La pollution atmosphérique n'en finit pas d'asphyxier nos agglomérations. Le dernier épisode est judiciaire puisque la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) condamne (1) , ce 24 octobre, la France, pour non-respect de la directive de 2008 relative à la qualité de l'air ambiant pour le paramètre « dioxydes d'azote ».
La Commission européenne avait engagé une procédure en manquement en 2014 contre la France et formé un recours devant la juridiction européenne en mai 2018, faute de mise en œuvre des mesures nécessaires.
« Dépassement systématique et persistant »
La Cour la condamne aujourd'hui pour avoir dépassé « de manière systématique et persistante » la valeur limite annuelle pour le dioxyde d'azote (NO2) depuis le 1er janvier 2010. Cette échéance était inscrite dans la directive de 2008. Ce constat de manquement porte sur douze agglomérations et zones de qualité de l'air : Marseille, Toulon, Paris, Auvergne-Clermont-Ferrand, Montpellier, Toulouse Midi-Pyrénées, Reims-Champagne-Ardennes, Grenoble, Strasbourg, Lyon-Rhône-Alpes, Vallée de l'Arve et Nice. La juridiction européenne a également constaté un dépassement systématique et persistant de la valeur limite horaire du polluant dans les agglomérations de Paris et de Lyon.
Peu importe que le manquement résulte de la volonté de l'État membre, de sa négligence ou de difficultés techniques, juge la Cour en réponse à la France qui avait mis en avant les « difficultés structurelles » rencontrées lors de la transposition de la directive.
Les feuilles de route régionales présentées par le ministre de la Transition écologique, en mars 2018, n'ont convaincu ni l'exécutif européen, ni la Cour de justice. Pas plus que les différentes initiatives prises par le gouvernement français à travers la prime à la conversion, d'ailleurs rabotée l'été dernier, la mise en œuvre de zones à faibles émissions, le soutien au développement des mobilités douces et au covoiturage, ou la fin de la vente des véhicules thermiques d'ici 2040. La situation de dépassement systématique et persistant des valeurs limites démontre « par elle-même » que la France « n'a pas mis à exécution des mesures appropriées et efficaces », cingle la Cour.
Insuffisances des mesures prises en matière de circulation
Cette première condamnation par la justice européenne pourrait être suivie par une deuxième puisqu'un contentieux portant sur le non-respect des valeurs limites applicables aux particules PM10 est engagé devant la Cour depuis 2011.
Elle fait par ailleurs suite à une décision du Conseil d'État français du 12 juillet 2017 qui avait jugé que le dépassement des valeurs limites en particules et en oxydes d'azote violait la directive sur la qualité de l'air. Elle enjoignait le Gouvernement d'adopter au plus vite des plans permettant d'y remédier. Ce qu'il n'a pas fait comme l'ont dénoncé plusieurs associations écologistes qui ont déposé un nouveau recours en vue de contraindre l'État à respecter cette première décision.
Cette condamnation au niveau européen confirme l'insuffisance des mesures prises jusque-là par l'exécutif en matière de circulation automobile, principale source de ces émissions polluantes. "La condamnation de la France doit provoquer un sursaut des collectivités et du gouvernement : la fin du diesel dans les grandes villes françaises doit être programmée au plus vite et accompagnée par le développement des transports en commun, de la marche et du vélo", réagit Greenpeace.
Dans un communiqué, la ministre de la Transtion écologique dit "prendre acte" de la décision et affirme la détermination du Gouvernement à "améliorer rapidement la qualité de l'air". "Sur la période 2000-2018, les émissions d'oxydes d'azote ont baissé de 54 % dans notre pays et (...) le nombre d'agglomérations concernées par les dépassements de la valeur limite pour le NO2 a été divisé par deux (...). Les limites réglementaires sont respectées pour une large partie du territoire et de la population, mais des dépassements subsistent en zone urbaine, à proximité du trafic routier", se défend Elisabeth Borne.