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Actu-Environnement

Le projet de réforme des redevances des agences de l'eau provoque des remous

Prévue dans le cadre des Assises de l'eau, la réforme d'une partie des redevances perçues par les agences de l'eau pourrait se concrétiser dans le cadre du PLF 2022. Retour sur une première architecture de projet qui ne fait pas l'unanimité.

Eau  |    |  D. Laperche

Annoncée lors des Assises de l'eau, la réforme d'une partie des redevances perçues par les agences de l'eau (1) via les factures d'eau pourrait se concrétiser à l'automne, dans le cadre de la loi de finance pour 2022. Le projet est aujourd'hui en cours de présentation aux comités de bassin. Le ministère de la Transition écologique souhaite en effet revenir sur les deux redevances qui constituent les trois quarts des recettes des agences : celle pour pollution de l'eau d'origine domestique et celle pour modernisation des réseaux de collecte. Cette dernière serait remplacée par une nouvelle redevance « de solidarité territoriale ».

L'enjeu de cette refonte est conséquent : aujourd'hui pierre angulaire du financement de la gestion de l'eau, les redevances des agences – par leur construction – sont également fragiles. « Le système est devenu incohérent : il fait payer des impôts dans une facture d'eau - ce qui est inconstitutionnel - pour financer des opérations qui ne rendent pas service à ceux qui l'ont payé », pointe Bernard Barraqué (2) , directeur de recherche émérite au CNRS.

Améliorer la prise en compte du principe pollueur-payeur

Un rapport (3) de mission interministérielle (4) publié en avril 2018 soulignait également que le financement des agences était largement porté par les usagers domestiques à travers les redevances pour pollution de l'eau d'origine domestique et pour modernisation des réseaux de collecte. Ce qui « conduit mécaniquement à des demandes de « retours » via des aides au fonctionnement (primes de performance épuratoire) ou à l'investissement (stations d'épuration et réseaux de collecte) dans les systèmes d'eau potable et d'assainissement, afin de modérer, à performances constantes, les augmentations du prix de l'eau, détaillait la mission. Ces insuffisances du système de redevances rendent délicat un recentrage plus marqué des interventions des agences sur le « grand cycle » de l'eau ».

Elle pointait par ailleurs une insuffisance dans la prise en compte du principe pollueur-payeur. La mission recommandait notamment de faire évoluer la redevance pour pollution de l'eau d'origine domestique de manière à l'asseoir sur la quantité de pollution rejetée au milieu naturel. « Les redevances pour pollution de l'eau d'origine domestique, assises sur les volumes d'eau facturés à l'abonné, s'inscrivent dans une logique fiscale de rendement plutôt que de taxation environnementale », estimait également la mission. Selon elle, des évolutions se justifient d'autant plus dans un contexte de réduction des marges de manœuvre des agences de l'eau. « La baisse des interventions des agences de l'eau supposera d'être en mesure de mobiliser davantage les deux autres leviers (réglementaires et fiscaux) aux fins d'amélioration de la qualité des masses d'eau », soulignaient les rapporteurs.

Ces recommandations ont manifestement alimenté les réflexions du ministère sur cette réforme.

Les collectivirés territoriales, désormais redevables

Ce dernier souhaite en effet que ce soit désormais la collectivité territoriale, maître d'ouvrage du système d'assainissement, qui soit le redevable de la redevance pour pollution de l'eau d'origine domestique et non plus l'usager domestique. Le montant serait assis sur les m3 d'eau facturés aux usagers raccordés à l'assainissement collectif (et plus sur la consommation d'eau potable). Le taux serait modulé (5) en fonction de la bonne gestion et du bon fonctionnement du système d'assainissement. Les collectivités répercuteront ensuite cette charge entre les usagers domestiques et industriels  (6) raccordés au réseau d'assainissement collectif.

Cette évolution s'inscrit également dans le contexte de la suppression de la prime pour performance épuration d'ici 2024, prime versée par les agences de l'eau aux collectivités en fonction des performances de leur station d'épuration.

Accentuer la solidarité urbaine-rurale

En parallèle, le ministère compte créer une redevance de solidarité territoriale fondée sur la consommation d'eau. « Elle sera clairement identifiée comme un outil de solidarité entre les villes et les territoires ruraux, avait annoncé le Gouvernement à l'issue de la première session des Assises de l'eau. Une telle redevance de solidarité territoriale incitera à une bonne gestion patrimoniale des réseaux en remplacement de la redevance pour modernisation des réseaux de collecte ». Là encore, les nouveaux assujettis seront les collectivités territoriales compétentes en matière de distribution d'eau potable qui se tourneront ensuite vers les usagers domestiques et industriels raccordés. De la même manière, le montant de la redevance pourrait diminuer en fonction de la bonne gestion patrimoniale des réseaux et des difficultés naturelles (par exemple zone de montagne) rencontrées dans la distribution d'eau.

