Le débat continue au sein de l'UE sur l'accès aux données scientifiques sur l'innocuité du glyphosate. Les députés ont questionné le commissaire européen Vytenis Andriukaitis qui a confirmé vouloir ré-autoriser la substance herbicide pour dix ans.
Réunis en séance plénière au Parlement européen de Strasbourg, les eurodéputés ont auditionné mardi 13 juin le commissaire européen à la Santé et à la Sécurité alimentaire Vytenis Andriukaitis pour faire la lumière sur les études scientifiques sur la sûreté de la substance herbicide glyphosate. La Commission vient de relancer la procédure d'autorisation de la substance pour dix années, après le feu vert des agences européennes d'expertise. Faute d'accord des Etats membres, son homologation a déjà été prolongée en juin 2016 par la Commission, jusqu'à fin 2017.
Nous devons pouvoir proposer aux professionnels des solutions alternatives environnementalement et économiquement viables. Pouvez-vous nous dire ce qu'il est prévu en matière de financement de la recherche ?
Angélique Delahaye, eurodéputée LR
Or, cette substance active, notamment du Roundup de Monsanto, fait l'objet d'études scientifiques contradictoires, depuis deux ans, sur son rôle dans l'apparition de cancers. En mars 2015, le
Centre international de recherche sur le cancer (Circ) l'a définie comme "probablement cancérigène" pour l'Homme, contrairement à l'
Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) en novembre 2015. En mars 2017, l'
Agence européenne des produits chimiques (Echa) a aussi estimé que les connaissances scientifiques disponibles ne permettaient pas de classer le glyphosate comme substance cancérogène, mutagène ou toxique pour la reproduction (CMR). De nouveaux travaux menés par le
toxicologue américain Christopher Portier sont venus alimenter le 28 mai dernier, la polémique. Il a pointé l'évaluation d'études, fournies par les industriels, menées par l'Efsa et l'Echa. Celles-ci auraient échoué à identifier tous les cas
"statistiquement significatifs" de cancers sur des rongeurs. Des documents rendus publics ("Monsanto papers") par la justice californienne, en mars dernier, indiquent également que la multinationale aurait réalisé elle-même des études sur le glyphosate, les attribuant ensuite à des scientifiques. Ces études auraient été exploitées par l'Efsa.
Appel à la transparence des données et aux alternatives
Dans leurs questions orales adressées au commissaire Vytenis Andriukaitis, les députés européens sociaux-démocrates (S&D), les Verts et l'extrême gauche (GUE) ont appelé à la transparence et la mise à disposition publique des études scientifiques, ainsi que des données brutes sur lesquelles les conclusions sur la sûreté du glyphosate sont fondées au nom "du principe de précaution", avant toute ré-autorisation de la substance. Le 1er juin dernier, quatre parlementaires écologistes ont saisi la Cour de Justice de l'Union européenne (CJUE) afin d'avoir accès aux études, fournies par les industriels, qui ont servi de base à l'Efsa. "Vous ne pouvez pas, alors que le glyphosate est au cœur d'une telle controverse, renouveler son autorisation pour 10 ans", a lancé l'eurodéputé français Eric Andrieu (S&D). Avec son homologue belge Marc Tarabella (S&D), il a de nouveau appelé le commissaire à "prendre en compte l'ensemble des expertises scientifiques" et demandé "un moratoire". "Il faut que la Commission fasse en sorte qu'il y ait une étude indépendante", a également plaidé la députée socialiste maltaise Miriam Dalli.
Prochaine audition publique le 11 octobre
L'eurodéputée belge libérale Frédérique Ries a dénoncé "une fin de non-recevoir sidérante" de la part du commissaire et des Etats membres qui "cachent leurs divisions et n'ont pas pris leurs responsabilités". Ce débat parlementaire "n'est qu'une première étape", a annoncé le député socialiste français Eric Andrieu.
Le mercredi 11 octobre prochain, se déroulera une audition publique, organisée par les commissions en charge de l'agriculture et de l'environnement au Parlement européen. Les parlementaires prévoient d'auditionner notamment des représentants de Monsanto, de l'Agence de protection de l'environnement (EPA), des ONG américaines impliquées dans le litige, du Tribunal international Monsanto à La Haye, de la Commission européenne, de l'Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa), de l'Agence européenne des produits chimiques (Echa) et de l'Agence internationale pour la recherche sur le cancer (Circ).
