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Lutte contre l'artificialisation : ce que contient la loi ZAN

Le Parlement a définitivement adopté, le 13 juillet, le texte de loi visant à faciliter la mise en œuvre de l'objectif Zéro artificialisation nette. Un gage d'applicabilité ou un détricotage de la loi Climat et résilience ? Les avis divergent.

Aménagement  |    |  L. Radisson
Lutte contre l'artificialisation : ce que contient la loi ZAN
Actu-Environnement le Mensuel N°438
Cet article a été publié dans Actu-Environnement le Mensuel N°438
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Le dispositif législatif était en place depuis la loi Climat et résilience d'août 2021. Mais l'objectif de réduire l'artificialisation des espaces naturels et des terres agricoles, pour atteindre le Zéro artificialisation nette (ZAN) en 2050, a soulevé les inquiétudes des collectivités locales jusqu'à en faire leur préoccupation numéro un. D'où la proposition de loi des sénateurs Jean-Baptiste Blanc (LR) et Valérie Létard (Union centriste), déposée en décembre 2022, en vue de renforcer l'accompagnement des élus locaux dans la mise en œuvre de cet objectif.

Après un jeu du chat et de la souris entre le Gouvernement, la Chambre haute et les associations de collectivités locales, députés et sénateurs se sont mis d'accord sur un texte de compromis, qui a été définitivement adopté (1) les 12 et 13 juillet par les deux chambres. L'exécutif affiche sa satisfaction d'avoir pu assouplir le dispositif sans remettre en cause les objectifs, les associations de collectivités locales portent des jugements partagés, tandis que des associations environnementales dénoncent un affaiblissement du dispositif initial.

12 500 hectares réservés aux grands projets nationaux

« Souplesse et adaptation, d'un côté ; rappel de l'ambition, de l'autre. Avons-nous remis en cause l'objectif de zéro artificialisation nette en 2050 ? Non. Avons-nous reporté la première échéance, qui implique la division par deux de notre consommation d'espaces naturels, agricoles ou forestiers ? Non. Avons-nous, par amendement, ouvert des trappes de nature à remettre en cause la trajectoire dans son entièreté ? Non », a estimé le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, lors de la discussion finale à l'Assemblée nationale.

Que contient ce texte que seuls un sénateur LR et les députés écologistes et de La France insoumise ont rejeté ? Il soustrait, pour les réserver aux grands projets nationaux, un forfait de 12 500 hectares de l'enveloppe nationale de 125 000 hectares de droits à artificialiser que la loi Climat et résilience autorise sur la période 2021 à 2031. Sur ce forfait, 10 000 hectares seront mutualisés entre les régions couvertes par un schéma régional d'aménagement et de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet) et 2 500 hectares sont réservés à l'outre-mer, à l'Île-de-France et à la Corse. Une commission de conciliation est créée dans chaque région en vue de résoudre les éventuels désaccords avec l'État portant sur l'implantation d'un grand projet national.

« Autrement dit, ce sont 2 500 hectares, soit l'équivalent de 3 500 terrains de football, qui seront totalement exclus du ZAN. Ce plafond pourra en outre être dépassé sans trop de contraintes. Il s'agit d'une dérogation majeure qui revient sur les objectifs de sobriété foncière instaurés par la loi Climat et résilience et voulus par la Convention citoyenne pour le climat », s'indigne la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO).

Préserver le capacités de développement des communes

La loi adoptée prévoit ensuite une garantie rurale, fixée à un hectare par commune et assortie d'une possibilité de mutualisation à l'échelle intercommunale, qui vise à préserver les capacités de développement de toutes les communes françaises, sans condition de densité. Celles-ci doivent toutefois être couvertes par un plan local d'urbanisme (PLU) « prescrit, arrêté ou approuvé avant le 22 août 2026 ».

“ Il reste à mettre en place un modèle économique et financier sur le long terme, permettant le renouvellement urbain et la réaffectation des friches. ” Association des maires de France
Si France urbaine, association des métropoles, agglomérations et grandes villes, salue des avancées indéniables dans le texte adopté, elle décoche en revanche ses flèches sur la garantie rurale. « Basée sur un constat erroné selon lequel ce sont les grands territoires urbains qui ont le plus artificialisé », cette garantie est « contreproductive au regard de l'esprit ZAN [et] contradictoire avec la nécessaire différenciation territoriale », estime l'association de collectivités. De même, Intercommunalités de France considère que ce dispositif risque de créer « incertitudes et contentieux dans certains territoires » du fait de sa complexité, et appelle à une généralisation du plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi).

