Les incendies continuent de ravager la forêt amazonienne. Le Brésil a ainsi enregistré près de 80.000 feux de forêt depuis le début de l'année. Si les chiffres n'atteignent pour l'instant pas les niveaux tristement élevés constatés en 2012, leur concordance avec l'actualité politique du G7 aura permis leur mise en lumière sur la scène internationale.
Interpellé par Emmanuel Macron, différents pays, dont la France, ont en effet profité de l'événement pour proposer leur aide aux pays amazoniens.
En première ligne pour le départ de ces feux : la déforestation. Et les causes de cette dernière sont identifiés depuis longtemps.
Dans une étude publiée en 2009, Greenpeace estimait que l'élevage bovin était responsable de 80 % de la déforestation amazonienne. Si les niveaux ont diminué depuis, l'élevage reste la première cause de déforestation dans la partie brésilienne de l'Amazonie. Autre responsable : la production de soja.
"La culture du soja contribue désormais à détruire les régions du Gran Chaco et du Cerrado, regrette l'ONG dans un document publié cette année. Le Cerrado aurait ainsi déjà perdu près de la moitié de sa végétation naturelle, soit environ 88 millions d'hectares : une superficie équivalente à 1,4 fois la France".
Pour Fondation Nicolas Hulot et l'Institut Veblen, des mesures doivent être prises pour inciter à une réduction de la déforestation. "La déforestation (…) a été multipliée par quatre depuis l'arrivée au pouvoir de Jair Bolsonaro", indiquent-elle.
"Recréer la souveraineté protéinique de l'Europe"
"Nous avons une part de complicité, a reconnu Emmanuel Macron, lors d'un entretien pour France 2. Le soja nous en avons besoin comme protéine pour nourrir les animaux et nous n'en avons pas. C'est le fruit d'un vieil équilibre qui a été conclu dans les années 60 entre l'Europe et les Etats-Unis. Nous avons accepté une dépendance en terme de protéines. C'est mauvais, car cela fait faire du trajet à des choses que nous pourrions produire sur notre territoire". Le président souhaite donc "recréer la souveraineté protéinique de l'Europe". "L'Europe doit être capable de produire ses propres protéines pour elle-même, pour consommer, et pour les éleveurs", précise-t-il.
L'Union européenne importerait ainsi près de 90 % de ses besoins en protéines végétales tandis que la France autour de 50 %.
Cette volonté de ne plus dépendre de pays tiers pour l'approvisionnement en protéines végétales n'est pas nouvelle. En décembre 2014, Stéphane Le Foll, alors ministre de l'Agriculture avait présenté un plan sur la période 2014-2020 pour accroître l'indépendance et développer une production française.
L'actuel ministère de l'agriculture et de l'alimentation a quant à lui lancé en février 2019 une concertation pour élaborer une stratégie nationale sur les protéines végétales. Parmi les pistes : mieux valoriser certaines sources alternatives de protéines telles que "les légumineuses fourragères et les protéagineux, afin de renforcer l'autonomie protéique des exploitations d'élevage et des territoires. Il sera également nécessaire d'accompagner le développement de filières de légumineuses", indique le ministère de l'Agriculture. Le document devrait être publié mi-octobre.
Au niveau européen, des réflexions sont également en cours. Après que le Parlement a pris une résolution en avril 2018 en faveur de la mise en œuvre d'une stratégie sur la question, la Commission européenne a publié en novembre 2018 un rapport sur le développement des protéines végétales dans l'Union européenne. Le document propose divers instruments existants ou faisant partie des propositions pour la future politique agricole commune (PAC) qui pourraient contribuer au développement des protéagineux au sein de l'UE. Par exemple, il souhaite que soit reconnu les bénéfices environnementaux des légumineuses par des programmes écologiques et des engagements dans le cadre des programmes de développement rural mais également de mobiliser les aides au développement rural.
Le gouvernement français a également réalisé un autre petit pas pour agir contre la déforestation : il s'est engagé à réduire puis stopper à l'horizon 2030 l'impact des importations françaises sur la dégradation des forêts tropicales. L'outil utilisé pour cela, la Stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée (SNDI), ne mise toutefois que sur des engagements volontaires…
Changer de système d'élevage ?
"Acquérir une souveraineté protéique, si chère au Président français, ne pourra se faire qu'en réduisant notre production de viande, d'œufs et de produits laitiers, a réagi Suzanne Dalle, chargée de campagne Agriculture chez Greenpeace. Il faut transformer notre système d'élevage industriel, aujourd'hui à bout de souffle, et favoriser un modèle d'élevage autonome et économe, aux antipodes du modèle des fermes-usines ".
Pour le syndicat spécialisé de la Coordination rurale, France Grandes Cultures "pour acheter moins de soja au Brésil, il va aujourd'hui falloir commencer par renégocier les accords commerciaux et engager un réel bras de fer, notamment avec Donald Trump qui a obtenu de l'Union européenne qu'elle favorise le soja étasunien dans ses achats". "Emmanuel Macron y est-il réellement disposé ? ", interroge-t-il.