Évoqué par le président de la République, en février dernier, à Belfort, et rappelé par le gouvernement depuis plusieurs mois, le projet de loi relatif à l'accélération des énergies renouvelables (ENR) est désormais sur les rails. Afin de lancer le processus de concertation auprès des parties prenantes, collectivités territoriales et acteurs de la société civile notamment, l'exécutif a transmis sa copie au Conseil national de la transition énergique (CNTE), vendredi 12 août, ainsi qu'au Conseil d'État. Destiné à permettre à la France d'adopter « un rythme sans précédent » et de dépasser les 180 gigawatts (GW) d'ENR en 2050, le texte comprend vingt articles visant à mettre en place des mesures d'urgence, « temporaires, fortes et systémiques ».
Rationalisation des procédures
Premier axe d'amélioration proposé par le document : une réduction des temps de déploiement des projets, via une révision de la procédure d'autorisation environnementale et de la conduite de l'enquête publique. Si la France est en retard dans le déploiement des moyens de production d'énergie renouvelable et dans la structuration des filières industrielles, par rapport à ses voisins européens, ce n'est pas « faute de projets, insiste le gouvernement dans son exposé des motifs. Elle l'est en raison de la lourdeur de nos procédures administratives et contentieuses ». Le texte prévoit ainsi de transmettre les dossiers, étude d'impact incluse, aux collectivités territoriales en même temps qu'à l'autorité environnementale, puis de les mettre à la disposition du public, par voie électronique, dès la publication de l'avis de cette dernière instance.
Le porteur de projet pourra aussi solliciter des informations auprès de l'autorité compétente, afin de mieux préparer son dossier en amont. En parallèle, les seuils de soumission des projets à l'évaluation environnementale devraient être relevés pour se rapprocher des standards européens, moins exigeants. La future loi devrait également sécuriser certains projets, déclarés d'utilité publique notamment, en leur reconnaissant par voie de décret une raison impérative d'intérêt public majeur (RIIPM). La régularisation d'une illégalité pourrait, en outre, être permise par le juge, avant une probable annulation de l'autorisation environnementale, et les procédures de raccordement devraient être simplifiées.
Le droit de l'environnement malmené
Exploitation du foncier
Le projet de loi s'attache ensuite à démultiplier les possibilités d'implantation du photovoltaïque en libérant « tout le foncier disponible sans enjeux environnementaux majeurs ». Sont par exemple concernés les délaissés routiers et autoroutiers, impossibles aujourd'hui à équiper à moins de 75 ou 100 m de la chaussée, certains espaces discontinus des communes de montagne ou encore les parkings extérieurs de plus de 2 500 m². Ces derniers devront être équipés d'ombrières photovoltaïques sur la moitié de leur surface, au moins. Évalués entre 90 à 150 millions de mètres carrés, ces espaces pourraient accueillir une puissance installée de 7 à 11 GW.
L'installation des parcs éoliens en mer devrait, quant à elle, être favorisée par l'association de la procédure de consultation du public, lors des lancements d'appels d'offres, avec l'élaboration du document stratégique de façade (DSF). De quoi « donner une meilleure visibilité au public sur l'ensemble de la démarche de planification et accélérer le développement des projets », estime l'exécutif. Le statut juridique des éoliennes flottantes sera clarifié, de même que le régime applicable aux parcs situés à cheval entre le domaine public maritime (DPM) et une zone économique exclusive (ZEE). Toute une série de mesures, comme l'application d'un régime unique pour la durée du travail des personnels travaillant alternativement en mer et à terre, facilitera par ailleurs la construction et l'exploitation des champs d'éoliennes offshore.
Partage de la valeur
Enfin, un dernier volet du texte s'attache à améliorer le financement et l'attractivité des projets. Réclamé depuis longtemps par les associations d'élus comme par les fédérations et syndicats de producteurs d'énergie renouvelable, les contrats d'achat en direct longue durée, ou Power Purchase Agreement (PPA), bénéficieront d'un véritable cadre juridique. Certains appels d'offres pourraient même inclure des offres mixtes, avec complément de rémunération et PPA. Défendu par le Conseil économique, social et environnemental (Cese) dans son avis du 23 mars dernier intitulé « Acceptabilité des nouvelles infrastructures de transition énergétique », un meilleur partage de la valeur créée par les ENR devrait être envisagé, via par exemple le versement d'une rétribution forfaitaire. « De telles mesures concourent par ailleurs à améliorer l'acceptabilité locale des projets, (...) l'une des causes majeures du retard et de la lenteur du déploiement des énergies renouvelables en France, comme en témoigne le nombre de contentieux très élevé », soulignent les auteurs du projet de loi.
Après son examen par le Conseil national de la transition énergique (CNTE) et le vote de son avis, prévu le 8 septembre, le texte devrait être présenté en Conseil des ministres, dans la foulée, puis au Parlement, en octobre. Un calendrier resserré très critiqué par la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) qui s'interroge sur les raisons de cette précipitation en pleine période estivale, s'agissant, en outre, « d'un projet qui porte d'importantes régressions environnementales et d'expression citoyenne ». Les délais proposés « ne peuvent pas permettre au CNTE d'élaborer un avis éclairé », regrette Yves Verilhac, directeur général de l'association.