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Industrie photovoltaïque : des règles du jeu assainies dans une compétition redoutable

Les récentes annonces gouvernementales et les évolutions réglementaires européennes devraient mettre un coup de frein aux importations de panneaux solaires à bas coût. Mais il reste beaucoup à construire pour recréer une industrie européenne compétitive.

Energie  |    |  S. Fabrégat
Industrie photovoltaïque : des règles du jeu assainies dans une compétition redoutable

La France et l'Europe peuvent-elles relancer l'industrie photovoltaïque, majoritairement dominée par l'Asie ? C'est l'ambition affichée depuis plusieurs mois. Alors que, pendant plus d'une décennie, la France et l'Union européenne ont misé sur une politique de la demande pour dynamiser la filière solaire, elles réorientent désormais leur politique pour soutenir la structuration de la filière amont. Un changement de braquet lié aux politiques agressives des exportateurs asiatiques et à la fermeture du marché américain, après l'adoption de l'Inflation reduction act (IRA) en 2022.

« Aujourd'hui, la quasi-intégralité des panneaux utilisés en France sont importés. (…) Retroussons-nous les manches, pour produire en France, d'ici à 2030, 40 % des panneaux photovoltaïques que nous utilisons », a déclaré Bruno Le Maire, lors d'un déplacement consacré au solaire, le 5 avril dernier. Le ministre de l'Économie s'aligne ainsi sur les objectifs fixés à l'échelle européenne, visant à produire 30 gigawatts (GW) de photovoltaïque d'ici à 2030. Il a présenté, en fin de semaine dernière, toute une série de mesures pour accompagner l'émergence d'une industrie tricolore. Très attendues par la filière, celles-ci visent à décliner et renforcer l'arsenal législatif européen pour défendre l'industrie locale et fixer des règles du jeu équitables face à un afflux d'importations à bas coût.

Des règles du jeu équitable…

Dès cet été, le critère de contenu carbone de l'appel d'offres bâtiments (S21) sera révisé « afin d'éviter les contournements ». Le mix énergétique du pays de production sera pris en compte, en lieu et place d'une analyse de cycle de vie. Cette évolution pourrait, par la suite, être généralisée à tous les appels d'offres, précise le Gouvernement. Pour les petits projets au sol (S24), une prime carbone sera mise en place pour compenser le surcoût lié à l'achat de panneaux bas carbone.

“ Nous devons miser sur la R&D et les nouvelles générations de cellules pour remettre les compteurs à zéro dans l'industrie solaire ” Roch Drozdowski-Strehl, Institut photovoltaïque d'Île-de-France
La mise en place de ces bonifications au local sur les secteurs les plus dynamiques, notamment les grandes toitures, était très attendue par la filière. « Il est essentiel, pour les usines existantes qui font de l'assemblage essentiellement, de compenser l'écart de coût avec les importations, qui peut aller du simple au triple », souligne Jules Nyssen, président du Syndicat des énergies renouvelables (SER).

En effet, les quelques fabricants européens qui ont tenté de se maintenir et/ou d'émerger ces dernières années sont à la peine face aux surplus de production asiatiques qui affluent sur le marché européen après la fermeture des frontières américaines.

Mi-mars, le fabricant français Systovi, créé en 2008, a annoncé chercher un repreneur. « Ces cinq dernières années, l'entreprise a investi dans son outil industriel : nouvelle ligne de production, nouvelle technologie et laminateur capacitaire, ainsi que dans la R&D (…). Malgré ces investissements importants et un premier semestre 2023 solide, Systovi fait face, depuis l'été [2023], à l'accélération soudaine du dumping chinois », indique l'entreprise dans un communiqué, estimant que les dispositifs français et européens envisagés « n'auront pas d'effet dans un délai compatible avec les enjeux de Systovi », dont les carnets de commande se sont vidés brutalement. Le fabricant allemand Meyer-Berger est également menacé de fermeture.

… et remplir les carnets de commande demain

Deuxième défi pour parvenir à 40 % de production locale en 2030 : soutenir la création de nouvelles usines de production. Sur la vingtaine de projets recensés en Europe, deux sont annoncés en France, Carbon à Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône) et Holosolis à Sarreguemines (Moselle), pour une production de 10 GW à l'horizon 2027.

Pour sécuriser les carnets de commande, le Gouvernement annonce la mise en place, d'ici à mi-juin, d'un « Induscore » qui certifiera les différentes étapes de production au sein de l'espace économique européen. Une note de A à E (comme pour l'étiquette énergie) permettra de distinguer les produits, selon qu'ils sont entièrement, partiellement ou pas du tout fabriqués en Europe. En parallèle, le Gouvernement demande aux industriels, dans le cadre d'un Pacte solaire, de s'engager à certifier les produits, et aux acheteurs et aux développeurs de s'engager sur un minimum d'achats bien notés (10 % de A à D en 2024, 30 % en 2025, dont 5 % notés A…). « Nous nous réjouissons de la signature du Pacte solaire ; c'est un symbole fort de l'engagement de tous autour de l'industrialisation du solaire. Les volumes d'achat sur le "made in France et Europe" sont significatifs et précieux », réagit un représentant de Carbon, qui devrait déposer ses demandes de permis de construire et d'autorisation mi-avril.

