Lors de son déplacement à Belfort, le président de la République a développé sa stratégie en matière d'énergies renouvelables, considérées comme cruciales dans les prochaines années. Le solaire est à l'honneur, l'éolien terrestre à la peine…
Un doublement de la production d'énergies renouvelables (ENR) : telle est l'ambition pour 2050, annoncée par le président de la République, le 10 février dernier, lors de son déplacement à Belfort... C'est là, estime-t-il, « le seul moyen de répondre à nos besoins immédiats en électricité, là où il faut quinze ans pour construire un réacteur nucléaire. » Si Emmanuel Macron admet un retard de la France en la matière, il l'impute à un manque de méthode pour répondre aux craintes suscitées par les projets et surmonter les réticences, mais aussi à la multiplication des couches réglementaires. Deux reproches que lui font aussi, de longue date, les porteurs de projets, les élus et les associations spécialisées dans le développement des ENR.
Afin de raccourcir les délais de mise en œuvre, qui « viennent réduire la rentabilité des projets » et « conduisent à multiplier les contestations partout sur le terrain », le chef de l'État envisage donc, sans donner plus de détails, une simplification du champ réglemen-taire, accompagné d'un travail de planification, de visibilité et de « pragmatisme local dans l'accompagnement des projets ». Une position affirmée sous la forme d'un résumé pour le moins obscur. « La base de la lutte contre le changement climatique est donc la levée de toutes les barrières réglementaires, à partir du moment où les projets sont acceptés localement », explique-t-il.
Le rôle de l'État en question
La base de la lutte contre le changement climatique est donc la levée de toutes les barrières réglementaires, à partir du moment où les projets sont acceptés localement
Emmanuel Macron, président de la République
Ces propositions satisfont le syndicat professionnel de l'énergie solaire, Enerplan, qui réclame depuis longtemps une évolution dans l'attitude de l'administration et un allégement des normes. Elles laissent, en revanche, très sceptique l'avocat Fabrice Cassin, spécialiste de l'éolien. Pour celui-ci, l'enjeu n'est pas réglementaire, mais affaire de volonté politique. «
Sur l'éolien terrestre, les autorisations sont bloquées et l'on ajoute des contraintes d'urbanisme, constate-t-il.
Ainsi, alors que la PPE nous imposait un rythme de 2 000 MWh par an, nous sommes en constante diminution depuis le début du quinquennat, avec 1 700 MW installés en 2017 contre 1 100 MW en 2020. » Pour l'avocat, il revient aux préfets de donner l'impulsion, de réunir et de convaincre les communes et le public. «
On laisse les porteurs de projets seuls avec leurs dossiers. C'est à l'État de travailler sur les paysages, le patrimoine, la biodiversité ou les impacts radars… De coordonner tout cela en lien avec les territoires », estime-t-il. Un déficit d'implication encore plus flagrant pour l'éolien en mer. «
L'État est ici sur son domaine public. La loi prévoit désormais, qu'outre le zonage, il s'occupe du dérisquage, des études techniques et environnementales nécessaires, et il ne le fait pas ! »
Afin de remédier à l'intermittence des ENR en développant les techniques de stockage de l'énergie, le chef de l'état prévoit, par ailleurs, d'investir dans la recherche fondamentale et technologique.
Le solaire conforté
Dans le détail, ce développement annoncé reste inégal selon les énergies. Pour ce qui concerne le solaire, Emmanuel Macron annonce une multiplication par dix de la puissance installée, pour dépasser les 100 gigawatts (GW) d'ici à 2050, soit 5 GW supplémentaires par an. Tout en équilibrant installations en toitures et installations au sol, le président vise tout particulièrement l'agrivoltaïsme, ainsi que certains espaces insuffisamment exploités, comme les emprises commerciales ou publiques, ou les espaces militaires. Une étape « importante » pour Enerplan, qui apprécie « la reconnaissance par la plus haute autorité de l'État du rôle prépondérant du solaire dans la transition énergétique décarbonée et dans le futur mix électrique », d'ailleurs en ligne avec ses propres objectifs. Dans ce but, la France est engagée à rebâtir des filières industrielles, soutenues notamment par le plan d'investissement France 2030.
Cap sur l'éolien en mer
Pour le secteur éolien, en revanche, une nette différence est faite, entre le maritime et le terrestre. En mer, le président vise une capacité installée de 40 GW en 2050, correspondant à une cinquantaine de parcs. Un objectif plus qu'ambitieux, puisque le premier d'entre eux sera mis en activité cette année seulement, au large de Saint-Nazaire, après une dizaine d'années de gestation. Afin d'accélérer le mouvement, Emmanuel Macron compte sur le déploiement d'une filière industrielle, dans les usines du Havre, de Saint-Nazaire ou de Cherbourg. Mais il met surtout en avant la planification des zones concernées, en association avec tous les acteurs de la mer, notamment avec les pêcheurs, en tenant compte des sujets paysagers, de l'intérêt des pêcheurs et des questions de biodiversité.
Frein sur le terrestre
Pour l'éolien terrestre, en revanche, le chef de l'État appuie clairement sur le frein, regrettant presque de ne pas pouvoir « s'en passer ». Je comprends les controverses, a-t-il affirmé. « Personne ne souhaite voir nos paysages remarquables, nos sites classés, abîmés par des grandes toiles blanches. » Le président annonce donc des objectifs largement revus à la baisse, avec un doublement des 18,5 GW actuels en trente ans, au lieu des dix ans prévus par la PPE. Emmanuel Macron envisage de privilégier les projets d'éoliennes de dernières générations, plus puissantes, moins nombreuses que celles déjà installées, avec « moins de présence sur le sol » et de veiller à ne pas concentrer les installations dans les mêmes territoires. « Les maires doivent être ceux qui définissent des secteurs dans les plans locaux d'urbanisme, où l'implantation d'éoliennes sera soumise à condition, là où elle sera possible, là où elle ne sera pas permise », a-t-il par ailleurs rappelé. Une fiscalité avantageuse devrait être proposée aux élus locaux.
Si la fédération France Énergie éolienne (FEE) salue le volontarisme de l'État sur l'éolien en mer et sa démarche planificatrice affichée, elle souligne un paradoxe dans le fait de vouloir brider le développement de l'éolien terrestre, une « énergie capable de se déployer rapidement, mature et compétitive », en opposition avec les besoins de sécurité d'approvisionnement à court terme.
Pour le Syndicat des énergies renouvelables (SER), toutes ces annonces traduisent un signal clair en faveur des ENR, mais elles reflètent aussi une autre vérité. « D'ici à 2035, les énergies renouvelables seront la seule solution disponible pour répondre à la hausse de la demande d'électricité, souligne son président, Jean-Louis Bal. Nous souhaitons ainsi que la loi de programmation énergétique, qui sera adoptée dès l'année prochaine, inscrive un objectif de 41 % d'énergies renouvelables dans notre consommation d'énergie d'ici à la fin de la décennie. »
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