"Cette audition permettra, nous n'en doutons pas, de justifier plus encore le besoin de mettre en place une commission d'enquête ou spéciale au sein du Parlement européen."
L'eurodéputée belge libérale Frédérique Ries a aussi appelé à
"donner les moyens" à l'Efsa et l'Echa de mener leur expertise et "
se servir d'études scientifiques indépendantes" : "
Le budget de l'Efsa est quatre fois moindre que celui de l'Agence européenne du médicament".
De leur côté, les eurodéputés de droite (PPE) ont réaffirmé leur soutien à l'agriculture. Pour le député allemand Peter Liese : "Interdire le glyphosate ne règle pas tout, car il n'y pas de substitut. Sur quelles substances alternatives travaille la Commission ?". "Comment se débarrasser de cet herbicide, [le plus utilisé au monde], y compris par les jardiniers ? L'Efsa et l'Echa sont des agences dans lesquelles nous devons avoir confiance", a ajouté l'eurodéputée irlandaise Mairead McGuinness. La députée française LR Angélique Delahaye et son homologue allemand Norbert Lins ont aussi demandé de respecter le vote, en avril 2016, du Parlement européen en faveur d'une prolongation de sept ans du glyphosate avec des restrictions. Plusieurs députés ont aussi insisté pour le recours aux alternatives à faible risque. "Nous devons pouvoir proposer aux professionnels des solutions alternatives environnementalement et économiquement viables. Pouvez-vous nous dire ce qu'il est prévu en matière de financement de la recherche ?", a demandé Angélique Delahaye.
La Commission défend la procédure d'évaluation des agences
Vytenis Andriukaitis a confirmé, devant les députés, le soutien de la Commission en faveur de la recherche pour des produits de substitution à faible risque, à hauteur de 100 millions d'euros pour des projets menés en coopératives. "La Commission encourage les bonnes pratiques des Etats membres." Il a également rappelé que les Etats restaient libres d'utiliser ou d'interdire le glyphosate sur leur territoire. Le commissaire, "docteur de formation", a aussi réitéré qu'il continuait à fonder ses décisions sur la science et l'Etat de droit. "Nous avons déjà des actions précautionneuses. Le système en vigueur est robuste et répond aux normes les plus élevées de sécurité", a-t-il assuré.
"Nous devons renouveler le glyphosate puisqu'il n'y a aucune raison de remettre en question les évaluations basées sur des faits scientifiques", a-t-il également défendu. Le commissaire a rappelé que les 27 agences nationales sanitaires de l'UE ainsi que plusieurs agences internationales (Japon, Nouvelle-Zélande, Canada, Australie) ont conclu, comme l'Efsa et l'Echa, que le glyphosate n'est sans doute pas cancérogène.
Il a aussi ajouté que l'Echa et l'Efsa ont estimé que les allégations qui découlent des "Monsanto papers", "si elles étaient vraies, n'auraient pas d'impact sur les conclusions de leurs évaluations globales sur le glyphosate". Le 8 juin 2017, l'Efsa a publié, à la demande du commissaire, une déclaration suite à cette affaire. Cette déclaration "décrit le cadre législatif de l'UE en ce qui concerne la soumission de la littérature scientifique ouverte dans le cadre de l'évaluation des substances actives, et explique comment ces publications sont prises en compte par les Etats membres de l'UE et par les experts de l'Efsa lors du processus d'examen par les pairs", a expliqué l'agence. Le commissaire a garanti "le niveau de transparence élevé des études sur le glyphosate".
Vytenis Andriukaitis propose une prorogation de la licence du glyphosate pour dix ans supplémentaires, assortie de restrictions dans l'UE. Il recommande d'interdire le coformulant POE-tallowamine dans les produits à base de glyphosate. Demandé par les eurodéputés, il propose aussi de réduire l'utilisation du glyphosate dans les parcs publics et avant la récolte. Les Etats membres devront prendre leur décision avant l'expiration de l'autorisation de la substance fin décembre 2017.
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Note Télécharger la déclaration de l'Efsa concernant l'évaluation du glyphosate par l'UE suite aux allégations formulées dans les Monsanto papers (anglais) Plus d'infosArticle publié le 14 juin 2017