L'augmentation attendue du volume des déchets radioactifs de très faible activité (TFA) pose question. Ce point faisait partie des questions soumises au public lors du débat sur le 5e plan national de gestion des matières et déchets radioactifs (PNGMDR), dont les conclusions ont été dévoilées le 25 novembre dernier. Le volume de ces déchets va en effet augmenter du fait du démantèlement des centrales nucléaires, tandis que la saturation du seul centre de stockage existant, situé à Morvilliers (Aube) et géré par l'Andra, est attendue pour 2025.
Dans la réponse apportée le 21 février aux conclusions du débat, la ministre de la Transition écologique et le président de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) annoncent les orientations qu'ils retiennent pour le prochain plan. Un plan qui sera soumis à la consultation du public « avant la fin de l'année 2020 » et dont la périodicité va passer de trois à cinq ans, de manière à la caler sur celle de la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE). Parmi les orientations présentées, Élisabeth Borne et Bertrand Doroszczuk annoncent vouloir autoriser la valorisation de certains déchets métalliques de très faible activité.
Valorisation au cas par cas de déchets métalliques
« Le Gouvernement fera évoluer le cadre réglementaire applicable à la gestion des déchets de très faible activité, afin d'introduire une nouvelle possibilité de dérogations ciblées permettant, après fusion et décontamination, une valorisation au cas par cas de déchets radioactifs métalliques de très faible activité », détaille la décision des maîtres d'ouvrage, qui doit faire l'objet d'une publication au Journal officiel. Le PNGMDR formulera des recommandations, ajoutent-ils, sur les modalités de mise en œuvre de ces dérogations en termes de « sûreté et de radioprotection, d'association des citoyens, de transparence, de contrôle et de traçabilité », en prenant en compte les travaux du Haut Comité pour la transparence et l'information sur la sécurité nucléaire (HCTISN). Cette instance s'était prononcée, en 2017, pour une révision de la réglementation permettant d'autoriser l'incorporation de radionucléides dans les biens de consommation ou les produits de construction.
Cette annonce montre que le Gouvernement a pris la décision de faire évoluer la réglementation sur la gestion des déchets TFA. Une décision prise au moment où se profile le démantèlement de la centrale de Fessenheim, générateur de forts volumes de déchets de cette nature. La question n'est toutefois pas nouvelle, le démantèlement des réacteurs de recherche de Grenoble et de l'usine d'enrichissement d'uranium Eurodif (Drôme) l'ont déjà rendue plus brûlante. Pour cette dernière installation, l'absence de filière d'évacuation des déchets TFA avait été pointée par l'Autorité environnementale et par l'Institut de radioprotection et de sureté nucléaire (IRSN).
« Porter la plus grande attention aux questions pratiques »
Deux solutions alternatives étaient envisageables en la matière, a rappelé la commission particulière chargée d'organiser le débat public (CPDP). Adopter un seuil de libération permettant de ne plus considérer comme radioactifs les déchets dont la radioactivité est inférieure à ce seuil, ou introduire, pour certaines filières de recyclage, une exception au principe de zonage. Ce principe consiste à dire que tous les déchets en provenance de zones préalablement identifiées des installations nucléaires sont radioactifs.
Les consultations menées dans le cadre du débat public ont montré qu'aucune solution n'était pleinement satisfaisante. Une vingtaine de cahiers d'acteurs et quelques contributions sur la gestion des déchets TFA ont été adressés. Dans leur grande majorité, ces acteurs se sont prononcés en faveur d'une évolution de la réglementation, rapportait la CPDP. Certains recommandaient d'accorder « une attention particulière aux questions de contrôle, d'associer la société civile à ces évolutions réglementaires ou à ces contrôles, ou de stocker localement les déchets résiduels ». France Nature Environnement (FNE) et La France insoumise, quant à elles, se sont clairement opposées à toute évolution de la réglementation en la matière. « Dans l'hypothèse où les pouvoirs publics souhaiteraient faire évoluer la réglementation actuelle, la plus grande attention devrait être apportée aux questions pratiques (modalités de mesure par les opérateurs, de contrôle par l'ASN…), ainsi qu'aux modalités d'association de la société civile à ces évolutions », concluait la CPDP.
Solution proposée par EDF et Orano pour le recyclage des métaux
L'exécutif ne donne pas de précisions sur ses intentions dans sa décision. Mais, le 21 février, Élisabeth Borne a aussi annoncé la création d'un technocentre pour le recyclage des matériaux métalliques TFA sur le site de Fessenheim. « Selon EDF, les ferrailles radioactives issues du démantèlement des installations nucléaires et des laboratoires de recherches pourraient être recyclées en rails de chemin de fer et en alliages pour les turbines des éoliennes », assure l'association Robin des bois. L'ONG dénonce la création d'un « foutoir de ferrailles radioactives ».
Parallèlement, les maîtres d'ouvrage annoncent la poursuite des travaux sur la recherche de capacités de stockage supplémentaires. Celle-ci consistera à identifier un deuxième centre de stockage, après celui de Morvilliers, « potentiellement implanté sur la zone d'intérêt étudiée sur le territoire de la communauté de Vendeuvre-Soulaines ». Élisabeth Borne et Bertrand Doroszczuk annoncent en même temps l'analyse comparative d'une solution d'installations de stockage décentralisées « à proximité des sites de producteurs ».