En 2018, les ventes de produits phytosanitaires à usage agricole ont bondi de 23 %. Année après année et plans après plans, la réduction de l'usage des phytosanitaires ne s'amorce pas, au contraire.
Le 7 janvier, les ministres de la Transition écologique, de la Santé, de la Recherche et de l'Agriculture, ont réuni le comité d'orientation stratégique et de suivi (COS) du plan national de réduction des produits phytopharmaceutiques, Écophyto 2+. Et le bilan n'est pas fameux… « Après une légère baisse en 2017, le comité a constaté une augmentation globale forte des quantités de produits phytopharmaceutiques vendues en 2018 ». Les ventes ont augmenté de 21 % par rapport à 2017, et de 23 % pour les seuls usages agricoles. En 2018, 85 876 tonnes de substances actives ont été vendues, soit une augmentation de 22 %, en moyenne triennale, depuis 2009-2011.
« Cette évolution paraît liée à une anticipation des achats en fin d'année 2018, en prévision de l'augmentation de la redevance pour pollution diffuse qui taxe les substances les plus préoccupantes au 1er janvier 2019 », analysent les ministres. Les données pour 2019 seront communiquées mi-2020. Elles permettront de confirmer ou d'infirmer cette analyse. « La Confédération paysanne ne croit pas à cet argument qui ne peut justifier une telle hausse », estime le syndicat dans un communiqué. Car malgré les explications conjoncturelles, les bilans année après année d'Écophyto 1, puis d'Écophyto 2, puis d'Écophyto 2+, confirment la dépendance de l'agriculture à la chimie et les difficultés à réduire l'usage des phytosanitaires.
Pour rappel, le lancement d'Écophyto en 2008 visait à réduire de moitié l'usage des pesticides en France d'ici 2018. Face à l'échec du premier plan, une deuxième version a été lancée en 2015, elle-même renforcée en 2018, repoussant dans le même temps l'objectif de 50 % à 2025.
Un plan pas assez contraignant ?
Après une légère baisse en 2017, le comité a constaté une augmentation globale forte des quantités de produits phytopharmaceutiques vendues en 2018.
Comité d'orientation stratégique et de suivi
« Il est maintenant évident que ce plan restera un échec tant que l'État s'en remettra au bon vouloir de la profession agricole pour faire évoluer de manière volontaire ses pratiques ! La période des mesures non contraignantes a vécu et il faut maintenant que l'État français fixe des règles beaucoup plus contraignantes », réagit l'association Générations Futures.
En début de quinquennat, le Gouvernement a demandé aux filières d'organiser leur propre transition en s'engageant au travers de plans. Mais devant leur manque d'ambition, ces documents devaient être revus et présentés à l'automne dernier. Rien depuis...
Pour Générations futures, face à l'échec constaté, « une évolution radicale du plan Écophyto » est nécessaire. « Celui-ci doit imposer des objectifs de réduction par culture et par région, décroissants dans le temps année après année, qui soit contraignants et dont le non-respect déclenche des sanctions, notamment financières. À l'inverse, les agriculteurs les plus performants dans le domaine de la réduction de l'usage des pesticides doivent être soutenus et aidés pour les efforts qu'ils déploient, l'ensemble pouvant s'assimiler à un système de bonus/malus ».
Plus de biocontrôles et moins de substances dangereuses
En 2018, les ventes sont liées, à 74 %, à des usages agricoles, hors produits de biocontrôle à risque faible (micro-organismes, phéromones, kairomones, substances naturelles d'origine végétale, animale ou minérale) qui représentent, quant à eux, 24 %. Leur vente a augmenté de 20 % entre 2017 et 2018. « Le poids important de la part du biocontrôle à risque faible dans la QSA [quantité de substances actives] totale est dû notamment au soufre, substance particulièrement pondéreuse, c'est-à-dire appliquée à des doses de plusieurs kilogrammes par hectare. Une partie de l'augmentation de la QSA totale s'explique donc par l'augmentation des surfaces agricoles en agriculture biologique », note le bilan Écophyto. Les substances les plus vendues en 2018 sont le soufre (16 %) et le glyphosate (11 %). Enfin, les ventes des substances les plus préoccupantes, classées « cancérigènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction » (CMR) ont diminué de 15 % pour la catégorie 1 (caractère avéré ou présumé) et de 9 % pour la catégorie 2 (caractère suspecté) entre 2009-2011 et 2016-2018 (moyenne triennale).
C'est par ailleurs ce que préconisait récemment France stratégie, l'organisme de prospective rattaché auprès du Premier ministre : un système de bonus-malus ciblés sur les biens publics globaux dans la cadre des aides de la
Politique agricole commune.
Mais à l'issue du COS, mardi, les ministres ont seulement annoncé que les données de vente seront désormais territorialisées afin de permettre une meilleure identification des usages. De plus, ils « ont chargé l'Anses, l'INRAE et l'OFB d'installer un comité scientifique et technique auprès du COS pour assurer une interprétation claire et robuste des indicateurs de suivi, mais également évaluer tout ou partie du plan, et proposer, le cas échéant, des évolutions pour renforcer la politique de réduction des produits phytosanitaires ».
Protéger les agriculteurs face à la concurrence déloyale
La Confédération paysanne regrette pour sa part que « la massification et le transfert de pratiques pour réduire l'utilisation des pesticides n'ont pas eu lieu », malgré 700 millions d'euros de financements. « Les fermes Dephy montrent pourtant qu'il est possible d'atteindre au moins une baisse de 50 % de l'utilisation des pesticides à système économique constant. Contrairement à ce qui a pu être dit [lors du COS], il existe donc des solutions techniques pour réduire l'utilisation des pesticides L'ensemble des responsables agricoles doit aller dans le sens du progrès pour encourager ces démarches et enjeux contemporains ». Pour le syndicat, les principaux freins sont économiques et commerciaux : « Ce qui empêche [la transition] ce n'est pas la supposée absence d'alternatives, mais le surcoût du changement et l'absence de rémunération des produits agricoles ». La Confédération paysanne dénonce régulièrement la concurrence déloyale des produits agricoles importés, non soumis aux mêmes contraintes réglementaires.
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Note Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail
Note Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement
Note Office français de la biodiversitéArticle publié le 09 janvier 2020