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ZAN : les autorités environnementales révèlent la mauvaise appropriation de l'objectif

Alors que le Parlement examine la proposition de loi relative à l'artificialisation des sols, un bilan des autorités environnementales montre que l'objectif n'est toujours pas intégré au niveau local et que la consommation d'espaces ne faiblit pas.

Aménagement  |    |  L. Radisson
ZAN : les autorités environnementales révèlent la mauvaise appropriation de l'objectif
Actu-Environnement le Mensuel N°438
Cet article a été publié dans Actu-Environnement le Mensuel N°438
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« Aujourd'hui, la territorialisation du "zéro artificialisation nette (ZAN)" n'est pas encore effective. » Tel est le constat opéré par la synthèse 2022 (1) de la Conférence des autorités environnementales publiée le 1er juin. Ce constat est effectué alors que l'Assemblée nationale examine en ce moment la proposition de loi visant à faciliter la mise en œuvre de cet objectif inscrit dans la loi Climat et résilience d'août 2021. Cet objectif, à l'horizon 2050, est précédé par celui, intermédiaire, de réduire de moitié le rythme de consommation nette d'espaces naturels, agricoles et forestiers (Enaf) d'ici à 2031. Ces deux objectifs subissent de nombreux assauts de la part des élus locaux soucieux de préserver leurs capacités de développement.

Pourtant, la France est mauvaise élève en la matière, rappellent les auteurs du rapport : 21 000 hectares consommés en moyenne chaque année, une augmentation quatre fois plus rapide que celle de la population sur les vingt dernières années, une surface artificialisée moyenne par habitant (47 km2/100 000 hab.) supérieure à celle de ses voisins européens. Et ce, alors que l'artificialisation des sols ne garantit pas le développement économique des collectivités.

Surestimation des besoins d'espaces

Les objectifs de réduction de l'artificialisation doivent être territorialisés selon différentes échéances suivant les schémas d'aménagement considérés : schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet) avant février 2024, schémas de cohérence territoriale (Scot) avant août 2026, plans locaux d'urbanisme (PLU) et cartes communales avant août 2027. Les auteurs ont examiné l'approche de la consommation d'espaces dans les documents d'urbanisme analysés par les autorités environnementales sur l'année 2022. Ils la qualifient d' « hétérogène ». « Ainsi, les PLU intercommunaux apparaissent souvent comme une addition des "besoins" de chaque commune (...) et, dès lors, ne participent pas d'une gestion économe de l'espace à l'échelle appropriée, c'est-à-dire l'intercommunalité », pointe le document.

Qu'est-ce que la Conférence des autorités environnementales ?

La Conférence des autorités environnementales est une instance nouvelle, créée par un décret du 11 août 2021, dont l'objectif est de faciliter les échanges de bonnes pratiques et d'encourager l'harmonisation des interprétations entre les différentes formations d'autorité environnementale : missions régionales d'autorité environnementale (MRAe), Autorité environnementale nationale (Ae), ministère de la Transition écologique.
Les auteurs ont également constaté une surestimation des besoins d'espaces. Et de donner l'exemple du Grand Est : la mission régionale d'autorité environnementale (MRAe) y a constaté que la prévision de consommation (0,6 ha par commune et par an) dans les PLU et PLUi analysés pour 121 communes était deux fois supérieure à la réalité constatée en moyenne régionale de consommation (0,3 ha/commune/an). « Trente-cinq pour cent des PLU dépassent, pour leur prévision, la consommation foncière des dix années précédentes sur un rythme très élevé, avec des dépassements entre le double et le quintuple du maximum permis », conclut la synthèse.

Le calcul des collectivités, qui pense que l'offre foncière est un levier pour améliorer l'attractivité de territoires délaissés, se révèle souvent erroné, conduisant à une urbanisation trop importante par rapport à leurs perspectives d'évolution. De même, les autorités environnementales constatent que « les disponibilités des zones d'activité (ZA) déjà ouvertes sur le territoire sont rarement décrites et, quand elles le sont, les conséquences en sont insuffisamment tirées sur les ouvertures de nouvelles zones d'activité ».

