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Réduction des pesticides : les pistes du coordinateur interministériel pour vraiment changer les pratiques

Constatant lui aussi l'échec des plans Écophyto, Pierre-Étienne Bisch dresse des pistes d'action pour engager une réelle mutation des pratiques agricoles. Formation, rémunération et lutte contre la concurrence déloyale en font partie.

Réduction des pesticides : les pistes du coordinateur interministériel pour vraiment changer les pratiques

Après avoir rencontré pendant plusieurs mois les parties prenantes de chaque région française, le coordinateur interministériel du plan de réduction de l'usage des produits phytosanitaires fait un premier constat sans appel, dans une note d'étape (1) publiée le 20 avril : « Il ressort de notre mission que toute tentative de réduction de l'utilisation de produits phytopharmaceutiques aura des effets limités si l'agriculteur ne recherche qu'à optimiser le coût des traitements, par le biais de la seule réduction des quantités utilisées ».

Alors que depuis plusieurs mois, la majorité remet en question le principal objectif des plans Écophyto (la baisse de 50 % de leurs usages), Pierre-Étienne Bisch fait un constat similaire. « Le plan Écophyto, qui affiche des objectifs chiffrés de réduction et met en avant des moyens centrés sur ce seul objectif chiffré passe en partie à côté de la question et ne porte pas la reconception du système qui permettrait, entre autres, de réduire l'usage de produits phytopharmaceutiques [PPP] ». Il constate ainsi l'échec des premiers plans Écophyto, engagés dès 2009, à atteindre le premier palier de réduction de 20 %. Il propose donc d'élargir les critères d'appréciation de la réussite du nouveau plan Écophyto.

Indicateur Nodu : « une erreur stratégique »

« Tant à l'échelle de l'exploitation qu'à celle de la "ferme France", apprécier la pertinence de cette politique à l'aune des seules quantités de PPP utilisées ou économisées serait une erreur stratégique, compte tenu de la complexité de la production agricole et de la diversité des systèmes agricoles », note le rapport. Les pratiques agricoles ont également des impacts sur l'eau (pollutions diffuses), la biodiversité (insectes, oiseaux), les milieux (sol, air, trame verte et bleue…), les émissions de gaz à effet de serre (stockage du carbone, consommation de carburants fossiles, énergie nécessaire…), rappelle-t-il.

Il faut donc prendre en compte, selon lui, l'évolution des quantités de produits les plus préoccupants, des quantités de produits de biocontrôle, le nombre d'agriculteurs et la surface agricole engagés dans des démarches vertueuses (agriculture biologique, certification Haute Valeur Environnementale - HVE). Mais aussi l'indice d'évolution de la présence des pesticides dans les cours d'eau (IPCE), la contribution de chaque substance à l'évolution inter-annuelle de l'IPCE, la part des points de mesure dont les échantillons d'eau dépassent au moins une limite de qualité réglementaire...

Reconnecter les agriculteurs aux territoires et aux citoyens

Lors des échanges avec les acteurs, le coordinateur a également noté de fortes résistances au changement. Un ensemble d'actions doivent donc être mises en place ou renforcées, selon lui, pour engager réellement le changement de pratiques.

La formation professionnelle et la formation initiale constituent des enjeux essentiels. « L'absence de main d'œuvre pour les travaux agricoles les plus simples, et a fortiori l'absence de main d'œuvre pour les travaux les plus qualifiés (conducteur d'engins de précision) est un frein systématiquement souligné dans toutes les régions et toutes les productions ». Le coordinateur préconise le lancement d'une démarche nationale en mobilisant Pôle emploi.

Il note également que les agriculteurs doivent être reconnectés à leur territoire. « La consultation nationale sur le projet de décret [sur les zones non traitées] ZNT a mis au grand jour la fracture entre le monde rural (et pas simplement les néoruraux d'origine urbaine) et le monde agricole », analyse le coordinateur. Il préconise, pour créer un lien fort avec les territoires, de ne pas favoriser les trop grandes exploitations et d'encourager la pluriactivité.

Créer les conditions d'une rémunération et d'un marché équitables

En outre, « selon les professionnels agricoles, le principal moteur du changement est la création de valeur ajoutée. L'agriculteur ira naturellement vers un système ou vers une production s'il y trouve son intérêt économique ». La politique agricole commune (PAC) doit permettre de favoriser les filières et les pratiques vertueuses.

