Un projet de loi du Gouvernement prévoit une série de mesures visant à accélérer et simplifier la rénovation de l'habitat dégradé et indigne, où vivent un million de personnes en France. Présenté en Conseil des ministres le 12 décembre 2023, ce projet de loi a été enrichi de plusieurs amendements au fil de ses allers-retours entre les deux chambres. D'abord, il a été adopté en première lecture par l'Assemblée nationale, le 23 janvier 2024, puis par le Sénat, le 28 février. Ensuite, le 14 mars, députés et sénateurs, réunis en commission mixte paritaire (CMP), ont trouvé un accord sur un texte final (1) . Et après le feu vert de l'Assemblée, le 19 mars, le texte doit être définitivement voté par le Sénat, ce 27 mars, avant sa promulgation.
1 million
C'est le nombre de personnes qui vivent en France dans un habitat dégradé et indigne.
Un nouveau prêt collectif pour rénover
L'une des nouveautés est d'ouvrir la possibilité pour toutes les copropriétés de souscrire un prêt collectif pour le financement de travaux essentiels et de rénovation énergétique. Une idée qui avait été proposée dans un autre rapport, remis en octobre 2023 par la Banque des territoires. « L'idée initiale était de mettre en place un prêt collectif souscrit par le syndicat des copropriétaires. L'on n'a plus alors qu'à s'assurer de la solvabilité du syndicat de copropriétaires et non de celle de chaque copropriétaire, ce qui évite de retomber dans les lourdeurs du prêt collectif à adhésion individuelle. Il est cependant apparu que le secteur bancaire souhaitait recevoir quelques garanties supplémentaires », a expliqué Lionel Royer-Perreaut, député Renaissance des Bouches-du-Rhône et rapporteur pour l'Assemblée nationale.
La décision d'adhérer au prêt collectif, voté par le syndicat des copropriétaires à la majorité absolue, incombera à chaque copropriétaire au moment de sa souscription par le syndicat. Les copropriétaires, qui décideront de ne pas y adhérer, devront payer leur quote-part de travaux au syndicat.
Pour permettre aux banques de mieux mesurer le risque financier, le projet de loi prévoit donc de les autoriser à consulter le fichier des incidents de paiement (FICP), qui contient le nom des ménages ayant déjà connu des incidents de paiement liés à des crédits. Le Sénat est à l'origine de cette disposition, afin « de ne prêter qu'à des personnes en capacité de rembourser et de ne pas contribuer à leur surendettement », a indiqué Amel Gacquerre, sénatrice Union centriste du Pas-de-Calais et rapporteure pour le Sénat.
Le risque financier pris en charge par l'État
Afin de soutenir la capacité d'emprunt des copropriétés, le Gouvernement entend également étendre le périmètre de la garantie publique, apportée par le fonds de garantie pour la rénovation énergétique (FGRE), aux nouveaux prêts collectifs qui seront distribués par les banques. Le champ d'intervention du FGRE sera ainsi élargi à tous les travaux de rénovation des copropriétés en difficulté, et pas uniquement aux travaux de rénovation énergétique. « Si le prêt collectif prévoit la possibilité de cautions privées permettant de désolidariser les copropriétaires en cas d'impayés, l'offre privée ne pourra pas intervenir sur les copropriétés en difficulté, présentant une situation financière a priori excessivement dégradée pour que le risque puisse être pris en charge par des acteurs privés. Il est donc nécessaire d'envisager un dispositif de garantie relevant de la puissance publique pour ces situations hors du marché », souligne le Gouvernement dans un des amendements adoptés par l'Assemblée. De même, l'alimentation de ce fonds sera précisée au cours de l'année 2024. Les modalités d'instruction des demandes de prêts des copropriétés doivent aussi encore être définies. Un décret devra les préciser avant l'entrée en vigueur de ce dispositif.
Par ailleurs, le projet de loi autorise les copropriétaires à effectuer, à leurs frais, des travaux sur les parties communes à des fins d'isolation thermique. « Dans la rédaction de compromis, nous avons ajouté l'isolation par les planchers à celle des toitures, car, au cours des débats à l'Assemblée, il avait été observé que le problème d'isolation entre les caves et les rez-de-chaussée pouvait se poser dans certaines constructions, par exemple les habitations à bon marché (HBM) des années 1930. Cela peut créer des enjeux en matière de maîtrise des dépenses énergétiques », a ajouté le député Lionel Royer-Perreaut. Dans ce cas, le propriétaire devra demander l'inscription de son projet à l'ordre du jour de l'assemblée générale (AG), qui « devra adopter la résolution à la majorité prévue à l'article 25, et dans un second temps, à celle de l'article 24 de la loi de 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis », comme voté par le Sénat. « Nous avons chacun fait un pas pour aboutir à une solution équilibrée », a-t-il poursuivi.
Diagnostiquer l'état des immeubles
En outre, les syndics devront également inscrire dans le Registre national d'immatriculation des copropriétés (RNIC) des informations qui comprendront, outre le projet de plan pluriannuel de travaux (PPT) et le diagnostic technique global (DTG) déjà demandés, le diagnostic de performance énergétique (DPE) de l'immeuble, dont ils assurent la gestion, une fois que celui-ci aura été réalisé.
Afin d'anticiper le risque d'effondrement des immeubles en mauvais état, le projet de loi permet aussi à certaines communes d'exiger un « diagnostic technique structurel » des bâtiments, en copropriété ou en monopropriété, a ajouté le Gouvernement. Les maires devront définir des zones d'habitats dégradés et anciens, où ce diagnostic sera requis pour tous les immeubles concernés de plus de quinze ans. Ce diagnostic comportera « une description des désordres observés qui portent atteinte à sa solidité et évaluant les risques qu'ils présentent pour la sécurité des occupants et celle des tiers ». Un décret précisera les conditions dans lesquelles les maires pourront demander un tel diagnostic. Il leur appartiendra de délimiter les secteurs qui nécessitent une intervention publique.
Le projet de loi prévoit aussi d'exonérer les bâtiments de réaliser ce diagnostic structurel lorsqu'ils disposent déjà d'un projet de plan pluriannuel de travaux, comportant des volets relatifs à la sauvegarde de l'immeuble et à la sécurité des occupants. Le propriétaire de l'immeuble ou le syndic de copropriété devra transmettre le diagnostic ou, le cas échéant, ce projet de PPT à la commune afin de lui permettre de suivre l'état du bâti.
Extension du « Denormandie dans l'ancien »
Enfin, parmi les autres mesures, le projet de loi prolonge, d'une part, le dispositif fiscal Denormandie dans l'ancien jusqu'à 2027.Celui-ci permet d'attribuer une réduction d'impôt sur le revenu aux propriétaires qui achètent un logement ancien à rénover - notamment sur le plan énergétique - pour le mettre ensuite en location. Le montant des travaux doit représenter au moins 25 % du coût total de l'opération.
D'autre part, le texte élargit le champ d'application de ce dispositif aux travaux de rénovation de l'habitat dégradé dans les copropriétés en grande difficulté, « dans le périmètre des opérations de requalification des copropriétés dégradées (Orcod) et des opérations de requalification des copropriétés dégradées d'intérêt national (Orcod-in). Le rapport Hanotin-Lutz défendait ces dispositions et je suis ravie que nous soyons parvenus à un consensus à leur sujet », salue la sénatrice Amel Gacquerre.