Défaut de réflexion sur les formes urbaines

Les MRAe ont également constaté dans les PLU des déclassements fréquents de zones à urbaniser (AU) en zones agricoles (A) ou naturelles (N). « Les territoires se considèrent alors comme vertueux, pointent les auteurs. Mais les déclassements ne constituent pas une baisse de la consommation, juste une baisse de la prévision de consommation, quand, bien souvent, les prévisions précédentes étaient exagérément élevées (Bretagne, Centre-Val-de-Loire, Pays de la Loire…). »

Autre carence constatée : le défaut de réflexion sur les formes urbaines qui permettraient d'augmenter la densité et de réduire la consommation d'espaces. La mise en balance des objectifs de réemploi des friches avec les questions liées à la renaturation, à la réimperméabilisation des sols ou à la dépollution est rarement aboutie, rapportent les auteurs du rapport.

“ Les PLU intercommunaux ne participent pas d'une gestion économe de l'espace à l'échelle de l'intercommunalité ” La Conférence des autorités environnementales
Les autorités environnementales soulignent également la mauvaise appréciation de la qualité des sols, qui est essentiellement fondée sur leur valeur agronomique, alors que d'autres fonctionnalités, telles que les fonctions hydrologiques, le stockage de carbone ou l'atténuation du changement climatique, sont aussi à prendre en compte. Elles pointent aussi l'absence fréquente de dispositif de suivi de la consommation d'espaces à l'échelle locale, pourtant indispensable dans une démarche d'urbanisme pour faire des points réguliers sur la consommation effective d'espaces naturels et forestiers.

Principe toujours pas accepté localement

La synthèse plaide pour un nouveau modèle d'aménagement « conjuguant sobriété foncière et qualités urbaines ». Mais le recours formé par l'Association des maires de France (AMF) en juin 2022 contre les deux décrets visant à mettre en œuvre l'objectif ZAN montre que « le principe n'est toujours pas accepté au niveau local ». La révision à la baisse des objectifs par le Sénat, à travers la proposition de loi adoptée en première lecture en mars dernier, vient d'ailleurs conforter ce constat effectué par les autorités environnementales.

Reste à voir si l'Assemblée nationale va rehausser l'ambition de ce texte et si le message adressé par les autorités environnementales, observatrices privilégiées des plans et projets qui conditionnent la consommation d'espaces, sera pris en compte. Un compromis entre le Gouvernement, les sénateurs et les associations d'élus, fixerait une limite de 135 000 ha d'ici à 2032, soit 10 000 ha additionnels avec un délai supplémentaire de deux ans, indique la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO). « Si ces objectifs restent suffisamment proches du projet initial pour être acceptables, des incertitudes demeurent, notamment au sujet de la nomenclature des espaces artificialisés, c'est-à-dire ce qui sera considéré comme artificialisé, et ce qui ne le sera pas », alerte l'association de protection de la nature.

1. Télécharger la synthèse
https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-41966-conference-autorites-environnementales-synthese-2022.pdf

Réactions1 réaction à cet article

Évidemment que les maires et présidents d'agglo ne veulent pas appliquer la loi ZAN, après des décennies d'urbanisation débridée et de si nombreux juteux projets immobiliers ! Et des sénateurs sont sur la brèche pour la torpiller (comme la loi Littoral par ailleurs, qui contrarie tant de belles opportunités pour le développement économique !).
Exemple parmi bien d'autres : près de Lorient, l'Agglo est fin prête à "dédommager" le milieu agricole (propriétaires, exploitants, chambre régionale d'agriculture Bretagne, chambre d'agriculture 56, etc.) à hauteur de 91 000 € l'hectare (!!!) de terre cultivée pour étendre une ZAC (35 ha plus 40 dans un second temps...). Et à ce prix là, fort curieusement, les habituels et tonitruants grands défenseurs de l'agriculture ne trouvent plus rien à redire à ce bétonnage en règle de SAU. Seuls la Confédération paysanne et les associations locales (riverains, Bretagne Vivante, ...) tentent de réduire l'emprise du projet.
Bien sûr, les acteurs impliqués dans cette artificialisation de terres agricoles et de bois n'ont pas manqué l'occasion d'actualiser et signer devant la presse une "charte de l'agriculture et de l'alimentation", ronflant "document d’orientations politiques et stratégiques qui engage les organisations qui y adhèrent dans la prise de décision
et l’action", cas d'école d'écran de fumée tant prisé par les aménageurs et les décideurs de l’agrobusiness.

Pégase | 13 juin 2023 à 10h43 Signaler un contenu inapproprié

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