Gouty

Il faut parfois savoir d'où le vent souffle, pour connaître ce qu'il apportera avec lui : brise rafraîchissante ou bise piquante. « À ceux qui s'interrogent sur l'éolien, j'oppose deux mots : changement climatique », répond Barbara Pompili, la ministre de la Transition écologique, lors de sa brève allocution vidéo en ouverture du onzième Colloque national de l'éolien au parc Floral de Paris, ce mercredi 13 octobre. Ce rassemblement du secteur éolien s'est en effet tenu au milieu d'un contexte riche en doutes dans le débat public, mobilisé par une crise énergétique et de plus en plus ponctué de discours anti-éolien en ce début de campagne présidentielle 2022. Réunis par le syndicat France Énergie Éolienne (FEE), les acteurs de la filière se sont efforcés d'éclaircir la situation. « Le débat de l'énergie est aujourd'hui politisé et polarisé de façon parfois absurde, note Nicolas Wolff, président de FEE. Dans les mois à venir, il faut se préparer à affronter ces attaques. »

Pourquoi l'éolien – et plus précisément sa place dans les mix énergétique et électrique de la France – fait-il aujourd'hui débat ? Parce qu'il incarne le fleuron désigné de la transition énergétique, celle sans qui le pays comme l'Europe ne pourront composer pour atteindre la neutralité carbone en 2050. « Ceux qui disent pouvoir faire sans l'éolien sont des menteurs », clame Anthony Cellier, député LREM du Gard. Présents en force au parc Floral, les experts du gestionnaire du réseau électrique, RTE, n'ont eu de cesse de le rappeler, en amont de la publication de leurs - tant attendus - nouveaux scénarios prospectifs le 25 octobre (pour le premier tome du moins, en attendant le second début 2022).

À quoi ressemble le futur de l'éolien ?

Ces scénarios, au nombre de six, considérés par beaucoup d'acteurs et d'instances politiques comme des feuilles de route, s'articulent autour de deux hypothèses : un soutien parallèle, plus ou moins équilibré, aux énergies renouvelables (ENR) et au nucléaire, d'une part, et le plein ENR à horizon 2050, au profit de l'abandon du nucléaire, d'autre part. Chacun de ces six scénarios varie en fonction de la nature de l'ambition future, favorisant une plus grande sobriété énergétique ou une réindustrialisation plus intensive de la France. Quoi qu'il en soit, RTE prévoit, qu'en 2050, la France se dirige vers une augmentation drastique de sa puissance éolienne :

- Sur terre : entre 43 et 74 gigawatts (GW), pour le scénario le plus ambitieux en matière d'ENR, soit 2,5 à 4 fois plus qu'aujourd'hui (18,3 GW raccordés) ;

- En mer : entre 22 GW (l'équivalent de 44 parcs comme celui de Saint-Nazaire, prochainement mis en service) et 62 GW.

L'éolien pèserait quoi qu'il arrive plus lourd que le nucléaire. Ce dernier pourrait atteindre jusqu'à 27 GW en 2050, chiffre RTE. Pour cela, il faudrait que huit à quatorze nouveaux EPR et quelques petits réacteurs s'ajoutent à la capacité nucléaire historique restant en activité jusque là. Il resterait néanmoins moins imposant que le solaire photovoltaïque, avec ses 70 à 208 GW envisageables en 2050, selon RTE, en accord avec les priorités stratégiques du gouvernement confirmés par le Premier ministre en août dernier. L'association Négawatt (qui proposera ses propres scénarios, le 26 octobre) voit plutôt l'éolien « à long terme, comme la première source d'énergie et d'électricité » en France, confie, par ailleurs, Yves Marignac, chef du pôle énergies nucléaire et fossiles.

Suivre le courant européen

L'Europe, quant à elle, considère l'éolien comme sa première source d'électricité décarbonée dès 2027. « C'est tout à fait possible, affirme Gilles Dickson, président de l'association WindEurope, lors du colloque. Nous avons toute la technologie qu'il nous faut et elle ne nous coûtera pas très cher. » D'ici à 2050, l'Europe compte en effet installer 1 000 GW d'éolien terrestre et 300 GW en mer, à un rythme de 30 GW supplémentaires par an. Le tout doit permettre à cette énergie d'occuper 50 % du futur mix électrique et de contribuer à l'objectif de 40 % d'ENR en Europe d'ici à 2030 (contre 32 % auparavant) fixé par le paquet « Fit-for-55 ». « Tous les États membres doivent remiser leur stratégie énergétique, car chacune reste actuellement basée sur l'objectif européen précédent », rappelle Gilles Dickson. Pour suivre la cadence, ce dernier conseille, par exemple, aux acteurs français « d'encourager le gouvernement à développer les projets hybrides éolien-solaire pour augmenter rapidement le facteur de capacité ».

