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Le calendrier des ZFE s'accélère, les critiques et les propositions aussi

Sujet toujours inflammable, la question des ZFE, en cours ou à venir, fait l'objet de plusieurs rapports. Tous pointent le risque de fracture sociale et la nécessité de mettre en œuvre des solutions d‘accompagnement.

Décryptage  |  Transport  |    |  N. Gorbatko
Le calendrier des ZFE s'accélère, les critiques et les propositions aussi
Actu-Environnement le Mensuel N°437
Cet article a été publié dans Actu-Environnement le Mensuel N°437
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Lyon rétropédale. Paris s'apprête à faire de même. À Grenoble, le débat s'enflamme entre ceux qui réclament un report et les écologistes qui attendent des mesures plus audacieuses… En matière de zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m), plus les échéances se rapprochent, plus les écueils du dispositif sautent aux yeux. En vertu de la loi d'orientation des mobilités (LOM) de 2019, onze agglomérations de plus de 150 000 habitants, caractérisées par un dépassement des valeurs limites de qualité de l'air, ont déjà commencé à restreindre la circulation de certains véhicules particuliers et des utilitaires légers. À court terme, quatre à cinq d'entre elles sont censées durcir ces règles : en interdisant les véhicules à vignette Crit'Air 4 en 2024, puis Crit'Air 3 en 2025.

D'ici un an et demi, corollaire de la loi Climat et Résilience de 2021, cette fois, une trentaine d'autres agglomérations devront également s'y mettre. Avec une certaine marge de manœuvre, toutefois : sur les périodes ou les heures concernées, le type de véhicule ou le niveau Crit'Air exigé, par exemple. Chaque année, en France, 40 000 décès sont attribués aux particules fines, 7 000 aux oxydes d'azote. Personne ne conteste donc réellement l'utilité de ces zones particulières qui se comptent d'ailleurs déjà par centaines en Europe : ni les fédérations professionnelles, ni les élus, quelle que soit leur couleur politique.

Les élus et le public désorientés

Mais le calendrier suscite des doutes, des inquiétudes et une foule de questions. En témoignent le remplacement surprise, en avril dernier, du coordinateur national sur ce sujet, nommé seulement trois mois plus tôt, et une série d'initiatives lancées ces derniers mois : comité de concertation avec les parties prenantes, rapport confié à Barbara Pompili par la Première ministre, mission d'information sénatoriale, consultation du public par le Sénat… À Rouen, en mars dernier, l'association 40 Millions d'Automobilistes est allée jusqu'au dépôt d'un recours juridique auprès du tribunal administratif, pour contester la légalité de la ZFE normande, et envisage désormais une action au pénal.

Première difficulté identifiée par les élus et de nombreuses ONG : le manque criant de pédagogie sur le sujet et la difficulté des citoyens à l'appréhender, tant les métropoles avancent en ordre dispersé. Promise par le gouvernement pour le premier semestre 2023, la grande campagne nationale d'information se fait toujours attendre… « On ne peut pas demander à des gens d'adhérer à une réforme si elle n'est pas portée par les initiateurs eux-mêmes », regrette Barbara Pompili, rejointe sur ce terrain par Philippe Tabarot, rapporteur de la mission flash sénatoriale sur les ZFE publié le 15 juin dernier. « Quand l'Etat veut communiquer, il en a les moyens et il le fait de manière pertinente », remarque le sénateur des Alpes-Maritimes. Pour celui-ci, la sensibilisation des citoyens aux enjeux sanitaires des ZFE contribuerait pourtant à améliorer leur acceptabilité.

La triple peine des habitants de la périphérie

Barbara Pompili, de son côté, vise plutôt une information pratique, claire et accessible à tous sur les modalités du dispositif, les aides dédiées et les alternatives : via un site Internet, un numéro de téléphone national et un guichet unique, au plus près des habitants. « Ce n'est pas aux gens d'aller chercher l'information. Il faut la leur donner », insiste-t-elle. Pour l'ancienne ministre de la Transition écologique, « personne ne doit rester sans solution ».

