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« On mise sur la massification des filières zéro phyto pour parvenir à des volumes compétitifs »

En Bretagne, le projet Envezh vise à accompagner les agriculteurs vers un abandon des pesticides en misant sur le collectif et la massification des volumes, pour réduire les coûts. Le point avec Gérard Gruau, responsable scientifique du projet.

Interview  |  Agroécologie  |    |  S. Fabrégat
   
« On mise sur la massification des filières zéro phyto pour parvenir à des volumes compétitifs »
Gérard Gruau
Chercheur au CNRS et responsable scientifique du projet Envezh.
   

Actu Environnement : Dans quel contexte lancez-vous le projet Envezh ?

Gérard Gruau : Ce projet s'inscrit dans l'objectif général de réduction de l'usage des produits phytosanitaires. En 2022, la Bretagne a connu une alerte forte avec la contamination des eaux distribuées au S-métalochlore, un herbicide utilisé dans la culture du maïs notamment. Cette contamination touchait un tiers de la population et pouvait conduire au déclassement de l'eau pour un usage potable : c'était un peu la panique chez les élus. Fin 2022, ce métabolite a finalement été sorti des critères pour la qualité des eaux par l'agence de sécurité sanitaire (Anses), il n'y a donc pas eu de conséquence sur l'approvisionnement des citoyens.

Mais la contamination des eaux est toujours là. En Bretagne, les eaux de surface sont très sensibles aux pollutions agricoles. La question est donc : comment fait-on pour accompagner les agriculteurs vers une réduction des produits phytosanitaires ? Plusieurs outils ont déjà été mis en place. La politique agricole commune (PAC) encourage les bonnes pratiques pour bénéficier des aides, mais elle ne les rend pas obligatoires. Cela repose sur une démarche volontaire, et sans réelle couverture du risque pris par les agriculteurs. L'idée du projet Envezh est de mettre en place des stratégies plus intégratives, portées par les acteurs de l'agriculture eux-mêmes, pour ramener plus de valeur dans les exploitations.

AE : Votre approche est donc avant tout économique ?

GG : Les grandes métropoles, comme Rennes, ont la capacité, par la commande publique, à être acteur de la transition agricole, en ouvrant des marchés, comme les cantines, à l'agriculture locale. En contournant les règles de la commande publique, en s'appuyant notamment sur l'enjeu lié à l'eau potable et à la protection de la ressource, c'est possible. Cela a permis d'embarquer plus d'une centaine d'agriculteurs en dix ans. Mais quels sont les débouchés pour les territoires éloignés des métropoles, qui n'ont pas ce levier ?

Plusieurs acteurs locaux de l'agro-industrie ont développé des filières de niche, sans utilisation de produits phytosanitaires ou avec une forte réduction de leur usage. Notre objectif est de s'appuyer sur ces initiatives, de rassembler les acteurs dans un projet commun et de les mettre au défi sur une massification de ces filières. Les agriculteurs demandent qu'on leur fasse confiance et qu'on leur donne les moyens d'évoluer. On les prend donc au mot ! La bonne surprise est que des coopératives privées, des agriculteurs, des chambres d'agriculture adhèrent à cette idée. Pour ces acteurs, l'agriculture biologique restera un marché de niche, qui implique un surcoût pour le consommateur. Là, l'objectif est de tendre vers du zéro phyto, ou moins de phytos, en faisant en sorte que les surcoûts soient faibles. On reste dans une logique d'agriculture conventionnelle, mais on l'accompagne vers du zéro phyto en jouant sur la massification pour parvenir à des volumes compétitifs.

AE : Quelles filières participent au projet ?

GG : Nous avons choisi le territoire du bassin versant de l'Yvel-Hivet comme démonstrateur parce qu'il alimente une prise d'eau potable.Ce territoire fait 30 000 hectares et regroupe près de 400 exploitations agricoles. Il est situé en Centre Bretagne, loin des métropoles, et fait donc partie de ces territoires pleinement ruraux dans lesquels il faut trouver des solutions. Plusieurs filières vont être mobilisées dans le projet. La coopérative Cooperl a déjà lancé une filière de céréales intégrée, Envi, pour l‘alimentation des porcs. C'est une filière intégrée qui va de la production de semences à la transformation de la viande de porc, commercialisé sous la marque Brocéliande. Il y a aussi le blé meunier pour produire pains et farines, les légumes pour la filière du surgelé, les pommes de terre pour les chips… Nous discutons avec des représentants de toutes ces filières végétales.

Nous sommes actuellement en phase de maturation du projet, pour seize mois, c'est-à-dire que nous définissons les objectifs en termes de surface, de nombre d'agriculteurs ; nous faisons l'analyse des débouchés pour ces filières aux coûts un peu plus élevés conventionnelles avec usage de produits phytosanitaires. L'objectif serait d'atteindre 15 000 à 20 000 hectares, 400 à 500 agriculteurs. Nous réfléchissons en parallèle à un système assurantiel pour couvrir les risques de l'abandon des phytosanitaires. L'Agence de l'Eau Loire-Bretagne et la Région Bretagne sont intéressées aussi par le projet. On va donc voir comment articuler les initiatives portées par la puissance publique et celles portées par les acteurs privés impliqués dans Envezh, et faire en sorte que les initiatives s'additionnent pour attirer encore plus d'agriculteurs dans le projet. Avec des contrats de transition agroécologique par exemple ? Tout ça reste à préciser avant le lancement effectif du projet en 2025, pour cinq ans.

AE : Comment comptez-vous valoriser, auprès des consommateurs en bout de chaîne, les produits issus de ce projet ?

GG : C'est là un des enjeux. Les agriculteurs sont en Centre Bretagne, mais ils valorisent leurs produits à des échelles beaucoup plus grandes, française voire européenne. C'est une des complexités du projet : comment relier le produit à un territoire tout en ayant une couverture aussi large. Il faut faire un grand écart que n'ont pas à faire le bio ou le local. Le discours vis-à-vis du consommateur est à inventer.

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