Une course contre la montre ?

Très attendue également : l'entrée en vigueur du règlement européen Net zero industry act (NZIA), fin 2025, qui permettra d'aller plus loin en fixant de nouveaux critères d'éligibilité dans les dispositifs de soutien public. « Le NZIA va donner aux États membres la possibilité de mettre des critères de résilience, de qualité, de cybersécurité dans les appels d'offres, les marchés publics… Ce qui devrait permettre de réserver des parts de marché aux panneaux "made in Europe" », explique Jules Nyssen. Un enjeu essentiel, puisque « les gigafactories seront moins compétitives que le panneau chinois livré en Europe, vendu en dessous de son coût de production ».

S'il se félicite des évolutions à venir pour les appels d'offres, le représentant de Carbon appelle à l'intégration rapide de ces critères NZIA dans tous les dispositifs de soutien afin qu'ils deviennent « des critères de préqualification, voire d'exclusion ». « Il faut aller vite dans la déclinaison des différentes annonces. Chaque jour qui passe est important », prévient l'entrepreneur. Le Gouvernement annonce d'ores et déjà une obligation d'exemplarité sociale et environnementale dans la commande publique ainsi que la mise en place d'un critère de résilience en 2025. « Il faut également miser sur l'ensemble de la chaîne de valeur et éviter de faire seulement du module. C'est sur les cellules et les wafers qu'il y a une ultradépendance », souligne le dirigeant.

Assurer chaque maillon de la chaîne et soutenir l'innovation

Et c'est peut-être là que le bât blesse. Sur la vingtaine de projets européens annoncés, « la plupart concernent la fabrication de cellules et l'assemblage de modules. Malheureusement, nous manquons de projets en amont de la chaîne de valeur, notamment sur les lingots et les wafers, qui constituent la brique la plus vulnérable dans la chaîne d'approvisionnement photovoltaïque en termes de dépendance et de difficulté à délocaliser », souligne Ainhoa Lombide Endemano, porte-parole de l'Alliance européenne pour l'industrie solaire, lancée fin 2022 par la Commission et une quarantaine d'entreprises pour construire une industrie européenne compétitive. Si tous les projets identifiés aboutissaient, les objectifs de production européenne pour les modèles et les cellules seraient atteints, mais pas pour les lingots ou les wafers.

La France s'en sort un peu mieux. « Avec les deux gigafactories, on couvrira nos objectifs à 100 % sur les cellules et à 50 % sur les lingots/wafers », estime le ministre délégué, Roland Lescure, reconnaissant qu'il faut encore « remplir les trous dans la raquette ». Le Gouvernement espère produire 3 à 5 GW sur la chaîne de valeur du silicium, 5 à 10 GW de lingots et wafers, 5 à 10 GW de cellules, 3 à 5 GW de verre solaire et 3 GW d'onduleurs d'ici à 2030. La production et/ou le recyclage de silicium sont notamment essentiels puisqu'il s'agit aujourd'hui de la technologie dominante.

L'innovation en ligne de mire

« Les gigafactories misent aujourd'hui sur le silicium, qui est une technologie dérisquée et peut être produite rapidement. Demain, les innovations nous permettront d'avoir un avantage compétitif », explique Roch Drozdowski-Strehl, directeur général de l'Institut photovoltaïque d'Île-de-France (IPVF). Un point de vue que partage le président du SER. « Nous devons miser sur la R&D et les nouvelles générations de cellules. Cela permettra de remettre les compteurs à zéro dans l'industrie solaire. Mais pour cela, il faut déjà disposer des moyens de production en France et en Europe, d'où l'intérêt de maintenir l'existant et de soutenir les projets de gigafactories », estime Jules Nyssen.

Les prochaines technologies devraient réduire cette dépendance au silicium. L'IPVF planche sur la technologie pérovskite et porte un projet de gigafactory avec Voltec Solar sur un mix pérovskite-silicium. « Les couches minces sont très sobres en silicium et ont un coût énergétique moindre. Cette rupture technologique a franchi des paliers de performance importants. Il reste un certain nombre de verrous à lever, comme la stabilité dans le temps. Notre objectif est de lancer rapidement une ligne de production », explique Roch Drozdowski. De son côté, le CEA mise sur l'hétérojonction, qui permet d'optimiser l'usage des matériaux et d'augmenter le rendement des panneaux.

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