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Stockage des ammonitrates : un projet de réglementation en consultation après des contrôles inquiétants

MAJ le 28/01/2022

Le ministère de la Transition écologique met en consultation deux textes visant à renforcer la sécurité des stockages d'engrais à base de nitrate d'ammonium. Les contrôles menés en 2021 ont révélé de très nombreuses non-conformités.

Risques  |    |  L. Radisson
Stockage des ammonitrates : un projet de réglementation en consultation après des contrôles inquiétants

L'onde de choc de l'explosion du port de Beyrouth se fait ressentir jusque dans les campagnes françaises. Après la catastrophe, le gouvernement français avait lancé une mission relative à la gestion des risques liés à la présence d'engrais à base de nitrate d'ammonium dans les ports. Les hauts fonctionnaires chargés de cette mission ont pointé de graves insuffisances dans les ports fluviaux. Mais, élargissant leur feuille de route initiale, ils ont aussi relevé des risques importants dans la filière agricole.

À la suite de ces constats, la mission a formulé dix recommandations pour renforcer la prévention des risques liés aux ammonitrates contenant une forte proportion de nitrate d'ammonium, dits « haut dosage », qui présentent le risque d'explosion le plus fort. En septembre dernier, le ministère de la Transition écologique s'était dit prêt à reprendre un certain nombre de ces recommandations.

Curieusement, mais sans doute parce que le terrain est moins semé d'embûches, la première tentative de réglementation a porté sur les ports maritimes, où les risques sont pourtant mieux maîtrisés. Le deuxième épisode de ce projet de renforcement de la réglementation survient avec la mise en consultation publique (1) , jusqu'au 15 février prochain, de deux projets de textes qui visent, cette fois, à renforcer la réglementation des stockages agricoles. Ces textes doivent être examinés par le Conseil supérieur de la prévention des risques technologiques (CSPRT) lors de sa séance du 22 février.

Première étape pour améliorer la sécurité

« Ces projets de textes réglementaires, relatifs au régime de la déclaration, constituent une première étape pour l'amélioration de la sécurité des ammonitrates utilisés par la filière agricole », indique le ministère de la Transition écologique. Le dispositif proposé est composé d'un décret et d'un arrêté. Le projet de décret (2) prévoit, à compter du 1er août 2022, de modifier la rubrique 4702 de la nomenclature des installations classées (ICPE) en vue d'étendre le régime de déclaration avec contrôle périodique (DC) aux installations dans lesquelles sont susceptibles d'être présents des ammonitrates haut dosage en quantité supérieure à 150 tonnes, tous conditionnements confondus (vrac et big bags). Actuellement, ce seuil est fixé à 250 tonnes pour le vrac, et à 500 tonnes pour les big bags. En d'autres termes, ce décret soumet au régime des ICPE des installations qui n'en relevaient pas jusqu'à présent.

“ Ces projets de textes réglementaires constituent une première étape pour l'amélioration de la sécurité des ammonitrates utilisés par la filière agricole. ” Ministère de la Transition écologique
« En dessous de 250 tonnes, les stockages ne sont pas règlementés alors que le potentiel de dangers des stocks d'ammonitrates haut dosage reste important », avait en effet pointé la mission, après avoir rappelé l'explosion d'un entrepôt agricole, à Saint-Romain-en-Jarez (Loire), en 2003. Celle-ci avait blessé 26 pompiers, dont neuf grièvement. « Un nouvel accident grave reste possible », ont averti les fonctionnaires.

La nécessité d'étendre la réglementation ICPE est « issue du retour d'expérience de plusieurs accidents », précise le ministère de la Transition écologique dans la notice de présentation du décret. L'Inspection des installations classées a été chargée, durant l'année 2021, d'une action nationale portant sur le contrôle des stockages d'ammonitrates, en vrac et en big bags, dans les ports et les coopératives agricoles. La mission avait recommandé de privilégier les contrôles des installations soumises à déclaration stockant de l'ammonitrate haut dosage et, en fonction des résultats, d'abaisser le seuil de déclaration à 50 ou 100 tonnes. Le ministère retient aujourd'hui cette proposition, avec un seuil toutefois supérieur.

Il faut dire que les résultats des contrôles effectués en 2021 ne sont pas bons. Menés dans 246 installations, ils ont révélé plus de 550 non-conformités aux prescriptions contrôlées, qui ont donné lieu à 38 arrêtés préfectoraux de mise en demeure. Les non-conformités constatées ? Non-respect de l'obligation de tenue d'un état des stocks, de l'éloignement des stockages de tout matériau combustible, du respect de la distance d'éloignement entre les engrais ou encore de l'obligation de faire réaliser un contrôle périodique.

Prévenir les risques de contamination des engrais

Le deuxième projet de texte est un arrêté (3) qui viendra modifier l'arrêté ministériel du 6 juillet 2006, qui fixe précisément les prescriptions applicables aux installations soumises à déclaration sous la rubrique 4702. Il rend applicable ces prescriptions aux installations entrant dans le champ des ICPE du fait de la modification du décret.