Mais c'est là aussi que le bât blesse. Car près de la moitié des automobilistes qui entrent dans les agglomérations viennent de la périphérie. S'ils travaillent dans les ZFE, ils vivent à 30, 40 ou 80 kilomètres de là, ou plus, en raison de la hausse des prix de l'immobilier notamment.

Ils bénéficient majoritairement de revenus modestes sans accéder aux mêmes aides que les métropolitains pour l'achat d'un véhicule propre. Pour ces ménages, il existe peu de « plan B » en matière de mobilité, constate Etienne Chaufour, directeur en charge des mobilités à France urbaine. Pour se rapprocher de l'emploi, des études, des lieux de culture ou de santé, ils n'ont souvent pas d'autre choix que la voiture. « Si on leur interdit l'accès aux centres-villes parce que leur véhicule est polluant, on contribue à renforcer leur isolement », commente-t-il. D'où un risque préoccupant de fracture sociale.

Le casse-tête des aides

Mais, même pour ceux qui ont droit, aujourd'hui, à un soutien financier, l'enveloppe reste insuffisante pour changer de voiture. Le véhicule électrique le moins cher du marché, la Dacia Spring, coûte 22 100 euros, calcule Etienne Chaufour. Aujourd'hui, associées à celles de l'Etat, les aides les plus importantes, celles de l'Ile-de-France et du Grand Paris, atteignent à peine 19 000 euros. Le reste à charge est important. Or, bien que le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, conteste ce chiffre, Philippe Tabarot évalue à 13 millions, le nombre d'automobiles potentiellement touchés par les restrictions des ZFE d'ici un an et demi. Un tiers du parc national.

« Le renouvellement d'un tel nombre de véhicules, dans un délai aussi court, suppose une très forte accélération du rythme d'évolution de ce parc. C'est matériellement peu réaliste », commente-t-il. Dans le 3e arrondissement de Marseille, le plus pauvre de France, plus d'un véhicule sur deux est classé Crit'Air 5, 4 ou 3 et serait proscrit de la ZFE d'ici un an et demi. Trop faibles, les subventions s'avèrent également difficiles à comprendre. Etienne Chaufour en a dénombré plus d'une trentaine différentes. Les bénéficiaires potentiels ne les connaissent pas ou ne savent pas à qui s‘adresser. Résultat : « Environ 60 % des personnes qui auraient besoin d'être aidées ne les demandent pas », assure-t-il. Il faut en outre attendre trois ou quatre mois, parfois plus, avant de les toucher. « La plupart des ménages ne peuvent pas avancer l'argent… »

En quête de nouvelles solutions

Afin d'accélérer le verdissement du parc, la mission flash sénatoriale comme le comité de concertation envisage donc toute une palette de mesures : mise en place d'un guichet unique, avec des permanences assurées par les associations, par exemple, simplification des aides, renforcement voire doublement de leurs montants, élargissement aux territoires voisins, meilleur fléchage des bonus écologiques et autres primes à la conversion vers les ménages modestes, généralisation et pérennisation du prêt à taux zéro, garanti par l'Etat pour accompagner les ménages vulnérables, y compris ceux de la périphérie des métropoles, mise en place du leasing social tant attendu…

Le marché de l'occasion pourrait aussi être développé en encourageant la revente des flottes d'entreprises et d‘administration aux salariés, par exemple, ainsi que le rétrofit. Cette technique est d'ailleurs en cours de démocratisation et de réorientation vers le marché des particuliers, grâce à des entreprises comme Transition-One ou GCK. « Rien qu'avec ça, on contribue largement à résoudre le problème pour les 11 premières ZFE en 2025 », estime Barbara Pompili.

Des propositions alternatives

Mais le remplacement des véhicules ne règlera pas non plus les problèmes de congestion urbaine. « Les ZFE doivent donc être pensées dans le cadre d'une politique de mobilité plus globale. Il faut utiliser d'autres leviers, créer un véritable choc d'offres alternatives à autosolisme », analyse le sénateur Philippe Tabarot. Parmi les solutions proposées par son rapport : l'abaissement du taux de TVA à 5,5 % sur les transports collectifs, réclamé en vain par le Sénat depuis longtemps, l'octroi d'un « budget mobilité » en échange de la mise au rebut d'un véhicule polluant ou encore la mise en place de services express régionaux autour des pôles d'échanges multimodaux, dont certains assurés par des cars. France urbaine propose également la multiplication des conventions de covoiturage entre les métropoles et les territoires voisins : le prix du trajet étant compris dans l'abonnement du covoituré et le covoitureur dédommagé par la métropole pour sa disponibilité.

