Robots
Cookies

Préférences Cookies

Nous utilisons des cookies sur notre site. Certains sont essentiels, d'autres nous aident à améliorer le service rendu.
En savoir plus  ›
Actu-Environnement

De prévisions en promesses, comment RTE a changé son fusil d'épaule

Selon une analyse historique de l'association Négawatt, les projections de consommation portées par RTE n'ont pas été toujours à la hausse. L'inflexion récente répond surtout à une volonté politique globale.

Energie  |    |  F. Gouty
De prévisions en promesses, comment RTE a changé son fusil d'épaule

Les grandes lignes de la future loi de souveraineté énergétique (ersatz de la loi de programmation énergie-climat, ou LPEC, initialement requise), et de la troisième édition de la Programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) qui l'accompagnera, sont soumises à une consultation publique jusqu'au vendredi 22 décembre. Résultat direct d'un travail de concertation de plusieurs mois, elles sont surtout le reflet d'une vision établie deux ans auparavant. Celle plus exactement formulée dans un document intitulé « Futurs énergétiques 2050 » et présenté par RTE, le gestionnaire du réseau de transport d'électricité, en octobre 2021. Au menu : réduire la consommation d'énergie d'au moins 40 % tout en augmentant la production d'électricité de 35 % (le Gouvernement parie désormais sur 55 %) d'ici à 2050.

Cette ambition, notamment d'électrification massive de la France, n'a néanmoins pas toujours été celle de RTE, comme tient à le rappeler l'association Négawatt. « Nous assistons à un recul de RTE vers une promesse d'abondance décarbonée sur la base de projections irréalistes sur la consommation », avance Yves Marignac, porte-parole et responsable des analyses et de la prospective chez Négawatt.

Une histoire de prévisions

En 2003, RTE présente son premier « bilan prévisionnel », un exercice annuel d'étude de l'équilibre entre l'offre et la demande d'électricité en France et d'estimation de son évolution attendue au moins durant les cinq années suivantes. Jusqu'au début des années 2010, les consommations d'énergie et d'électricité augmentent, en particulier avec la croissance du produit intérieur brut (PIB), et les hypothèses prévisionnelles les suivent. Puis, à la sortie de la crise économique de 2008-2009, RTE prédit, pour la première fois, dans son bilan prévisionnel de 2014, une stabilisation de la consommation d'électricité, sous la barre des 500 térawattheures (TWh). « Par la suite, chaque année sera l'occasion d'une révision à la baisse des projections précédentes », se remémore Stéphane Chatelin, directeur de l'association Négawatt. À partir de 2017, les projections penchent à leur tour vers une baisse tendancielle, avec même une réduction prévisionnelle de 45 TWh attendue d'ici à 2030.

Le bilan prévisionnel 2021, dévoilé quelques mois avant le rapport « Futurs énergétiques 2050 », tranche ensuite drastiquement avec ses prédécesseurs : une hausse de la consommation d'électricité d'un écart de 110 térawattheures en 2035, allant au-delà des 500 TWh. « Une revue à la hausse sans qu'une différence ne soit constatée sur le terrain en temps réel », atteste Stéphane Chatelin, en écho à la baisse occasionnée en 2020 par l'arrêt partiel des activités en période de crise sanitaire. En septembre 2023, le dernier bilan prévisionnel en date table jusqu'à 540 TWh de consommation finale d'électricité en 2035 (contre 457 TWh observé en 2022 et 475 TWh en 2019). Une « prévision » en cohérence avec la trajectoire de référence de RTE pour 2050, qui vise 645 TWh.

À titre de comparaison, les scénarios de l'Agence de la transition écologique (Ademe) varient, quant à eux, entre 400 et 840 TWh à même échéance – contre 490 TWh pour celui de Négawatt. « Personne n'a évidemment de boule de cristal et tout dépend des hypothèses de départ qui sont prises en compte. » Or, selon Négawatt mais également l'association Agir pour l'environnement, celles qui animent les travaux de RTE ne laissent que peu de place à la sobriété énergétique ou à tout autre politique de cet ordre.

Vers une surproduction d'électricité décarbonée ?

“ Cette évolution s'inscrit très clairement dans un réflexe d'indépendance et de souveraineté énergétique ” Yves Marignac, Négawatt
« L'inflexion des projections de RTE traduisent un changement de périmètre et d'objectif, avance Yves Marignac. Les premiers exercices prévisionnels étaient réalisés en regard de l'évolution tendancielle et du point de vue de la sécurité électrique. Plus récemment, RTE propose une évolution en s'appuyant non pas sur la réalité démographique ou économique, mais sur l'engagement de la France à atteindre la neutralité carbone en 2050. Il s'agit d'un biais méthodologique : du point de vue d'un gestionnaire du réseau électrique, le principal levier pour y parvenir ne peut être que l'électrification. » Si l'interprétation d'Agir pour l'environnement va plus loin (reprochant à la « filiale d'EDF » de surestimer les tendances de consommation « pour justifier la construction de nouveaux réacteurs inutiles »), celle de Négawatt semble s'approcher du point de vue de RTE.

En octobre 2021, Xavier Piechaczyk, président du directoire de RTE, soulignait l'importance des conséquences des nouvelles politiques publiques dans leurs projections : la fin annoncée des véhicules thermiques en Europe en 2035, la stratégie française de développement de l'hydrogène décarboné, sans oublier les objectifs de la Stratégie nationale bas-carbone (SNBC 2) mise à jour en 2020. De fait, quel que soit le scénario dessiné, « la consommation électrique augmente dans tous les cas, y compris dans la trajectoire de sobriété », avait-il alors confirmé. Pour Yves Marignac, cette pression politique sur les prévisions techniques tend à produire une « trajectoire "auto-non-réalisatrice" vers un niveau de consommation jamais atteint en France, une sorte de "mur électrique" qui nous poussera soit à une surproduction d'électricité, soit à une importation massive d'électricité et des délestages ».

Cette optique de « surproduction » – qui se ressent du programme européen RePowerEU, lancé en réaction à la crise énergétique accentuée par la guerre en Ukraine, aux dispositions de l'accord trouvé à la COP 28 de Dubaï, le 13 décembre dernier – guide aujourd'hui le projet de loi de souveraineté énergétique (ex-LPEC) et ses fortes ambitions sur les énergies renouvelables et le nucléaire. « Cette évolution s'inscrit très clairement dans un réflexe d'indépendance et de souveraineté énergétique, qui est à la faveur de réactiver le mythe du nucléaire comme outil tout puissant, en déduit Yves Marignac. S'il est salutaire que la souveraineté revienne dans la discussion, l'envisager seulement sous la forme d'une production uniquement domestique et prioritairement nucléaire va contre le sens de l'histoire. Idem quant à l'espèce de bulle qui se crée autour de l'hydrogène, comme nouvel outil de décarbonation garantissant l'abondance énergétique. La souveraineté passe d'abord par une maîtrise de nos besoins de consommation, comme le plan de sobriété. »

RéactionsAucune réaction à cet article

Réagissez ou posez une question au journaliste Félix Gouty

Les réactions aux articles sont réservées aux lecteurs :
- titulaires d'un abonnement (Abonnez-vous)
- inscrits à la newsletter (Inscrivez-vous)
1500 caractères maximum
Je veux retrouver mon mot de passe
Tous les champs sont obligatoires

Partager

Votre conseil en droit des problématiques Énergies-Climat Huglo Lepage Avocats
Matooma, connectez vos objets IoT avec les réseaux 2G, 3G, 4G, 5G, LTE-M Matooma