"L'augmentation de la facture déchet a atteint les 1,2 milliards d'euros, soit une progression de 24% entre 2008 et 2012, trois fois supérieure à l'inflation des prix à la consommation, a souligné Alain Bazot, Président de l'UFC-Que Choisir, lors de la présentation à la presse des résultats de leur enquête Gestion des déchets : Recyclons vite la politique de prévention ! Or, cette hausse des coûts ne s'accompagne pas d'une amélioration de la gestion des déchets", regrette-t-il. En 2012, la France aurait en effet recyclé 23% de ses déchets et orienté 60% des volumes vers l'incinération et le stockage, selon l'UFC Que choisir. D'après l'Ademe, un quart des déchets ménagers et assimilés collectés ont été enfouis en 2011. Dans le même temps, de 2005 à 2011, les déchets ménagers et assimilés ont progressé de 36 à 38,5 millions de tonnes, selon l'association. "La collecte sélective augmente trop lentement : de 7 kg/hab/an, soit de 7% entre 2005 et 2011", déplore Alain Bazot. Dans ce contexte, l'objectif de la première directive en matière de déchets de 1975 (directive 75/442/CEE) de 50% de recyclage d'ici 2020 semble difficilement réalisable. Le contexte européen sur ce sujet reste toutefois sujet à questions. Suite au retrait du paquet sur l'économie circulaire de son programme de travail, la Commission européenne s'est engagée à proposer d'ici fin 2015 un nouveau texte "plus ambitieux".
L'organisation des Rep à revoir
Pour l'association, ces résultats trouvent une explication dans trois constats. "Une étude réalisée en 2011 montre un manque d'efficacité des communes concernant la gestion des déchets", fournit comme première cause, Nicolas Mouchnino, chargé de mission Energie et Environnement à l'UFC-Que Choisir. Seconde raison : l'organisation de la filière de responsabilité élargie du producteur (Rep). Un besoin de transparence et de simplification mais également d'un encadrement renforcé ou encore une prise en charge non conforme aux coûts supportés, de nombreux rapports pointent la nécessité de faire évoluer ces filières. Ce constat est également partagé au niveau européen. Pour l'UFC-Que Choisir, si en théorie de grandes règles sont fixées, sur le terrain, les contours flous de certaines dispositions entravent le bon fonctionnement du dispositif. "Les objectifs de recyclage ne sont pas contraignants, la régulation des éco-organismes est trop disparate : cinq acteurs différents interviennent sans que nous sachions réellement quels rôles ils jouent", regrette Nicolas Mouchnino. Nous disposons de trop peu d'information sur l'atteinte des objectifs et le fonctionnement des Rep".
Un problème se pose également au niveau des sanctions : l'association dénonce des amendes peu dissuasives (qui correspondraient selon elle à 0,0055% du chiffre d'affaires d'Eco-Emballages, soit 30.000€). Pour elle, la menace ultime de la suppression de l'agrément s'avère peu crédible notamment pour les éco-organismes en situation de monopole. La polémique autour d'European Recycling Platform (ERP) spécialisé dans la gestion des déchets électroniques, racheté en juillet dernier par l'allemand Landbell constitue un cas particulier. L'UFC-Que Choisir déplore également le manque de transparence sur le nombre de sanctions mises en œuvre et estime que seulement 1% des adhérents des éco-organismes sont contrôlés chaque année.
5 à 10% des déchets ne contribuent pas au financement du recyclage
Pour l'association, 5 à 10% du tonnage des déchets concernés passent ainsi entre les mailles du dispositif et ne contribuent pas au financement du recyclage. "Les coûts des collectivités ne sont presque jamais couverts, considère Nicolas Mouchnino. C'est en partie expliqué par l'inefficacité de certaines collectivités mais également par les méthodes et barèmes utilisés pour les aider". Ainsi, selon l'association, trois collectivités sur quatre ne couvrent pas leurs coûts grâce au REP pour ce qui concerne les recyclables secs et neuf sur dix pour le verre. Le barème, unique quelque soit la collectivité, serait inapproprié selon l'UFC Que choisir. En théorie, 80% des coûts sont couverts par les éco-organismes et 20% par la vente de matériaux. "En zone urbaine, la place est réduite, les fréquences de passage sont plus courtes et la collecte coûte plus chère, détaille Nicolas Mouchnino. Autre problème : les prix ne sont pas fixes. Aujourd'hui la chute du prix du pétrole influe sur celui du plastique et fait peser le risque que les collectivités doivent couvrir les 20% restants."
Un consommateur mal informé
Enfin, l'UFC-Que Choisir s'appuyant sur un sondage souligne que la prévention des déchets reste peu abordée dans la communication des éco-organismes. "Il y a un problème de conflit d'intérêts , les éco-organismes se nourrissent des déchets et sont inféodés aux producteurs de déchets, constate Gérard Quenot, référent UFC-Que Choisir sur ces questions. L'association relève notamment différents obstacles à une bonne sensibilisation : la couleur des poubelles comme les conditions de collecte différentes selon les collectivités et l'absence de coordination pour la communication entre les éco-organismes. "Pourtant les 71 millions dépensés devraient permettre de pouvoir faire quelque chose d'efficace", estime Gérard Quenot. Ce dernier note également que la multitude des affichages perturbe l'information des consommateurs tandis que l'officielle Triman reste encore peu présente. Obligatoire depuis janvier 2015, le pictogramme Triman n'apparaîtrait en effet que sur 20% des 80 produits analysés par l'association. "Nous avons eu la surprise de constaté que 59% des Français pensent à tort que le point vert signifie recyclable", s'étonne Gérard Quenot.
Vers de nouveaux outils ?
L'association appelle à une mise à plat de la politique des déchets et propose de nouveaux outils. Elle souhaiterait ainsi la création d'une autorité administrative indépendante pour réguler les différentes filières et éventuellement les sanctionner ainsi qu'une réforme du mécanisme de couverture des coûts de collecte et de tri des collectivités. L'UFC Que choisir propose enfin de centraliser la communication auprès d'un acteur unique mais également la mise en place d'une signalétique unique obligatoire qui informe le consommateur sur le niveau de recyclage et les modalités de collecte du produit.