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Infrastructures de transport de matières dangereuses : la Cour des comptes recommande des PPRT

Contrairement aux sites Seveso, les infrastructures de transport de matières dangereuses ne donnent pas lieu à des mesures de protection foncière malgré leurs potentiels effets létaux. La juridiction financière préconise une évolution de la loi.

Risques  |    |  L. Radisson
Infrastructures de transport de matières dangereuses : la Cour des comptes recommande des PPRT

« Les ouvrages d'infrastructures de transports de matières dangereuses, dont certains exposent les populations à des risques létaux, ne font pas l'objet de dispositions similaires [à celles prescrites par les PPRT autour des sites Seveso seuil haut] », pointe la Cour des comptes dans son rapport (1) sur la gestion des risques liés aux installations classées (ICPE), publié le 1er février.

Parmi les sept recommandations formulées dans ce rapport, l'une porte donc sur l'adoption de dispositions législatives en vue d'imposer des mesures de protection foncière et des travaux dans les zones d'effets létaux de ces infrastructures.

Les plans de prévention des risques technologiques (PPRT) ne concernent en effet que les sites Seveso seuil haut et non les infrastructures de transport de matières dangereuses (TMD). Ces outils, destinés à réduire le risque accidentel à la source et à maîtriser l'urbanisation autour des sites industriels les plus dangereux, ont été créés par la loi Bachelot de 2003, deux ans après l'explosion de l'usine AZF à Toulouse. Au nombre de 388 à la fin novembre 2023, ces plans peuvent prescrire des mesures de réduction du risque à la source par l'industriel, des mesures foncières (expropriation, droit de délaissement), des mesures de renforcement du bâti, ainsi que des restrictions sur l'urbanisme futur (restrictions d'usage, règles de construction renforcées). Des mesures qui sont insuffisamment mises en œuvre, selon l'Association nationale des collectivités pour la maîtrise des risques technologiques majeurs (Amaris) qui a dressé un bilan des PPRT en septembre 2023.

52 infrastructures à risques

Ces mesures ne sont pas applicables aux infrastructures de TMD. « Le sujet a été identifié lors de l'élaboration de la loi de 2003, mais écarté en raison de la multiplicité d'acteurs (industriels, transporteurs, propriétaires et gestionnaires de nœuds de transports) », rappelle la juridiction financière. Il est revenu au cœur de l'actualité en juillet 2020 avec le dépôt par le député Jean-Paul Lecoq (GDR – Seine-Maritime) d'une proposition de loi (2) visant précisément à imposer des PPRT aux infrastructures de stationnement, chargement ou déchargement de matières dangereuses. Mais le texte a été rejeté par l'Assemblée nationale en juin 2021, faute de soutien du Gouvernement.

La loi Bachelot de 2003 avait en revanche imposé la réalisation d'études de dangers pour les infrastructures routières, ferroviaires, portuaires ou de navigation intérieure, ainsi que pour les installations multimodales, présentant de graves dangers pour la sécurité en raison des matières dangereuses qui y transitent. Cinquante-deux infrastructures ont été identifiées à ce titre : 22 aires de stationnement routier, 4 gares de triage ferroviaire, 4 ports intérieurs, 21 ports maritimes et une plateforme multimodale.

“ En l'absence de cadre réglementaire, ces populations ne peuvent bénéficier ni de mesures foncières ni des aides financières pour le renforcement du bâti, prévues dans les PPRT ” Cour des comptes
Or, souligne la Cour des comptes, certaines de ces études de dangers ont conclu à des effets létaux pour les populations avoisinantes en cas d'accident. « En l'absence de cadre réglementaire, ces populations ne peuvent bénéficier ni de mesures foncières ni des aides financières pour le renforcement du bâti, prévues dans les PPRT », relèvent les rapporteurs.

Ceux-ci prennent pour exemple le quartier des Neiges, dans la zone industrialo-portuaire du Havre. Ce quartier historique de dockers, « qui accueille une population à faibles revenus, en grande précarité sociale », ne bénéficie pas de ces mesures, « en dépit d'un cumul d'exposition à des risques technologiques et naturels qui conduit d'ailleurs les services de l'État à s'interroger sur [son] avenir à long terme ». La zone industrialo-portuaire du Havre compte 16 établissements Seveso seuil haut et enregistre un transit de près de 40 millions de tonnes de vracs liquides (chiffre 2017), auxquels s'ajoute le terminal méthanier exploité par TotalEnergies depuis septembre 2023. Le quartier est exposé à « un risque d'effets thermiques à cinétique lente » lié aux établissements Seveso. Une analyse des risques liés au terminal méthanier a, quant à elle, identifié 15 événements accidentels susceptibles de produire des phénomènes dangereux générant des effets thermiques (jet enflammé, feu de nappe ou de nuage) ou de surpression (explosion). À cela s'ajoute un risque de submersion marine du quartier, avec des hauteurs d'eau comprises entre 1 et 2,50 mètres d'ici à 2100.

