"Pour la première année, des résultats nettement encourageants ont été relevés", s'est réjoui le ministre de l'Agriculture alors qu'en 2011, l'utilisation des pesticides continuait encore de progresser de 2,5% en France. En octobre 2012, Stéphane Le Foll proposait alors de réorienter le plan Ecophyto, lancé en 2008, face à ce constat "mitigé" afin d'encourager de nouvelles pratiques agroécologiques et "arriver à convaincre les agriculteurs qu'on peut produire autant en réduisant les pesticides", avait-il déclaré.
"Dynamique de réduction des pesticides"
Le ministre a salué hier "la mobilisation des agriculteurs, qui confortent la dynamique de réduction du recours aux pesticides engagée dans notre pays". L'utilisation des produits phytosanitaires (NODU) a globalement diminué de 5,7% en 2012 par rapport à 2011 en zone agricole. Le recours aux herbicides et insecticides a notamment baissé de 11%.
La baisse des substances classées cancérigènes, mutagènes et reprotoxiques (CMR) 1A et B se poursuit : -63% entre 2008 et 2012, liée aux retraits des produits notamment entre 2008 et 2009 prévus dans le cadre réglementaire européen. Les substances classées CMR2 (au titre de l'arrêté pour pollutions diffuses) ont également diminué de 37% entre 2008 et 2012.
En revanche, le recours aux substances "problématiques pour l'environnement" reste stable depuis 2008. L'usage des fongicides a, lui, augmenté de 6% en 2012. "Cela est à mettre en relation avec des conditions météorologiques qui ont favorisé la forte pression des maladies fongiques sur l'ensemble des cultures", a expliqué le ministère.
M. Le Foll a néanmoins "salué le déploiement de plus d'une centaine d'initiatives Ecophyto concrètes". Parmi elles, les 1.900 fermes Dephy, qui visent à expérimenter des techniques économes en produits phytopharmaceutiques, ont identifié "90 systèmes de culture économes et performants en un an ". Près de 300.000 professionnels dont 200.000 agriculteurs ont déjà obtenu leur Certiphyto, un certificat attestant "de connaissances suffisantes pour utiliser les pesticides de façon sécurisée et en réduire leur usage". Plus de 3.400 bulletins de santé végétale ont également été publiés en 2013 grâce au réseau d'épidémiosurveillance appliqué désormais sur 15.000 parcelles agricoles.
Quarante-deux exploitations d'enseignement agricole sont engagées dans la démarche Ecophyto : le ministre a souligné "l'engagement des lycées agricoles qui ont mis en œuvre des projets novateurs et particulièrement performants". Les alternatives aux pesticides (lutte intégrée, biocontrôle, désherbage mécanique, filets anti-insectes, etc.) sont également de plus en plus utilisées, a-t-il ajouté.
Loi d'avenir pour l'agriculture : des mesures "ambitieuses" prévues
"Les conditions du changement sont là et nous avons des solutions concrètes pour tendre vers des modèles plus durables. Il y a un an je détaillais le projet agro-écologique pour la France et mon ambition de développer une agriculture faisant de l'environnement un levier de croissance et de progrès, je suis heureux de constater que les agriculteurs sont de plus en plus nombreux à rejoindre cette nouvelle voie", a déclaré Stéphane Le Foll.
Le projet de loi d'avenir pour l'agriculture, présenté en novembre dernier, vise une "utilisation plus ciblée des produits phytopharmaceutiques, en orientant le développement et les pratiques vers des méthodes alternatives de protection des cultures". Alors que le texte sera soumis à l'examen des parlementaires début 2014, le ministre a assuré qu'il "défendra des mesures ambitieuses" sur les produits phytosanitaires. En particulier celles qui proposent de faire reconnaître "clairement" les principes de la lutte intégrée dans la loi française, de faciliter le recours aux produits de biocontrôle pour l'ensemble des agriculteurs, de lutter contre les contrefaçons et les importations illégales de pesticides, ou encore "d'interdire toute publicité pour des produits phytosanitaires vers le grand public en dehors des produits de biocontrôle."
Un plan encore "insuffisant" pour les associations
Pour France Nature Environnement (FNE), "cette réduction est trop modeste pour être considérée comme un progrès significatif. Ce sont, chaque année, environ 80 millions de doses de pesticides qui sont épandues sur nos champs, puis dispersées dans le sol, dans l'eau, dans l'air."
Pour atteindre l'objectif de 50% de réduction, ce plan "n'est plus suffisant. D'autres leviers doivent être activés immédiatement", estime FNE qui demande la mise en place d'une incitation financière "sous la forme d'un bonus-malus sur les pesticides, et la création d'un conseil stratégique aux agriculteurs indépendant de la vente de pesticides, à l'instar de la séparation qui existe entre un médecin et un pharmacien".
Si Générations Futures souligne de son côté "des signes encourageants", l'ONG pointe "des difficultés avec les fongicides qui montrent qu'on doit aller plus loin dans la mise en place de systèmes robustes de type production intégrée et bio avec des variétés sélectionnées résistantes aux maladies ainsi qu'une simplification des autorisations de mise sur le marché des produits de biocontrôle", a déclaré François Veillerette, porte-parole de Générations Futures. "La future loi d'avenir de l'agroalimentaire, de l'agriculture et de la forêt devra prendre en compte ces éléments pour encourager les systèmes utilisant peu ou pas de pesticides, et protéger les personnes exposées de manière directe ou indirecte à ces toxiques", a -t-il ajouté.