Si l'Europe veut donner autant de place à l'éolien, c'est parce qu'il est le « meilleur match naturel avec l'électricité », explique Cédric Philibert, chercheur à l'Institut français des relations internationales (Ifri). Dans le nord de l'Europe, le vent est une source beaucoup plus abondante et fiable que le soleil, pour couvrir la forte demande d'électricité en hiver, a étayé le chercheur. Les autres énergies n'ont donc pas autant de potentiel que l'éolien, au niveau européen – et surtout pas le nucléaire. « Il faut montrer que le nucléaire n'est pas une alternative renouvelable, avance Cédric Philibert. [En France], les nouveaux EPR ne produiront pas d'électricité avant 2035 [si leur construction est lancée dès aujourd'hui] et ne pèseront que 30 % dans le mix énergétique en 2050. Pousser le nucléaire est donc une stupidité notoire. »

Le politique, plus entrave que moteur ?

Les Français, et ceux qui les gouvernent, sont-ils néanmoins prêts à l'entendre ? « Alors même que nous avons largement progressés sur l'explication de la faisabilité techno-économique [des ENR], nous avons peu ou pas progressé sur la faisabilité politique, ce qui nous empêche de mettre en place une planification complète et innovante » pour rendre les différents objectifs et scénarios possibles, réagit Yves Marignac, de Négawatt. Le président de la République, Emmanuel Macron, vient justement d'annoncer l'investissement d'un milliard d'euros au profit du nucléaire – contre 500 millions pour toutes les ENR – dans le cadre du plan France 2030. Le ton est donc donné, côté gouvernement.

“ « A ceux qui s'interrogent sur l'éolien, j'oppose deux mots : changement climatique » ” Barbara Pompili - ministre de la Transition écologique
Si pour certains, comme Xavier Piechaczyk, président du directoire de RTE, l'enjeu politique de l'éolien n'est « seulement qu'une affaire d'orientation », d'autres acteurs s'en soucient davantage. « Il ne faut pas négliger cet aspect, tenir le cap et montrer les intérêts de l'éolien », souligne Matthieu Orphelin, député EELV du Maine-et-Loire. En plus de proposer une électricité décarbonée, l'éolien a, par exemple, le bénéfice de créer des emplois – 22 600, au total, selon FEE. « C'est une richesse pour notre commune », atteste François Benoit, maire de Saint-Étienne-de-Lugdarès (Ardèche), citant la création de dix emplois dans son village de 423 habitants, qui comporte deux parcs éoliens – dont « le plus haut et le plus venté de France ». La population française, au sens large, « n'est pas consciente de l'intérêt des ENR sur l'emploi », déplore néanmoins Matthieu Orphelin. Le défi pour la filière est donc de se faire entendre du grand public, de se faire accepter. « Les élus sont essentiels à la réussite des projets mais les citoyens doivent être intégrés à la discussion », suggère Serge Nocodie, vice-président de l'association de collectivités, Amorce, remarquant même que le « monde de l'éolien n'a pas assez communiqué ».

Paysage : la fracture locale

En France, les mentalités ne sont pourtant pas majoritairement anti-éolien, à en croire les enquêtes d'opinion. S'appuyant sur les résultats de différentes études menées sur un total de 10 000 Français, Jean-Daniel Lévy, directeur délégué du cabinet de sondage Harris Interactive, le confirme. En moyenne, 79 % affirment avoir confiance en l'éolien (et même 84 à 88 % chez les 25-49 ans), comme levier de transition énergétique. Cependant, 59 % pensent notamment que les éoliennes ont un impact non négligeable sur le paysage. Ces Français, potentiels votants à l'élection présidentielle, sont en partie ceux sur lesquels pourrait dépendre le destin de l'éolien à l'avenir, si la fracture idéologique actuelle s'installe.

« Oui, nous sommes visibles et c'est une bonne chose, répond Nicolas Wolff, de FEE. Nous ne détruisons pas le paysage, nous incarnons le sens de l'histoire. » Cette histoire est celle d'une transition énergétique matérialisée, donc visible et potentiellement dérangeante, mais prenant la voie de la décarbonation libérée des énergies fossiles. « Chaque changement d'énergie a eu son impact sur le paysage, rappelle la philosophe et présidente du collectif citoyen Paysages de l'après-pétrole, Odile Marcel. Seul le pétrole, car il était acheminé par gazoducs en Europe, était une énergie dématérialisée. »

Cette préoccupation de « raconter » l'énergie et son histoire est commune aux différentes parties prenantes de la filière. Anthony Cellier, député du Gard, évoque le besoin d'injecter « plus de storytelling en amont » des concertations relatives à un projet d'installation de parc éolien. « La communauté des communes est selon moi la bonne maille pour le dialogue. » Pour Odile Marcel, les « questions d'information et de formation » sont en effet prioritaires pour accentuer l'acceptabilité des riverains comme des futurs ouvriers du secteur. Chercheur à l'Ifri, Cédric Philibert, insiste que « la France doit donner l'exemple. Si nous prenons du retard [sur le rythme d'installations de parcs éoliens], nous mettrons en cause la trajectoire de réduction des émissions. Nous ne pouvons pas permettre cela. »

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