Un rapport sur la mobilisation des propriétaires forestiers privés, remis au ministre de l'Agriculture le 6 novembre, envisage des incitations financières et fiscales, voire une extension du droit de préemption, pour aider au regroupement des parcelles.
Le constat avait déjà été fait, notamment par la mission d'information des députés Catherine Couturier et Sophie Panonacle, en mai 2023 : la forêt française est trop morcelée pour permettre une gestion adaptée aux changements climatiques. Le 6 novembre, Anne-Marie Bareau et Dominique Jarlier, présidents respectivement du Centre national de la propriété forestière (CNPF) et de la Fédération nationale des communes forestières (FNcofor), ont remis au ministre de l'Agriculture les propositions du groupe de travail constitué à la suite des Assises de la forêt afin de regrouper la gestion de la forêt privée.
« La forêt française est une forêt riche de sa diversité, a rappelé le ministre Marc Fesneau. Diversité biologique, avec de nombreux types de peuplements ; diversité de gestionnaires, avec plus de 3,5 millions de propriétaires. Parmi eux, 98 % de petits propriétaires qui possèdent moins de 25 ha, mais [qui représentent] 55 % de la forêt privée française (5 millions d'hectares). Il est indispensable de les associer au renouvellement forestier et à l'adaptation de nos forêts au changement climatique engagés par le Gouvernement dans le cadre de la planification écologique. »
Parmi les pistes envisagées figurent des propositions d'évolution de la fiscalité mais également des procédures qui pourraient passer par une extension du droit de préférence ou du droit de préemption. « On ne s'interdit rien », indique-t-on au cabinet de Marc Fesneau, le Gouvernement étant susceptible de reprendre certaines de ces pistes par voie législative ou réglementaire. Celui-ci attend toutefois les conclusions d'une mission inter-inspections sur la massification de la gestion forestière diligentée par la Première ministre. « L'idée est d'aller vite », indique toutefois le cabinet, le plan de renouvellement forestier étant inscrit dans le projet de loi de finances pour 2024.
Inciter à la gestion ou à la cession des parcelles dormantes
Afin de répondre à la question du regroupement, le groupe de travail envisage à la fois des mesures destinées à mutualiser la gestion et, d'autres, à réunir le foncier. Au titre des premières, il préconise notamment de mettre en place des incitations financières par le biais d'aides au renouvellement forestier et de dispositifs de défiscalisation.
Il est indispensable d'associer les petits propriétaires au renouvellement forestier et à l'adaptation de nos forêts au changement climatique engagés par le Gouvernement dans le cadre de la planification écologique
Marc Fesneau, ministre de l'Agricuture
Dans le cadre des secondes, il propose un élargissement du dispositif fiscal d'
encouragement à l'investissement forestier (Défi Forêt), ainsi qu'un allègement de la
taxe foncière ou «
toute autre incitation fiscale » permettant d'encourager la fusion de parcelles. À l'inverse, les membres du groupe de travail ont aussi envisagé une majoration de la taxe foncière sur les propriétés non bâties pour «
les propriétaires de parcelles dormantes », à l'issue, le cas échéant, d'un processus d'alerte du propriétaire.
Afin d'inciter à la mise en gestion ou à la cession de ces parcelles, le groupe de travail préconise également un diagnostic dans le cadre de « toute mutation du foncier forestier ». Un diagnostic qui permettrait d'« évaluer la valorisation économique associée à une parcelle » et dont le coût pourrait être pris en charge par les pouvoirs publics, à condition que le propriétaire fasse appel à un gestionnaire forestier professionnel.
Des mesures plus coercitives envisagées
Mais les membres du groupe de travail envisagent également des mesures plus coercitives « en cas d'absence de réaction du propriétaire à l'incitation associée au diagnostic, (…) notamment lorsque des enjeux en matière de risques ou un intérêt général sont en jeu ». On songe ici au droit de préemption, dont l'extension a également été suggérée par les députés Catherine Couturier et Sophie Panonacle. Un exemple existe avec la loi du 28 janvier 2020 visant à lutter contre le mitage des espaces forestiers en Île-de-France qui a attribué à la société d'aménagement foncier et d'établissement rural (Safer) le droit de préempter les parcelles boisées de moins de 3 hectares dans un but de protection et de mise en valeur de la forêt.
Dans le même esprit, le groupe de travail propose des mesures portant sur les biens vacants et sans maître, afin de récupérer la maîtrise foncière des parcelles forestières dont les propriétaires sont décédés ou inconnus. Ainsi, il suggère que, dans le cas d'une parcelle enclavée au sein de propriétés forestières privées, la commune puisse acquérir la parcelle avant de la rétrocéder de manière obligatoire à un propriétaire forestier privé contigu. Cette procédure pourrait être calquée sur celle de l'article L. 331-19 du code forestier qui attribue un droit de préférence aux propriétaires forestiers en cas de vente d'une parcelle boisée contiguë d'une superficie de moins de 4 hectares.
