Un an après la publication de la loi d'accélération des énergies renouvelables (Aper), où en est-on dans la définition des zones d'accélération des énergies renouvelables (ZAER) par les communes ? La loi prévoit en effet que chacune d'entre elles, dans une logique ascendante, définisse des zones sur lesquelles elle est favorable à l'accueil de moyens de production renouvelables. Après consultation des citoyens, les communes doivent arrêter ces zones et les soumettre à un référent préfectoral qui, après validation, les propose à une conférence territoriale chargée de vérifier que l'ensemble des ZAER permet d'atteindre les objectifs énergétiques nationaux, déclinés à l'échelon régional.
Une première échéance avait été fixée au 31 décembre 2023 pour la définition de ces zones, et repoussée au 31 mars à la vue du retard pris dans la démarche. Le portail national cartographique, mis en place par l'IGN et le Cerema pour accompagner les communes et dématérialiser totalement les ZAER, n'est en effet opérationnel que depuis le 11 décembre. Il fallait donc laisser le temps aux collectivités de se l'approprier.
« À ce jour, les chiffres sont impressionnants : 327 000 zones d'accélération ont été saisies par 6 500 communes. Ce qui représente 17 % des communes, couvrant 110 000 km2, soit 19 % de la superficie nationale », se réjouit Didier Soulage, chargé de mission énergies renouvelables au Cerema. D'après lui, d'autres travaillent sur leur propre système d'information géographique (SIG), avant la saisie finale de leurs ZAER sur le portail cartographique, et elles n'apparaissent donc pas dans ce décompte. « On peut se dire que, sur les 36 000 communes françaises, il en reste encore beaucoup à aller chercher mais, de mon expérience, je n'ai jamais vu une telle mobilisation sur une réglementation de ce genre, surtout sans expérimentation préalable. Du jour au lendemain, on a introduit un nouvel objet de planification et, un peu plus d'un an après, on atteint déjà ces chiffres ! » se félicite Didier Soulage.
Sur les zones saisies, 180 000 ont été proposées à un référent préfectoral et 7 630 arrêtées. Elles vont désormais être passées au crible d'un comité régional de l'énergie (CRE).
Le photovoltaïque grand gagnant mais…
Les énergies renouvelables thermiques ne sont pourtant pas en reste. Après le photovoltaïque, les ZAER saisies concernent, dans l'ordre, la géothermie, le solaire thermique, la biomasse, puis le biométhane.
Enfin, sans surprise, il y a bien moins de zones envisagées sur l'éolien terrestre. « Néanmoins, 822 ont fait l'objet d'une demande d'arrêt préfectoral. Sur 6 000 communes actives, c'est pas mal ! estime l'expert du Cerema. Sachant que ces zones ont été proposées par les élus, en concertation avec les citoyens, le taux de chute [autrement dit de projets non réalisés] ne devrait a priori pas être élevé », analyse Didier Soulage. À première vue, le nombre de ZAER pour l'éolien pourrait même être cohérent avec les ambitions nationales, sans conduire toutefois à une accélération.
Sur le fond, les ZAER saisies à ce jour sont très hétérogènes. Si certains territoires ont identifié précisément les sites où ils voulaient installer du solaire en toiture, des ombrières de parking, un parc éolien ou une unité de méthanisation, d'autres communes se sont contentées de dire oui au photovoltaïque, au solaire thermique, à la géothermie ou à la biomasse sur l'ensemble de leur territoire et, bien souvent, non à l'éolien. Des « patatoïdes », selon une expression entendue au ministère, difficiles à interpréter et à traduire en projets concrets.
