Le 12 décembre, à l'occasion du cinquième anniversaire de l'adoption de l'Accord de Paris sur le climat, la France, le Royaume-Uni et les Nations unies organisent le sommet Climate Ambition Summit, en partenariat avec le Chili et l'Italie. Quels sont les progrès réalisés depuis 2015 par les États pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre (GES) ? Et les enjeux de ce sommet virtuel, à un an de la COP 26 qui se tiendra à Glasgow (Écosse) en novembre 2021 ?
Les engagements demeurent insuffisants pour réduire les émissions
Sur les 194 pays qui ont signé l'Accord de Paris, 189 ont officiellement ratifié le texte avec l'objectif de contenir le réchauffement planétaire à 2°C maximum d'ici à la fin du siècle, et même 1,5°C. Seuls les États-Unis, sous l'administration Trump, en sont sortis le 4 novembre 2020, mais vont y revenir début 2021 comme s'y est engagé le nouveau président élu Joe Biden.
Plusieurs bilans ont pointé toutefois l'insuffisance des engagements pris par les États en 2015, qui nous amènent actuellement sur une trajectoire de plus de 3°C de réchauffement planétaire d'ici 2100. En 2019, les émissions ont atteint un
Résultat, en cinq ans, l'Accord de Paris n'a pas eu d'effet visible sur les émissions. Alors que 2020 est en passe de devenir l'une des trois années les plus chaudes jamais enregistrées, les agences onusiennes enjoignent donc les États à accélérer leur action climatique. Leurs niveaux d'ambition « doivent être à peu près triplés pour revenir sur la trajectoire des 2°C et être multipliés par cinq, au moins, pour limiter la hausse à 1,5°C », estime le Pnue. De même, une relance verte pourrait permettre de réduire les émissions de 25 % de plus entre aujourd'hui et 2030.
Les gouvernements doivent aussi baisser leur production de combustibles fossiles de 6 % par an entre 2020 et 2030, ajoute l'agence onusienne. D'après le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec), il faudrait que les émissions mondiales diminuent de 45 % d'ici à 2030 par rapport à 2010, si on souhaite contenir le réchauffement à 1,5°C d'ici à la fin du siècle.
Mais Laurent Fabius, qui fut le président de la COP 21 et architecte de l'Accord de Paris, défend ses avancées. Il rappelle qu'avant son adoption, le monde s'orientait vers un réchauffement de 5°C ou 6°C à la fin du siècle. « Aujourd'hui, alors même que nous ne sommes pas au bout du processus, l'Accord a déjà eu un effet important. Mais la déception est venue de certains gouvernements car tout le monde n'a pas respecté sa signature », explique M. Fabius. Pour lutter contre le réchauffement climatique, l'Accord de Paris est la « référence mondiale », affirme-t-il, qui doit être appliqué de manière « intégrale ». Certains pays, comme l'Australie, l'Arabie saoudite ou le Brésil, avaient profité de l'annonce en 2017 du retrait américain par Trump pour revoir à la baisse leurs ambitions de réduction des émissions.
Atteindre la neutralité carbone au milieu du siècle, un tournant pour le climat
Laurent Fabius souligne aussi « l'espoir » suscité par les trois premiers émetteurs de GES (Chine, États-Unis et Union européenne (UE)) qui ont désormais fait de la neutralité carbone leur objectif à la moitié du siècle.
Cet automne 2020, les États-Unis, avec l'arrivée du démocrate
Par ailleurs, l'UE renforce ses objectifs à moyen terme : elle devrait viser un objectif de réduction de ses émissions de GES de 55 % en 2030 par rapport aux niveaux de 1990. Les regards se tournent donc vers les Européens qui doivent confirmer leur leadership climatique en s'accordant, lors du Conseil de l'UE de ces 10 et 11 décembre, sur son objectif rehaussé. En amont du sommet du 12 décembre, le Royaume-Uni vient aussi d'annoncer un nouvel objectif climatique à l'horizon 2030. Le premier ministre britannique entend réduire les émissions de gaz à effet de serre du pays de 68 % d'ici 2030, par rapport à 1990, contre 53 % en 2015. Le pays, hôte de la prochaine COP 26, veut ainsi montrer l'exemple et entraîner d'autres pays.
Selon l'ONU, 126 pays (dont l'Afrique du Sud et le Canada), couvrant 51 % des émissions mondiales de GES, ont aujourd'hui adopté, annoncé ou envisagent des objectifs de zéro émission nette d'ici le milieu du siècle. Le chef de l'ONU António Guterres salue un « développement significatif et encourageant ». À lui seul, l'engagement de neutralité carbone de la Chine permettrait ainsi de réduire la température moyenne de 0,2 ou 0,3°C d'ici à la fin du siècle, selon le groupe Climate Action Tracker. En supposant la neutralité carbone aux États-Unis d'ici 2050, comme le propose le président élu Biden, le réchauffement serait réduit de 0,1 °C supplémentaire.
Après avoir comptabilisé toutes ces promesses de neutralité carbone qui doivent désormais se concrétiser, Climate Action Tracker a estimé que le réchauffement climatique pourrait être contenu à 2,1° C d'ici 2100. Soit un niveau très proche de celui visé par l'Accord de Paris.
Des NDC rehaussées des pays attendues le 12 décembre
Les annonces de neutralité carbone sont « une première démonstration » pour les trois premiers émetteurs de la planète, ajoute David Levaï, chercheur associé à l'Iddri, et « l'enjeu maintenant est de l'ancrer dans les plans climatiques de court terme ». De même, analyse-t-il, les Américains voudraient pouvoir utiliser leur retour « pour créer un nouvel élan et montrer à nouveau qu'ils font partie d'un leadership distribué et partagé (avec l'UE et la Chine notamment) afin d'accélérer l'action ».
D'après l'organisme Climate Watch, 126 pays ont à ce jour déclaré leur intention de renforcer l'ambition ou l'action dans les nouvelles NDC ou actualisées (y compris l'Union européenne), qui représentent 44,6 % des émissions mondiales. Et 20 pays ont soumis une nouvelle NDC ou une mise à jour de leur NDC, représentant 7,6 % des émissions mondiales.
Où en est-on de la solidarité ?
Les pays développés se sont engagés à mobiliser 100 milliards de dollars par an d'ici à 2020 aux pays en développement afin de s'adapter au changement climatique. En novembre 2020, l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a publié son dernier rapport sur le suivi des 100 milliards. Les pays développés ont ainsi versé près de 79 milliards de dollars US aux pays en développement en 2018. Si ce chiffre est en hausse de 11 % par rapport à 2017, l'OCDE a observé un ralentissement, alors que l'augmentation était de 22 % entre 2016 et 2017. Sur ce total, 62 milliards de dollars provenaient de financements climatiques publics en 2018. Mais les financements privés sont restés stables à environ 15 milliards de dollars.
Lors de la COP 26, les pays développés doivent s'entendre sur la définition d'une nouvelle voie pour les financements climat après 2020. « Alors que le compte n'y est pas pour mobiliser 100 milliards de dollars par an, ces pays riches devraient annoncer de nouveaux objectifs sur la période entre 2021 et 2025, et garantir qu'ils contribuent à la préservation de la biodiversité », indique la fédération d'ONG Réseau Action Climat (RAC). « Ce sont les contributions des pays les plus émetteurs, comme l'Union européenne, la Chine, les États-Unis ou l'Inde qui feront la différence d'ici à la COP 26. Le 12 décembre, les pays devront également apporter des réponses pour renforcer la résilience et les capacités d'adaptation des populations », ajoute le RAC.