La loi de transition énergétique de 2015 prévoyait l'autonomie énergétique des territoires ultramarins d'ici à 2030. Une idée déjà véhiculée depuis le Grenelle de l'environnement. Mais la transition de ces systèmes énergétiques, très dépendants des énergies fossiles, vers les renouvelables tarde à être engagée. De nombreux freins doivent encore être levés, note une mission d'information de l'Assemblée nationale dans un rapport (1) publié le 26 juillet. Celle-ci rappelle que l'objectif de la transition énergétique est double : réduire l'impact climatique, mais aussi limiter la dépendance énergétique de ces territoires. Et non en créer de nouvelles.
Géothermie, solaire, éolien, biomasse… Le gisement en énergies renouvelables des territoires ultramarins est varié. L'Ademe a d'ailleurs publié des scénarios 100 % renouvelables pour les Outre-mer à l'horizon 2035. « Si les énergies fossiles restent largement dominantes en matière d'électricité, les efforts consentis par la plupart des territoires laissent entrevoir la possibilité d'une quasi-autonomie d'ici quelques années. Pour ce qui concerne la mobilité, la recherche de l'autonomie sera plus ardue », note la mission d'information, qui s'attarde sur les déboires à éviter.
Développer des filières locales
Les îles volcaniques (La Réunion, Guadeloupe, Martinique) disposent d'un potentiel géothermique important, mais les projets sont longs à développer (jusqu'à quinze ans) et freinés par des coûts d'investissement importants. Les rapporteurs proposent donc de les faire bénéficier du fonds de garantie sur les forages et de supprimer l'exclusivité d'un permis de recherche lorsque son bénéficiaire n'en use pas dans un délai raisonnable.
Enfin, si des projets de centrales à biomasse voient le jour, les rapporteurs pointent du doigt certains d'entre eux, notamment à La Réunion, qui dépendent en partie de pellets en provenance du Québec ou de colza cultivé en Australie, transformé en France avant d'être envoyé dans l'océan Indien… Pour compléter les gisements en bagasse, insuffisants pour couvrir l'ensemble des besoins, ils préconisent d'étudier la piste des déchets ménagers qui sont encore majoritairement enfouis dans ces territoires. « Les combustibles solides de récupération (CSR) peuvent être une part de la solution à ce problème. Ils sont préparés à partir de déchets non dangereux solides et permettent d'alimenter les industries et les collectivités en chaleur et/ou en électricité pour servir d'alternative aux combustibles fossiles comme le fuel ou le gaz ». Deux projets sont en développement à La Réunion, note le rapport.
Diversifier les solutions de mobilité
Le deuxième volet de l'autonomie énergétique, et non le moindre, concerne la mobilité. Ce secteur, dans les outre-mer, dépend entre 90 et 95 % des énergies fossiles. « Sortir du tout pétrole pour aller vers le tout électrique est un non-sens, car la batterie, par nature, du fait de sa conception chimique, n'est pas renouvelable », prévient d'emblée le rapport. Or, les armateurs rechignent à évacuer les batteries usagées des îles, ce qui fait craindre une accumulation d'épaves libérant des polluants sur ces territoires. Le développement de l'électrique doit donc être accompagné de la mise en place de filières de gestion de la fin de vie de ces véhicules, estiment les rapporteurs.
Ceux-ci préconisent d'étudier les solutions alternatives au véhicule individuel, notamment la relance du train à La Réunion ou l'expérimentation de bus à hydrogène (produit à partir de déchets locaux notamment), comme l'expérimente la Martinique. Les mobilités douces électriques (trottinettes, vélos…) peuvent également être une solution à encourager pour les déplacements courts.
Mettre en adéquation finances et transition
Enfin, transition énergétique rime souvent avec fiscalité et signal prix. La mission d'information pointe deux freins majeurs à la transition. La péréquation tarifaire, d'abord, permet aux territoires ultramarins d'accéder à une énergie abordable, déconnectée des coûts réels de production, dans une logique de solidarité nationale. Mais elle nuit à la compétitivité des énergies renouvelables, notent les rapporteurs. « Dans ces conditions, pourquoi un particulier investirait-il dans l'achat de panneaux solaires longs à rentabiliser alors qu'une électricité lui est vendue à un prix finalement pas si élevé ? Ce mécanisme est d'autant plus pervers que l'électricité subventionnée qui lui est vendue est à 80 % d'origine fossile… » Ils préconisent donc la publication de nouveaux tarifs d'achat pour le photovoltaïque, jusqu'à 500 kilowattheures (kWh). « Les nouveaux tarifs doivent être suffisamment attractifs pour relancer la pose de panneaux solaires dans les outre-mer. »
Autre faiblesse : les collectivités ultramarines perçoivent d'importants revenus liés aux énergies fossiles, notamment via la taxation sur les produits pétroliers, ce qui peut constituer un frein au changement. La mission recommande donc de mettre en place un système de compensation pour celles qui s'engagent dans la transition énergétique, financé par la contribution au service public de l'électricité (CSPE).