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Trois grands ports maritimes deviennent le laboratoire d'une industrialisation accélérée

Le Gouvernement annonce une accélération de l'aménagement du foncier industriel des ports de l'Axe Seine, de Dunkerque et de Marseille. Quitte à donner des coups de canif au ZAN, à la compensation écologique et à la participation du public.

Aménagement  |    |  L. Radisson
Trois grands ports maritimes deviennent le laboratoire d'une industrialisation accélérée

L'exécutif veut mettre le paquet sur la réindustrialisation de la France et s'appuie sur les zones portuaires pour en être le fer de lance. Le 29 mars, à l'occasion d'une visite sur le site de Renault à Sandouville (Seine-Maritime), le ministre de l'Économie a annoncé l'aménagement de 1 500 hectares de foncier industriel supplémentaires dans les trois plus grandes zones portuaires françaises : Haropa Port (Le Havre, Rouen, Paris), le grand port maritime de Dunkerque et le grand port maritime de Marseille. Ces zones, qui vont bénéficier de la simplification de certaines procédures environnementales, sont en quelque sorte le laboratoire de cette simplification qui pourrait toucher tout le territoire national à travers des textes existants ou en préparation.

« Les grands ports maritimes (GPM), explique le ministère de l'Économie dans un communiqué, constituent des atouts majeurs pour la réindustrialisation de la France. Outre leur rôle d'actifs stratégiques pour le transport et la logistique maritime, fluviale et ferroviaire de marchandises, les zones industrialo-portuaires disposent de surfaces foncières importantes qui bénéficient d'une bonne connexion au réseau de transport massifié, et constituent des lieux privilégiés d'implantation d'industries vertes. » Pour accélérer cette réindustrialisation, Bruno Le Maire a annoncé le soutien de l'État, avec l'objectif de « constituer d'ici à 2030 une offre foncière industrielle de très haute qualité de 1 500 hectares, dont cinq emprises pour des grands sites industriels d'une surface supérieure à 100 hectares ». Et d'illustrer cette politique avec les projets déjà mis en œuvre : production de batteries à Dunkerque, production d'hydrogène et d'acier décarbonés à Marseille, production de carburants alternatifs pour le secteur maritime et aérien au Havre.

Réviser les règles de compensation environnementale

Pour mettre en œuvre ces projets, plusieurs simplifications des procédures environnementales sont prévues. Une première concerne l'obligation de compensation environnementale des projets qui doit être mise en œuvre lorsque leurs impacts sur l'environnement n'ont pu être ni évités ni réduits. La fameuse séquence ERC (éviter, réduire, compenser) revisitée par la loi de reconquête de la biodiversité de 2016. Le ministre de l'Agriculture, Marc Fesneau, a éclairci les intentions du Gouvernement en la matière à l'occasion de son discours de clôture du congrès de la FNSEA, le 28 mars dernier. « Le Gouvernement a fait en sorte qu'il n'y ait pas de compensation à faire sur les terres agricoles [à l'occasion de l'aménagement du port de Dunkerque]. Et nous partons de ce cas pour que nous aboutissions, d'ici à l'été, à préserver les terres agricoles dans le cadre de la compensation environnementale dans les différents projets, sur tout le territoire français. »

Cette annonce faisait suite à des manifestations d'agriculteurs dans ce port, le 19 février dernier. « La profession n'est pas contre le développement du grand port maritime de Dunkerque, mais nous sommes contre les compensations environnementales sur nos terres agricoles », avaient expliqué la FDSEA 59 et Jeunes Agriculteurs. Dans un avis sur le projet d'aménagement du grand port de Dunkerque en date du 24 août 2023, l'Autorité environnementale avait, quant à elle, fait part des insuffisances des mesures de compensation de ce projet. « Les gains de fonctionnalité des mesures de compensation à la destruction des milieux naturels restent imprécis et l'équivalence avec les milieux détruits n'est pas toujours démontrée, en particulier pour ce qui concerne les zones humides », pointait l'autorité indépendante.

“ Je ne veux pas me retrouver dans la situation invraisemblable de devoir refuser des investissements industriels parce qu'il n'y a pas de terrain disponible ” Bruno Le Maire, ministre de l'Économie
Le sujet de la compensation environnementale est effectivement sur la table du Gouvernement. Les ministres de l'Agriculture et de la Transition écologique ont annoncé la mise en place d'une mission pour « mener à bien la compensation sur le port maritime de Dunkerque dans le cadre des objectifs du zéro artificialisation nette (ZAN) », confirme le cabinet de Marc Fesneau. Cette mission va étudier les possibilités d'un changement de logique de la compensation, en vue de passer d'une compensation surfacique à une compensation fonctionnelle. Elle sera « complétée et adossée à un groupe de travail dédié sur la compensation dans le cadre de la séquence ERC ».