Les membres du groupe de travail proposent aussi d'optimiser la procédure elle-même des biens vacants et sans maître. La proposition consiste, après une évaluation par l'administration fiscale, à réduire de trente à dix ans la durée d'activation de la procédure à l'ensemble des successions portant sur des biens forestiers, à l'instar de ce qu'a fait la loi 3DS pour les zones de revitalisation rurale. Le groupe de travail suggère, parallèlement et en lien avec les notaires, une simplification de la procédure de cession des propriétés acquises dans ce cadre.
Reste à voir lesquelles de ces propositions le Gouvernement souhaite intégrer dans le corpus législatif et/ou réglementaire alors que la production de rapports sur la forêt ne tarit pas.
Le défi du changement climatique impose une gestion plus collective de la forêt (article paru le 12/05/2023) Une mission d'information de l'Assemblée nationale sur l'adaptation au changement climatique de la politique forestière suggère un regroupement des propriétaires privés et une gestion collégiale par massifs forestiers. Lire la news
Assises de la forêt et du bois : un événement salué, mais les attentes restent fortes (article paru le 17/03/2022) Les Assises de la forêt et du bois ont fait émerger près de 300 propositions, notamment pour accompagner le changement climatique. Si plusieurs évolutions sont saluées par les parties prenantes, certains points seront remis sur le tapis. Lire la news
Assises de la forêt et du bois, un premier point d‘étape des mesures prévues (article paru le 06/12/2022) À l'occasion du Conseil supérieur de la forêt et du bois, le ministre de l'Agriculture a procédé à un premier bilan des actions promises lors des Assises de la forêt et du bois. La plupart d'entre elles sont lancées ou en gestation. Lire la news
Forêts : des pistes pour renouveler 10 % de la surface en dix ans (article paru le 27/07/2023) Le Conseil supérieur de la forêt et du bois a remis, le 26 juillet, son rapport sur le renouvellement des forêts au ministre de l'Agriculture, Marc Fesneau, et à la secrétaire d'État à la biodiversité, Sarah El Haïry. Il s'inscrit dans le cadre du... Lire la news
Le président de la République présente une planification écologique sans surprise (article paru le 25/09/2023) Les contours de la planification écologique ont enfin été dévoilés par le président de la République. Le programme s'appuie sur des thématiques déjà connues. Le détail à venir des financements permettra sans doute d'y voir plus clair. Lire la news
PLF 2024 : une hausse historique des dépenses vertes aux contours encore flous (article paru le 27/09/2023) À peine quarante-huit heures après la présentation de la planification écologique par Emmanuel Macron, le Gouvernement a dévoilé son projet de loi de finances pour 2024. Tenant la promesse d'une hausse conséquente du budget consacré à l'environnement. Lire la news
Investissements forestiers : le dispositif d'encouragement fiscal prorogé (article paru le 13/11/2020) Le dispositif d'encouragement fiscal à l'investissement forestier (Défi-Forêt), qui arrive à expiration le 31 décembre prochain, sera prorogé de deux ans. L'Assemblée nationale a en effet adopté ce vendredi 13 novembre un amendement en ce sens dan... Lire la news
Obligations réelles environnementales : exonération de taxe foncière par les intercommunalités (article paru le 16/11/2020) Les communes pouvaient déjà exonérer de taxe foncière les propriétés non bâties sur lesquelles leurs propriétaires ont conclu une obligation réelle environnementale (ORE). Cette possibilité va être... Lire la news
Île-de-France : la loi contre le mitage des espaces forestiers est publiée (article paru le 29/01/2020) Lutter contre le mitage des espaces forestiers en Île-de-France. Tel est l'objet de la loi publiée ce mercredi 29 janvier au Journal officiel, qui avait été adoptée de façon définitive par le Sénat le 14 janvier dernier.
Ce texte pérennise, à com... Lire la news
Projet de loi 3DS : ce qui va changer en matière d'environnement (article paru le 04/02/2022) Députés et sénateurs ont trouvé un accord sur cette nouvelle loi de décentralisation. Des éoliennes aux alignements d'arbres en passant par l'eau et les transports, nombreuses sont ses dispositions qui portent sur l'environnement. Lire la news
« Une porte s'ouvre pour les notaires avec le développement d'un droit contractuel de l'environnement » (article paru le 01/09/2023) La profession notariale peut être confrontée au droit de l'environnement dans sa pratique. Éric Meiller explique en quoi elle est concernée et comment les lignes pourraient bouger face aux défis environnementaux qui s'annoncent. Lire la news
Note Télécharger les propositions du groupe de travail Plus d'infos
Note Consulter l'article L. 331-9 du code forestier Plus d'infosArticle publié le 07 novembre 2023