“ Les pratiques agricoles ont également des impacts sur l'eau, la biodiversité, les milieux, les émissions de gaz à effet de serre. ” Pierre-Étienne Bisch
Les pouvoirs publics devront également organiser les secteurs et, notamment, les débouchés, pour soutenir la diversification des cultures (circuits-courts, restauration collective…). « D'une façon assez récurrente, nos interlocuteurs ont évoqué l'idée d'un plan national "protéines animales" ou "protéagineux", qui permettrait, non seulement de contribuer à cet objectif, mais éviterait indirectement des importations de protéagineux de l'étranger ; cela suppose sans doute de revoir certains accords internationaux ».

Selon Pierre-Étienne Bisch, les pouvoirs publics doivent empêcher la concurrence déloyale « et "ne pas autoriser d'importer l'agriculture dont on ne veut pas en France", c'est-à-dire des productions obtenues dans des conditions environnementales, sanitaires et sociales contraires à notre réglementation intérieure ».

Enfin, le coordinateur est critique sur les travaux demandés aux filières par le Gouvernement. Selon lui, la structuration de la profession et des interprofessions en filières a jusque-là favorisé une approche « en silos » : « C'est très frappant dans les documents remis par les différentes filières : on constate que rares sont les solutions promouvant les synergies entre les filières. Ce pourrait être un rôle de FranceAgriMer ou des chambres d'agriculture ».

Aides directes, quotas d'utilisation et/ou prescription technique

Le coordinateur évoque enfin plusieurs pistes de réflexion encore ouvertes. Par exemple, flécher le produit de la redevance pour pollution diffuse directement vers les exploitations, sur le modèle de l'aide directe aux agriculteurs bio. « Cette incitation économique, qui a fait ses preuves pour le bio, serait un complément au montage complexe des réseaux 30 000 [exploitations agricoles] et autres dispositifs d'animation du plan actuel ». Les crédits pourraient également être alloués par les acteurs de terrain et fondés sur des indicateurs de résultats et non plus de moyens.

L'allocation de quotas d'utilisation de produits phytosanitaires pourrait constituer également une piste. Le coordinateur pose néanmoins la question de la base juridique d'un tel dispositif et souligne « l'accueil plutôt réservé par nos interlocuteurs » de cette proposition. « Il faut également envisager une voie moins coercitive de prescription technique via la notice d'emploi ou l'autorisation de mise sur le marché (AMM), pouvant limiter la quantité par hectare et par an, comme pour le cuivre ».

1. Télécharger la note d'étape
https://agriculture.gouv.fr/telecharger/111257?token=2a101c7632cc0a85ccd7f7ca1297ea4a

Réactions5 réactions à cet article

"[...] les agriculteurs doivent être reconnectés à leur territoire" : peut-être pourrait-on interroger utilement le rôle que les chambres d'agriculture, pour la plupart sous domination sans partage des FDSEA/JA, jouent dans cette déconnexion avec les citoyens. Il est vrai que ce petit monde, surprotégé qu'il est par toute une clique de décideurs avant tout soucieux du bon déroulement de leurs carrières politiques, se fout bien pas mal de l'avis d'autrui. Cet autoritarisme est même la clef de voute de ce système anti-démocratique.
Dommage que ce coordinateur interministériel passe à côté de cette interrogation très légitime... En effet, les chambres disposant de délégations de missions de service public n'ont elles pas aussi à ce titre des comptes à rendre au citoyen (ce qu'elles ignorent superbement) ?

Pégase | 22 avril 2020 à 23h14 Signaler un contenu inapproprié

Le problème en France est que le citoyen ne se bouge pas,ou pas assez, il gobe tout et attend benoîtement que le gouvernement fasse les bons choix pour lui. Il pourra attendre longtemps! La clique qui dirige aujourd'hui les plus hautes instances bénéficie de cette attitude suicidaire. Si l'on veut autre chose , il faut le signifier haut et fort et changer de mode de vie sans attendre les préconisations du gouvernement , qui n'arriveront jamais. Boycotter définitivement les aliments cultivés aux pesticides et les produits animaux issus d'élevages concentrationnaires, etc, il s'agit aussi d'une question d'éducation et l'Education Nationale devrait s'en saisir. On enseigne beaucoup trop de choses d'une utilité discutable aux enfants , qu'on se penche un peu sur les choix à faire pour une qualité de vie saine et la préservation de la Planète, cela devient primordial.