Entorses à la lutte contre l'artificialisation

Un deuxième axe de simplification, en lien, concerne la lutte contre l'artificialisation des terres. Actuellement, les textes encadrant l'objectif ZAN réservent une enveloppe de 12 500 hectares pour réaliser des projets d'envergure nationale ou européenne présentant un intérêt national majeur d'ici à la première échéance du dispositif fixée à l'horizon 2031. Les 1 500 hectares d'aménagement portuaire annoncés par Bruno Le Maire seront compris dans cette enveloppe et ne s'y ajouteront pas, assure son cabinet.

Pourtant, le ministre de l'Économie a plus que caresser l'idée d'ajouter une nouvelle dérogation au ZAN. Selon La Lettre, Bercy souhaitait inscrire dans un projet de loi de simplification, actuellement en préparation, une exonération de tous les projets d'implantation d'activité industrielle. « Je ne veux pas, comme ministre de l'Économie, me retrouver dans la situation invraisemblable de devoir refuser des investissements industriels représentant des milliards d'euros d'investissement et des milliers d'emplois parce qu'il n'y a pas de terrain disponible », avait alerté Bruno Le Maire dans son discours de Sandouville. Avant d'ajouter : « Nous avons exclu les projets industriels verts du ZAN. Demandons-nous si nous ne devons pas faire de même pour tous les projets industriels qui respectent les normes environnementales les plus strictes. »

La tentative du ministre de l'Économie a, semble-t-il, été stoppée par Christophe Béchu, opposé à une nouvelle évolution législative du dispositif. En effet, ce dernier a déjà fait l'objet, en juillet dernier, d'une loi destinée à faciliter sa mise en œuvre, complétée par des décrets d'application, un guide à destination des collectivités, ainsi qu'une circulaire aux préfets. « Il n'y aura rien dans la loi de simplification sur le ZAN », confirme le cabinet du ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires. « Mais la loi permet de ne pas empêcher la réindustrialisation. Cela fait partie de la logique de décarbonation de limiter les importations tout en préservant les sols », précisent toutefois ses conseillers.

Procédure particulière de consultation du public

Un troisième axe de simplification concerne l'évaluation environnementale et la consultation du public. Un exemple en est donné avec le projet de ligne à très haute tension porté par RTE et qui doit relier Jonquières-Saint-Vincent (Gard) à Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône) en traversant la Camargue. Cette nouvelle ligne, indique RTE, doit notamment permettre d'accompagner la décarbonation de la zone industrialo-portuaire de Fos-sur-Mer, l'installation des projets liés à la transition énergétique, le développement des centres de données et le raccordement des navires à quai.

Cette concertation fait l'objet d'une procédure particulière prévue par la loi du 10 mars 2023 relative à l'accélération de la production des énergies renouvelables. Une procédure qui prévoit, en lieu et place d'une concertation préalable assurée par un garant de la Commission nationale du débat public (CNDP), une concertation menée sous l'égide du préfet par le gestionnaire du réseau de transport d'électricité, mais avec l'intervention d'un commissaire enquêteur chargé de rédiger la synthèse des observations du public. Cette loi prévoit également une possibilité de dispense d'évaluation environnementale par le ministre de la Transition écologique. Un décret, publié le 30 mars, fixe la liste des sites industriels susceptibles de bénéficier de cette dispense. Dans cette liste figurent la zone industrielle de Fos-sur-Mer-Lavéra-Berre, mais aussi celles de Dunkerque, du Havre-Port-Jérôme, ou encore de Loire-Estuaire.

Ces mesures de simplification préfigurent des mesures plus larges issues essentiellement de la loi du 23 octobre 2023 relative à l'industrie verte et peut-être de la future loi de simplification, en gestation à Bercy. La première prévoit une nouvelle procédure de consultation du public hybride, tandis que le ministère de l'Économie aurait même envisagé, via la seconde, de supprimer purement et simplement la CNDP.

La loi Industrie verte prévoit également des procédures simplifiées pour les projets reconnus d'intérêt national majeur : mise en compatibilité des documents d'urbanisme faisant obstacle aux projets, délivrance des autorisations d'urbanisme par le préfet, facilitation de la délivrance des dérogations Espèces protégées. Ces dispositions font l'objet de deux décrets d'application dont les consultations publiques se sont achevées les 1er et 6 avril. Les sites portuaires choyés par le ministre de l'Économie bénéficieront en tout cas de ces dispositions de simplification, indique son cabinet.

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