6 500 communes
ont déjà saisi 327 000 zones d'accélération, représentant 19 % de la superficie nationale
Une comptabilité difficile
Reste que les CRE, chargés de vérifier que l'ensemble des ZAER sont cohérentes avec les objectifs nationaux, risquent de rencontrer des difficultés pour chiffrer l'ensemble. « L'enjeu est de convertir ces surfaces en possibilités énergétiques. Sur le solaire au sol ou les ombrières, on va retenir un ratio de 0,8 mégawatt (MW) par hectare par exemple. Si toute la commune est couverte par cette ZAER, nous allons essayer d'affiner les choses : l'outil cartographique nous permet de voir où se situent les parkings. En ajoutant un taux de chute au calcul pour prendre en compte les projets qui ne seront pas menés (50 % par exemple), il est possible de préciser les ambitions. Ces modalités de calcul seront affinées au fur et à mesure des retours d'expérience », détaille Didier Soulage.
Ce calcul s'avère plus difficile pour l'éolien, puisqu'il faut également prendre en compte le gisement de vent. « Les ZAER ne sont pas une fin en soi. Les développeurs attendent ces zones pour aller au contact des communes en priorité volontaristes. Ça doit avoir un effet accélérateur », estime Didier Soulage.
Sur la chaleur, ces « patatoïdes » sont plus difficiles à traduire en projets concrets. Des données sont mises à disposition des collectivités, via l'outil Enrezo, mis en ligne fin 2023, pour identifier les zones pertinentes pour le développement de réseaux de chaleur et de froid, concentrant suffisamment de besoins. Mais « il y a une réelle difficulté à identifier des projets précis de géothermie, de biomasse, etc. sans travaux préalables », analyse Nicolas Garnier, délégué général d'Amorce.
Autre difficulté : « Les CRE n'ont pas aujourd'hui les clés, les critères pour valider les zones d'accélération, indique Auréline Doreau. L'objectif est de répartir le mix énergétique sur tout le territoire en prenant en compte les enjeux locaux, mais la Programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) n'a toujours pas été adoptée. »
Le premier CRE à se réunir, courant avril pour les Pays de la Loire, aurait eu comme instruction de se référer aux objectifs inscrits dans le schéma régional d'aménagement (Sraddet). « Cela signifie qu'il faudra refaire l'exercice dans un an, lorsque l'on connaîtra les objectifs de la PPE », suppose Sophie Collet, d'Amorce. Dans tous les cas, deux tours sont prévus pour les CRE, afin de permettre aux communes de réviser les ZAER après la première délibération, et aux retardataires de présenter leur copie. « C'est un processus assez long, jusqu'à deux ans pour définir et arrêter les ZAER. On attendait davantage d'une loi d'accélération », déplore Auréline Doreau.
Ingénierie territoriale et partage de la valeur
Selon la représentante du Cler, l'exercice pointe également du doigt le manque de moyens humains dont disposent les communes sur ces sujets : « Il faudrait en profiter pour clarifier les compétences énergie-climat des collectivités locales et leur donner davantage de moyens. » L'Institut de l'économie pour le climat (I4CE) estime ainsi qu'il faudrait au minimum 0,6 équivalent temps plein (ETP) à l'échelle intercommunale pour déployer les énergies renouvelables d'ici à 2025 et entre 5 et 10 ETP à l'échelle régionale. « Les collectivités ont besoin d'un outillage plus important, accompagné d'une ingénierie territoriale permanente », souligne Auréline Doreau.
Par ailleurs, d'autres leviers sont attendus pour favoriser la concrétisation des projets ENR. « Les ZAER constituent un outil qui permet de lancer le débat dans les territoires et certains élus sont très volontaristes. Mais il faudrait entretenir la dynamique avec davantage de portage politique et des outils de partage de la valeur clairs », analyse Jules Nyssen, du SER. Un point de vue partagé par Nicolas Garnier : « Il y a quelque chose à faire sur le partage de la valeur, comme cela a été fait avec le nucléaire, estime le délégué général d'Amorce. Ce sera difficile de convaincre la population sans qu'il y ait une telle logique sur les territoires. Nous sommes favorables à des incitations de type tarif préférentiel ou chèque énergie, pour que les citoyens voient les bénéfices des énergies renouvelables et pas seulement les contraintes. »