Ces prescriptions, explique le ministère, visent à prévenir par des mesures organisationnelles les risques de contamination des engrais avec des matières combustibles ou incompatibles, à protéger les stockages des risques de propagation d'incendie (distances d'isolement, dispositions constructives, équipements électriques qualifiés), et à disposer de moyens techniques et organisationnels permettant de lutter efficacement contre un sinistre.

Il est prévu que ces règles s'appliquent aux installations déclarées après le 1er août 2022, mais aussi aux installations existant avant cette date, selon un calendrier échelonné entre six mois et trois ans et demi selon les dispositions considérées. La mise en conformité complète devra donc être achevée pour le 1er février 2026. Ces délais tiennent compte des contraintes techniques de réalisation de chacune des mesures et sont « identiques à ceux qui avaient été appliqués en 2006 lors de la précédente évolution du seuil de la nomenclature », explique le ministère.

Malgré les risques identifiés et cette longue période transitoire, la FNSEA et les fournisseurs d'engrais sont vent debout. « L'arbitrage que le Premier ministre s'apprête à prendre n'a aucun sens. Une décision est prise avant toute étude d'impact et à l'inverse du bon sens ! Rien que sur le plan logistique, 30 à 50 % des sites de stockage de proximité pourraient fermer et nombre de producteurs relèveraient désormais des ICPE. Répondre à cette nouvelle législation nécessitera des investissements supplémentaires conséquents évalués entre 80 et 120 000 euros par exploitation agricole », s'indignent les organisations agricoles (4) dans un communiqué commun publié le 28 janvier.

Opposition des fabricants et des coopératives

Les modifications proposées ne répondent pourtant pas à l'ensemble des recommandations de la mission. Cette dernière suggérait également de soumettre à enregistrement les installations relevant actuellement du régime de déclaration, après avoir constaté que l'obligation de contrôle par un organisme agréé était « largement ignorée ». Ce que vient de confirmer le ministère en révélant les résultats de ses contrôles. On peut donc se poser la question de savoir si les installations qui vont entrer sous ce régime la respecteront davantage. Dans le même temps, les fonctionnaires avaient préconisé de sortir du champ des ICPE les plus petites installations de stockage d'ammonitrates à moyen dosage afin de rendre plus attractifs ces produits, moins dangereux.

La mission voyait dans cet allègement réglementaire non une régression mais, au contraire, « une amélioration significative de la réglementation dans la mesure où elle a pour effet d'inciter à l'utilisation d'engrais moins dangereux, mais aussi moins impactant pour l'environnement ». À défaut de cette mesure, ils craignaient qu'un renforcement du contrôle des ICPE déclarées pousse les coopératives agricoles à renoncer au stockage, et donc à multiplier les stockages à la ferme en dessous des seuils ICPE, ou à passer à d'autres types d'engrais azotés, plus polluants, comme l'urée ou les solutions azotées.

Sauf que le gouvernement est confronté aux fabricants d'engrais et aux coopératives agricoles opposés à un basculement vers les ammonitrates bas ou moyen dosage. « Pourquoi avons-nous besoin d'ammonitrates haut dosage ? C'est une question de souveraineté, l'ammonitrate 33 est fabriqué en France. Nous connaissons de très grandes difficultés à nous approvisionner en azote. Le risque de pénurie n'est pas complètement exclu », a plaidé Antoine Hacard, président de la Coopérative agricole – Métiers du grain, le 12 janvier devant la commission de l'aménagement du territoire du Sénat. « Si demain, vous voulez passer du vrac d'ammonitrate haut dosage au moyen dosage, mathématiquement, vous allez mettre 20 % d'azote en moins (…). Vous allez mécaniquement mettre 20 % de camions en plus sur les routes, car la dose d'azote doit rester la même », a également expliqué Renaud Bernardin, président de l'Union des industries de la fertilisation (Unifa).

D'autres propositions sont malgré tout dans les tuyaux pour améliorer la prévention des risques. « Des missions sont prévues pour émettre des propositions complémentaires sur la question du seuil d'autorisation, sur les mesures d'accompagnement associées à ces changements et sur les moyens de réduire l'utilisation du vrac haut dosage », annonce en effet le ministère de la Transition écologique.

1. Accéder à la consultation
http://www.consultations-publiques.developpement-durable.gouv.fr/projets-de-decret-modifiant-la-nomenclature-des-a2590.html
2. Télécharger le projet de décret
https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-38996-decret-stockage-ammonitrates.pdf
3. Télécharger le projet d'arrêté
https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-38996-arrete-stockage-ammonitrates.pdf
4. FNSEA, AGPB, AGPM, CGB, FP, FNA, Unifa, La Coopérative agricole

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