gaïa94 | 28 avril 2020 à 00h14 Signaler un contenu inapproprié

@ gaïa94 : malheureux, vous voulez donc vous attirer les foudres de la brigade de Gendarmerie Démeter, en croisade pour le compte des FNSEA/JA afin de lutter contre les dangereux opposants à leur système agricole hyper polluant, rendus à leurs yeux ipso facto coupables d'agribashing (néologisme inventé par les syndicats eux-mêmes et avalé tout cru par des énarques du ministère de l'agriculture, toujours friands de formules anti-écolo choc), comme vous et moi ! Pensez donc : appeler de ses voeux d'autres modalités de productions agricoles que le tout chimique, respectueuses de la santé des hommes et de la nature mais tellement moins rémunératrices pour les grands groupes industriels et leurs actionnaires. Le voilà, l'impardonnable trouble à l'ordre établi qu'il faut mater sans délai ni faiblesse !
Ne comptez hélas pas trop sur l'Education Nationale pour éduquer au mieux produire et au vivre plus sain : même si des enseignants se risquent bien à aborder certaines de ces problématiques effectivement cruciales, les syndicats cités ci-dessus veillent au grain afin que les programmes officiels se focalisent sur tout autre chose !
Il faut donc surtout éduquer les parents-consommateurs afin qu'ils éduquent en retour leurs enfants. Ce n'est pas neutre et, avec l'appui involontaire d'incontournables et périodiques scandales sanitaires agricoles (tant il y a matière), la chose fait son bonhomme de chemin. Il n'y a qu'à voir la progression de l'AB dans le "panier de la ménagère".

Pégase | 28 avril 2020 à 13h57 Signaler un contenu inapproprié

Pégase: je me contrefiche de la brigade Déméter ! Je dis ce que je pense qui reflète l'opinion quasi générale.Je connais personnellement des agriculteurs qui ne savent plus à quel saint se vouer et qui aimeraient bien qu'on leur donne des ficelles pour sortir de la solution tout chimique. Malheureusement ils sont très endettés et la politique actuelle ne leur laisse guère de choix: pour rembourser les banques, il faut produire et vendre à un prix raisonnable, ce qui devient de plus en plus compliqué. Ils ont tout à fait conscience que le système les tue. De plus comme prof de sciences, j'ai bien constaté que les programmes étaient déficients sur l'information du bien-manger ou plus généralement du bien consommer,et qu'ils ne traitent évidemment jamais des pollutions. Mais ça ne m'a jamais empêchée de mettre en place des travaux dirigés axés sur ces questions. Les jeunes aiment ces sujets et s'y investissent avec force idées, c'est à la racine que nous prendrons le mal.Il est plus difficile d'éduquer les parents, qui n'ont pas beaucoup de temps , qui ne comprennent pas toujours les enjeux et n'ont pas de connaissance en chimie. Ce qui ne veut pas dire qu'il ne faut pas essayer de leur ouvrir les yeux. Vous avez raison , les scandales sanitaires les poussent à s'interroger et à changer leurs habitudes. Il est quand même déplorable que l'avancée se fasse toujours au prix de la santé publique.De quel bois se croient construits ceux qui nous gouvernent ?

gaïa94 | 29 avril 2020 à 16h47 Signaler un contenu inapproprié

@gaïa94 : vous avez bien raison de vous contreficher de cette brigade Démeter. Elle constitue effectivement un anachronisme politique "abracandabrantesque" qui va très probablement bien vite tomber dans la désuétude administrative, surtout que la Gendarmerie a je crois d'autres priorités actuellement. Je plains d'ailleurs les pandores affectés à cette tâche infamante pour leur uniforme et leur conception du service public...
Quand aux attentes du monde agricole lui-même, je connais comme vous des agriculteurs qui n'en peuvent plus de ce système aberrant et destructeur. Pourtant, eu égard du baromètre fourni par les successives élections aux chambres d'agriculture, force est de constater que ces agriculteurs sont de moins en moins représentés : factuellement, FNSEA/JA et Coordination rurale progressent au détriment de la Confédération paysanne au cours de ces vingt dernières années. Il est donc tout à fait improbable que le changement favorable à l'environnement viennent des chambres consulaires, des syndicats majoritaires ou encore du ministère de l'agriculture, inféodé aux précédents. Et ceux qui nous gouvernent tiennent scrupuleusement compte de l'expression de la majorité sortant des urnes, surtout si elle va dans ce sens là...

Pégase | 30 avril 2020 à 11h54 Signaler un contenu inapproprié

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