L'extension de la garantie rurale à l'ensemble des communes attire également les foudres de la LPO. « Une partie d'entre elles, peu, voire très peu, denses, figurent pourtant parmi celles qui ont le plus artificialisé au cours des dernières décennies ! Cette concession aux collectivités locales représente une invitation à bétonner toujours plus de terrains agricoles et d'espaces naturels au détriment d'un véritable changement dans l'aménagement du territoire », pointe l'association de protection de la nature.

« Laisser un peu de marge aux communes s'entend, à un moment où les élus locaux ont le sentiment d'être dépossédés de leur capacité de projet, estime le sénateur écologiste Ronan Dantec. Néanmoins, (…) l'aménagement du territoire ne se construit pas à l'échelle communale, la somme des intérêts communaux ne fait pas non plus l'intérêt général et le sens de l'histoire, la seule manière de tenir tous grands objectifs sur le logement ou le climat, c'est la robustesse des Sraddet et des Scot, une réelle planification territoriale, d'où l'importance de la prescriptivité du Sraddet. » Ce qui ne sera pas le cas puisque le Gouvernement a accepté qu'il n'existe plus qu'un rapport de prise en compte entre les schémas de cohérence territorial (Scot) et les Sraddet.

Une nouvelle instance de concertation est en revanche créée : la conférence régionale du ZAN, qui réunira des élus locaux et régionaux compétents en matière d'urbanisme et de planification. « Les associations environnementales sont exclues de la gouvernance régionale qui doit faire des propositions en matière de réduction de la consommation d'espaces », déplore toutefois France Nature Environnement (FNE), de concert avec la LPO.

La révision des documents d'urbanisme repoussée

Les dates butoirs de révision des documents d'urbanisme, prévues par la loi Climat et résilience pour décliner localement les objectifs de lutte contre l'artificialisation, sont par ailleurs décalées : de février à novembre 2024 pour les Sraddet, d'août 2026 à février 2027 pour les Scot, et d'août 2027 à février 2028 pour les PLU. « Reporter à 2028 l'actualisation des PLU et des PLUi, destinés à encadrer la période 2021 à 2031, nous privera d'outils susceptibles de réduire de moitié le rythme de l'artificialisation », s'est indigné le député socialiste Stéphane Delautrette.

Dans l'attente de la révision de ces documents d'urbanisme, des outils sont mis à disposition des maires pour lutter contre l'artificialisation : un droit de préemption étendu à la renaturation, ainsi que la possibilité de surseoir à statuer sur les projets pouvant mettre en péril l'objectif de diminution de la consommation d'espaces naturels. Les efforts de renaturation effectués depuis 2021 seront également pris en compte.

Le texte « adapte le ZAN aux spécificités des communes d'Outre-mer, de montagne ainsi que littorales, touchées par le recul du trait de côte et les enjeux de relocalisation », se félicite également l'Association des maires de France (AMF), qui avait bataillé ferme contre le dispositif issu de la loi Climat et résilience et même attaqué ses deux décrets d'application devant le Conseil d'État. « Les efforts déjà réalisés par les communes ultramarines se voient également reconnus et pris en compte à travers un ajustement de la trajectoire fixée par les schémas d'aménagement régional (SAR) », se félicite également l'Association nationale des élus des littoraux (Anel).

Si l'AMF salue le compromis obtenu à travers ce texte, elle reste toutefois sur le qui-vive. « Les problèmes demeurent très nombreux et les situations sur le terrain seront compliquées. Il reste par exemple à mettre en place un modèle économique et financier sur le long terme, permettant le renouvellement urbain et la réaffectation des friches. La discussion du projet de loi de finances pour 2024 doit permettre d'avancer sur cet angle mort de la loi Climat », exhorte l'association d'élus.

Ce texte, dont la promulgation devrait intervenir dans les jours qui viennent si le Conseil constitutionnel n'est pas saisi, ne constitue toutefois qu'un jalon dans la politique de long terme qu'est le ZAN. Avant même la discussion de la loi de finances, les collectivités auront les yeux rivées sur ses deux décrets d'application dont Christophe Béchu a annoncé la publication dans la foulée.

1. Télécharger le texte adopté provisoire
https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-42214-loi-artificialisation-zan.pdf

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