Crit'Air : une vignette à bout de souffle ?

Sans les vignettes Crit'Air, échelonnées de 0 à 5, pas de ZFE. En France, en tout cas, où seules ces dernières décident de l'admission ou non des véhicules en centre-ville. Or ce répertoire est mis en cause par nombre de parties prenantes qui défendent le principe d'une individualisation des classements. En effet, les vignettes Crit'Air ne prennent pas en compte les émissions de particules fines émanant du freinage et de l'abrasion des pneus, plus importantes sur les gros véhicules, même bien classés. Elles ignorent le facteur « entretien du véhicule » et celui de son éventuel équipement pour le bioéthanol. Elles ne récompensent donc pas les propriétaires vertueux. Elles ne tiennent pas non plus compte de l'avant et de l'après « Dieselgate » pour les Crit'Air 2. « Tout cela mérite d'être regardé de plus près », estime Barbara Pompili. « Et sans tabou », complète Etienne Chaufour.

Dans ce contexte, faut-il décaler le calendrier de mise en place des ZFE ? Le Sénat qui le juge « précipité » se prononce pour un report à 2030 de l'interdiction des vignettes Crit'Air 3 et de l'extension des ZFE aux autres métropoles. France urbaine réclame de la souplesse. « Sans multiplier les dérogations, il faut prendre en considération quelques situations individuelles, comme celle des petits rouleurs », estime Etienne Chaufour. Quant à Barbara Pompili, elle n'y est pas favorable, préférant aller chercher les solutions qui fonctionnent bien à l'étranger. « Repousser la mise en place des ZFE n'a pas de sens, dans la mesure où les seules vraies dates butoir aujourd'hui sont celles qui concernent les 11 premières agglomérations. Les dates sont tenables », affirme-t-elle.

Reste une dernière épine dans le talon du gouvernement : la question des contrôles. Tous ces efforts ont-ils un sens en l'absence de sanctions ? Et comment réagiront ceux qui se seront mis en règle quand ils verront d'autres conducteurs y échapper sans problème ? Aujourd'hui, la plupart des métropoles se refusent à mobiliser leur police municipale sur ce sujet. Quant au dispositif de flashage des plaques d'immatriculation et de facturation automatique des amendes développé par l'Etat, il n'est pas encore disponible. Il devrait être livré en 2024. Pile à la veille de la campagne électorale pour les municipales…

Réactions1 réaction à cet article

Les ZFE semblent démontrer une nouvelle fois l'art des politiques français de créer des problèmes qui nécessitent des mesures d'accompagnement compliquées et coûteuses pour le contribuable.
Il n'est pas sérieux en position de responsabilité de prendre une décision sans avoir au préalable regardé les impacts de cette mesure dans le détail. C'est se placer dans la politique de "l'intendance suivra!". Malheureusement l'intendance ne suit pas.
Les exemples de décisions idéologiques ne manquent pas, les plus emblématiques étant sans doute la réduction du parc nucléaire et l'interdiction des moteurs thermiques pour 2035. Confrontée au réel, la première décision est partie à la corbeille. A quand le tour de la deuxième ?
Sommes-nous au moins sûrs que ces ZFE permettent d'améliorer sensiblement la qualité de l'air des villes ? Il devrait être possible d'avoir des retours d'expérience même partiels sur les ZFE déjà mises en place.
Mais du point de vue de l'idéologue, si le retour ne montre pas d'effet notable c'est que l'on ne sera pas allé assez loin.
Un contrôle aléatoire des émissions des véhicules (et de leur bruit pour les 2 roues!) ne serait-il pas aussi efficace pour la qualité de l'air dans les villes ?

Adun | 21 juin 2023 à 10h53 Signaler un contenu inapproprié

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