Compétence de la commune

Si le préfet peut imposer des prescriptions d'aménagement et d'exploitation aux infrastructures de transport les plus dangereuses, le cadre juridique actuel ne permet pas, en revanche, de répondre, sur le plan de l'urbanisme, aux risques existants, estiment les magistrats financiers.

Les textes prévoient pourtant un « porter à connaissance » des risques par l'État à destination des collectivités locales. « Il est prescriptif et permet de préciser aux collectivités territoriales compétentes en matière d'urbanisme, les dispositions législatives et réglementaires applicables au territoire concerné et leur apporte l'information des études de dangers en matière de prévention des risques », explique la Cour. Différentes notes techniques de la direction générale de la Prévention des risques (DGPR), rattachée au ministère de la Transition écologique, encadrent ce porter à connaissance pour chaque catégorie d'ouvrages. Mais il limite les préconisations aux zones d'effets létaux et les modules en fonction du niveau de probabilité du risque, qui n'est pas calculé de la même manière que pour une installation classée, rappellent les auteurs du rapport.

Un projet d'intérêt général de protection, ajoute ceux-ci, peut également être engagé, permettant au préfet d'imposer des mesures d'urbanisme, s'il porte sur le territoire de plusieurs communes, en s'imposant au plan local d'urbanisme (PLU) et au schéma de cohérence territoriale (Scot). « Mais alors que les servitudes d'utilité publique au titre d'un PPRT ou d'une canalisation sont annexées au PLU, pour les ouvrages d'infrastructures, c'est à la commune de les traduire dans les documents d'urbanisme », ajoutent-ils.

Gravité des dommages potentiels

Dans le cas de la zone industrialo-portuaire du Havre, une démarche a été engagée entre 2011 par les services de l'État et le port du Havre, en tant que gestionnaire d'infrastructures de TMD afin de diminuer au maximum les risques à la source et de limiter les impacts sur le voisinage. Le porter à connaissance a proposé aux collectivités d'interdire « toutes les nouvelles constructions à usage d'habitation, d'activités économiques autres qu'industrielles et d'accueil du public » dans les zones d'aléa létal résiduelles. Dans le quartier des Neiges, les deux tiers des habitations étaient concernées, « soit environ 500 logements, des commerces, un stade et une école maternelle et élémentaire ».

Le porter à connaissance préconise, dans ce quartier, de n'accepter que les travaux de simple entretien de l'existant et de refuser tous travaux d'extension de surface ou permettant d'augmenter la capacité d'accueil des bâtiments existants. Si des mesures de maîtrise de l'urbanisation s'appliquent depuis janvier 2020, la commune du Havre conteste le zonage de l'État, rapporte la Cour. La révision des études de dangers a toutefois permis de « travailler sur des réductions des zones d'effet pour certains secteurs, permettant de réduire le nombre de logements concernés par ce porter à connaissance, passant de 500 à 215 », ajoutent les rapporteurs. « Ces travaux laissent néanmoins entière la difficulté de fond, liée à la différence de gestion de la maîtrise de l'urbanisation autour des ICPE Seveso seuil haut (PPRT) et autour des ouvrages d'infrastructures de transport de matières dangereuses, les leviers d'action étant bien plus réduits pour ces derniers », pointe la rue Cambon.

Malgré la multiplicité des acteurs impliqués et des réglementations applicables dans de telles zones, la Cour « appelle l'attention sur la gravité des dommages que provoquerait un accident et sur la recherche de responsabilités qui s'ensuivrait ».

La balle est donc maintenant dans le camp du Gouvernement. « L'appréciation de ces sujets devra tenir compte des débats parlementaires précédents, notamment la proposition de loi portée par le député Jean-Paul Lecocq, qui n'avait pas été adoptée, et du corpus réglementaire international concernant le transport de marchandises dangereuses, qui limite la capacité à adopter des règles nationales sur ce sujet », a toutefois tempéré Cédric Bourillet, directeur général de la Prévention des risques, en réponse à la recommandation de la Cour des comptes.

1. Télécharger le rapport de la Cour des comptes
https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-43450-rapport-cour-comptes-risques-icpe.pdf
2. Télécharger la proposition de loi de Jean-Paul Lecoq
https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-43450-ppl-pprt-lecoq.pdf

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