Le 24 février, la Commission européenne a adopté une nouvelle stratégie relative à l'adaptation au changement climatique. Cette feuille de route est « plus ambitieuse », indique la Commission, que la précédente stratégie de l'UE qui date de 2013.
La nouvelle stratégie (1) « explique comment l'Union européenne peut s'adapter aux effets inévitables du changement climatique et devenir résiliente d'ici 2050 ». Qu'il s'agisse de canicules « meurtrières » ou de sécheresses « dévastatrices », de forêts décimées ou de côtes érodées par l'élévation du niveau de la mer, le changement climatique a « déjà de lourdes conséquences en Europe et dans le monde », alerte la Commission. Les pertes économiques dues aux phénomènes météorologiques extrêmes dans l'UE se chiffrent déjà en moyenne à 12 milliards d'euros par an, estime Bruxelles.
Ainsi, la nouvelle stratégie d'adaptation vise à renforcer les mesures en matière de résilience sur les territoires, de prévention, de préparation, et de gestion des risques. Elle a quatre objectifs principaux : « rendre l'adaptation plus intelligente, plus rapide et plus systémique » mais aussi « intensifier l'action internationale sur l'adaptation au changement climatique ». Pour y parvenir, l'exécutif européen se fixe trois priorités transversales : intégrer l'adaptation dans la politique macrobudgétaire, promouvoir des solutions d'adaptation fondées sur la nature ainsi que des mesures locales d'adaptation. L'approche définie dans cette stratégie concerne tous les secteurs de l'économie.
Améliorer les connaissances pour accélérer l'adaptation
Dans ce document, « on s'efforce de rendre l'adaptation plus intelligente en améliorant les connaissances et en gérant les incertitudes, plus systémique dans tous les niveaux et les secteurs et surtout beaucoup plus rapide. Car il faut accélérer cette adaptation dans tous les domaines et agir, en développant des solutions et impliquer davantage le secteur privé », explique Liviu Stirbat, Chef d'unité adjoint en charge de l'adaptation au changement climatique à la Commission européenne. Il s'exprimait ce jeudi 4 mars, à l'occasion d'un webinaire organisé sur ce sujet par le Comité 21, le réseau d'acteurs dédié au développement durable. La nouvelle stratégie « accorde beaucoup d'importance à l'observation des phénomènes d'adaptation », constate Bettina Laville, présidente du Comité 21, via le développement d'outils de modélisation.
Pour augmenter les données, la Commission et l'Agence européenne pour l'environnement (AEE) ont lancé, le 4 mars, un nouvel observatoire européen pour mieux suivre, analyser et prévenir les effets du changement climatique sur la santé. Cet observatoire est hébergé sur la plateforme européenne « Climate-Adapt (2) » qui regroupe les connaissances en matière d'adaptation. Climate-Adapt donne déjà accès à des informations « fiables » sur les incidences probables du changement climatique, leurs aspects socio-économiques ainsi que les coûts et avantages des solutions d'adaptation.
Bien que tous les États membres de l'UE disposent de stratégies ou de plans nationaux d'adaptation, « les actions visant à lutter contre les menaces climatiques pour la santé sont à la traîne et pourraient être soutenues par davantage de connaissances sur des solutions efficaces », observe l'AEE. L'Observatoire européen du climat et de la santé « permettra d'améliorer notre perception et notre compréhension des risques croissants que suppose le changement climatique sur le plan sanitaire, qu'il s'agisse du stress thermique, des menaces pour la sécurité et la salubrité des denrées alimentaires et de l'eau ou encore de l'apparition et la propagation de maladies infectieuses », a précisé la Commission. Il aidera aussi à mieux anticiper et à limiter le « plus possible ces risques, ainsi qu'à améliorer notre préparation, tant individuelle que collective ».
Promouvoir les solutions d'adaptation fondées sur la nature
C'est d'ailleurs l'ambition portée par le projet européen « Life intégré Artisan » lancé en France en décembre 2020 et piloté par l'Office français de la biodiversité (OFB). Ce projet est financé à 60 % par la Commission européenne. Végétaliser en ville, désimperméabiliser les sols, replanter des haies bocagères figurent parmi ces solutions expérimentées. Le projet s'incrit dans la mise en œuvre du Plan national d'adaptation au changement climatique 2018-2022 (Pnacc-2). « Il y a une cohérence entre la nouvelle stratégie européenne et le plan d'adaptation français, (via) l'inclusion de l'adaptation dans toutes les politiques sectorielles et la mise en avant des solutions fondées sur la nature », souligne Jérôme Duvernoy, chargé de mission à l'Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique (Onerc).
Coupler les enjeux de l'atténuation et de l'adaptation
Du côté du Haut conseil pour le climat (HCC), on note un bémol : l'absence de lien avec les politiques d'atténuation. « Tous les efforts d'atténuation qui ne sont pas faits augmentent mécaniquement les efforts qu'il va falloir faire en termes d'adaptation. Les solutions fondées sur la nature font partie des instruments qui vont permettre, dans certains cas, d'avoir une vision à la fois en termes d'atténuation comme permettre de stocker du carbone mais aussi d'avoir des effets sur l'adaptation », explique Magali Reghezza-Zitt, géographe et membre du HCC, qui insiste sur la nécessité de coupler les enjeux d'atténuation et d'adaptation dans les politiques climatiques.
La géographe pointe aussi des lacunes dans la nouvelle stratégie européenne, comme l'absence de la question de « l'habitabilité ». « Qu'est-ce-que ça veut dire demain d'habiter dans un climat qui change ? ». La stratégie « est trop statique et manque d'une vision dynamique. L'adaptation doit être exactement soumise aux mêmes instances d'évaluation que l'atténuation », ajoute Magali Reghezza-Zitt. La Commission prévoit d'évaluer tous les cinq ans la mise en œuvre de la nouvelle stratégie. Une évaluation jugée également trop tardive pour la spécialiste : « Il faut une évaluation précise avec des objectifs précis qui seront revus ».
La proposition de loi sur le climat inclut l'adaptation
La nouvelle stratégie fait le lien avec la proposition de loi européenne sur le climat, présentée en mars 2020, « qui donne une très grande visibilité à l'adaptation », a souligné Liviu Stirbat de la Commission européenne. Les États membres seront tenus d'élaborer et de mettre en œuvre des stratégies d'adaptation pour renforcer la résilience et réduire la vulnérabilité aux effets du changement climatique.
La proposition de loi intègre aussi, dans le droit de l'UE, l'objectif mondial en matière d'adaptation, qui est visé à l'article 7 de l'Accord de Paris sur le climat. Des discussions « sont en cours » au niveau de l'UE et au niveau international, sur des indicateurs « normalisés, capables de rendre précisément compte des progrès accomplis », a indiqué la Commission.
Les obligations des États membres en matière de communication d'informations relatives à l'adaptation « sont déjà inscrites dans des instruments législatifs spécifiques, comme les règlements sur la gouvernance de l'union de l'énergie. Une fois adoptée, la loi européenne sur le climat fixera également des obligations à cet égard pour l'Union européenne et ses États membres », a précisé la Commission.
L'exécutif européen discutera de la nouvelle stratégie avec le Conseil des ministres européens de l'Environnement. Le Conseil devrait approuver des conclusions à ce sujet lors de sa réunion de juin 2021.