Des parties prenantes opposées au projet

Si la plupart des acteurs saluent, dans le principe, la réforme des redevances, les évolutions proposées ne suscitent pas le consensus. La FNCCR et l'association des maires de France et des présidents d'​Intercommunalités (AMF) demandent donc un report de la traduction législative du projet de réforme et d'engager une véritable concertation. « Il est (…) à craindre que les augmentations des redevances nettes de subvention que vont subir certaines collectivités (en particulier les plus urbaines même si aucune étude d'impact à l'échelle des collectivités n'a été fournie) les incitent à réduire leurs programmes d'investissement, ce qui serait contraire à tous les objectifs affichés DERU [Directive eaux résiduaires urbaines], assises de l'eau, plan de relance, indiquent-ils. On peut également souligner les difficultés « politiques » qui résulteront de l'obligation pour les collectivités de déterminer les modalités de répercussion des redevances sur le prix de l'eau et de l'assainissement en fonction de leurs grilles tarifaires et des catégories d'usagers ». Ces derniers estiment également que les industriels usagers des services publics de l'assainissement des eaux usées pourraient connaître une augmentation significative de leurs redevances.

La méfiance devant cette première mouture et le regret d'un basculement de leur gestion vers les collectivités est également partagée par l'Assemblée des Communautés de France (AdCF), l'Assemblée des départements de France, la fédération professionnelle des entreprises de l'eau (FP2E), la Fédération nationale des associations de riverains et utilisateurs industriels de l'eau (Fenarive) ainsi que les associations de collectivités France urbaine et Amorce. « Nous sommes des gestionnaires des services d'eau et d'assainissement pour le compte des collectivités territoriales, nous collectons les redevances pour le compte des agences de l'eau auprès des usages. Notre vision du service est que chaque bénéficiaire de la facture d'eau doit être identifié sur la facture, situe Tristan Mathieu, Délégué général de la FP2E.Ce nouveau système ne va pas dans le sens de la transparence. Nous risquons également d'avoir autant de taux que de collectivités. Pour autant, nous estimons depuis longtemps qu'il faut moduler les redevances des agences de l'eau en fonction des performances des services pour induire une incitation un peu plus importante que ce qu'elle ait aujourd'hui ».

Une refonte grâce au projet de loi de finances pour 2022 ou 2023 ?

Reste à voir l'arbitrage politique qui sera rendu sur le projet de réforme et s'il sera, comme prévu, mis en œuvre dans la loi de finances pour 2022 (ou en 2023). Et surtout quelle vision politique globale sera suivie. Pour la FNCCR, selon leur simulation financière, cette réforme induira une baisse des aides pour certaines collectivités, qu'il va falloir compenser : « Dans le contexte de refus persistant de remise en cause du plafond mordant (7) des agences de l'eau et de suppression des primes d'épuration, le raisonnement en redevance diminuée d'une partie des aides a du sens - même si cela revient à créer de la complexité pour « corriger » des choix politiques contestables plutôt que de revenir sur ces choix, analyse la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR). À la condition toutefois que cette baisse du produit net des redevances prélevées sur la facture d'eau soit effectivement compensée par de nouvelles ressources financières (redevance atteinte à la biodiversité, pollution diffuse, usage de produit de consommation courante contenant des micropolluants ou microplastiques...). La réforme doit donc être globale, faute de quoi cette diminution risque de se traduire en réalité par une baisse du plafond mordant ! ». Pour mémoire, le ministère compte porter un projet de diversification des redevances par la création d'une redevance portant sur des impacts sur la biodiversité, mais pour l'instant les modalités ne sont pas connues.

1. Les agences de l'eau collectent 7 redevances pour leur propre compte : celle pour pollution de l'eau d'origine domestique ; pour modernisation des réseaux de collecte ; pour prélèvement (alimentation en eau potable) ; pour pollution de l'eau d'origine non domestique, pour modernisation des réseaux de collecte de l'industrie ; pour prélèvement des industries ; pour prélèvement de l'agriculture (irrigation).
Quatre font l'objet d'une perception mutualisée entre les agences : la redevance pour pollutions diffuses de l'agriculture (produits phytosanitaires) ; pour le stockage en période d'étiage ; la redevance pour pollution de l'eau par les activités d'élevage, ; la redevance pour la protection du milieu aquatique (activités de pêche).
2. Lire Grand débat : il faut oser créer une parafiscalité pour une gestion de l'eau en bien commun <br /><br />
https://www.actu-environnement.com/blogs/bernard-barraque/45/Grand-debat-parafiscalite-gestion-eau-bien-commun-64.html
3. Télécharger L'avenir des opérateurs de l'eau et de la biodiversité<br /><br />
https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-31677-rapport-IGF-CGEDD.pdf
4. De l'Inspection générale des finances et du Conseil général de l'environnement et du développement durable d'avril 20185. Le montant de la redevance peut baisser en fonction de la validation de l'auto-surveillance du système d'assainissement, de la conformité réglementaire du système d'assainissement et son fonctionnement6. L'assujettissement des industriels à la redevance«pollution» est prévue sans plafonnement à 6000 m3 comme actuellement7. Seuil fixé aux agences de l'eau au-delà duquel les recettes perçues sont orientées dans le budget général de l'État

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