"Ce plan marque le coup d'envoi d'une mobilisation sans précédent du gouvernement et des acteurs à tous les niveaux pour combattre le déclin de nos écosystèmes", avait déclaré Nicolas Hulot en présentant le plan biodiversité le 4 juillet 2018. Moins de deux mois après, il démissionnait. "Est-ce-que nous avons commencé à enrayer l'érosion de la biodiversité ? La réponse est non", expliquait l'ex-numéro 3 du gouvernement en annonçant son départ.
Un an après ce lancement, le gouvernement, délesté de cette figure emblématique de l'écologie, se targue d'avoir engagé 95 % des 90 actions prévues par le plan. La lecture est très différente du côté des associations (1) de protection de l'environnement qui ont fait leur propre bilan. Elles estiment que 82 % des actions engagées sont non-satisfaisantes, voire inacceptables. Plutôt qu'une bataille de chiffres, il paraît intéressant de se pencher sur les deux combats qu'avait mis en avant Matignon : la lutte contre l'artificialisation des sols et la mutation de l'agriculture intensive.
Lancement d'un observatoire de l'artificialisation
Sur le premier point, la mesure phare est la limitation de la consommation d'espaces naturels, agricoles ou forestiers en vue d'atteindre l'objectif de zéro artificialisation nette. La rédaction du plan est toutefois très prudente puisqu'il vise seulement à définir "en concertation, avec les parties prenantes, l'horizon temporel à retenir pour atteindre [cet objectif] et la trajectoire pour y parvenir".
Un an après, le ministère de la Transition écologique annonce la mise en ligne imminente d'un observatoire de l'artificialisation établi en concertation avec les collectivités territoriales à partir des données produites par le Cerema (2) . Il indique également avoir finalisé une instruction sur les documents d'urbanisme destinée aux préfets afin qu'ils intègrent cet impératif. Le gouvernement avait annoncé il y a un an le renforcement du contrôle de légalité de ces documents. A l'hôtel de Roquelaure, on indique aussi avoir mis en place un groupe de travail sur la renaturation des friches. Une mise en place tardive qui fait douter de la capacité du gouvernement d'atteindre l'objectif de soutenir dix projets innovants de désartificialisation de sites dégradés d'ici 2020.
Sur l'objectif lui-même du zéro artificialisation, le ministère a commandé deux études à France Stratégie et au CGEDD. Il juge en effet insuffisant le rapport (3) remis en mai par le Comité pour l'économie verte pour lui permettre de déterminer à quelle date l'objectif pourra être atteint. "Le ministère considère que les actions sont engagées, en fait ce sont les évaluations qui sont lancées", tacle Sandrine Bélier, directrice de l'association Humanité et Biodiversité. En attendant ces nouvelles expertises, l'artificialisation des sols se poursuit comme le montre une étude de l'
Dérogations trop fréquentes accordées aux agriculteurs
Quant à l'objectif de faire de l'agriculture une alliée de la biodiversité, le ministère de la Transition écologique reste un peu sec, se contentant de rappeler que les objectifs du plan restent valables. Sur la réduction de l'usage des pesticides, il rappelle l'interdiction de vente aux jardiniers amateurs qui a succédé à l'interdiction de leur utilisation par les collectivités en… 2017. Et met en avant l'interdiction des néonicotinoïdes et le succès de la labellisation "Terre saine" auprès des collectivités.
"Nous développerons de nouvelles solutions pour accompagner la transition des pratiques agricoles consécutives à la sortie des pesticides dans le cadre d'Ecophyto et d'un programme de recherche spécifique doté de 30 millions d'euros", prévoit le plan biodiversité. "Avec Ecophyto, plus on met de l'argent, moins ça avance", réagit Jean-David Abel, vice-président de France Nature Environnement (FNE). Quant à la task-force qui doit suivre le plan de sortie du glyphosate en trois ans, "on n'avancera pas tant qu'il n'y aura pas de réelle volonté de l'Etat", pointe le responsable associatif. "L'Agence nationale de sécurité sanitaire a estimé en novembre 2018 que l'action de l'Etat était insuffisante pour protéger les abeilles et insectes pollinisateurs contre les pesticides, pointant notamment du doigt les dérogations trop fréquentes accordées aux agriculteurs pour autoriser leur usage", rappellent les ONG environnementales.
Le ministère se défend en mettant en avant les paiements pour services environnementaux (PSE), qui constituent également un objectif du plan. La secrétaire d'Etat Emmanuelle Wargon a indiqué le 1er juillet, lors de la restitution de la deuxième phase des Assises de l'eau, que les agences de l'eau étaient mobilisées à hauteur de 150 millions d'euros pour soutenir ces pratiques. Un chiffre déjà annoncé lors du lancement du plan biodiversité. Entre-temps, la FNSEA a lancé de son côté un service de contractualisation avec des collectivités ou des entreprises, qui permet de rémunérer les agriculteurs qui mettent en œuvre des mesures de compensation ou des projets de territoire permettant de regagner de la biodiversité.
Quant au développement de l'agroécologie, le ministère de la Transition écologique met en avant un soutien de 50 M€ supplémentaires pour la conversion au bio à compter de 2020. Le plan biodiversité affiche l'objectif d'atteindre 15 % de la surface agricole utile en bio en 2022. Cet objectif est en bonne voie puisque cette surface est passée de 6,5 % en 2017 à 7,5 % en 2018. "La croissance est très soutenue mais le gouvernement est en retard sur le paiement des aides. C'est grâce au marché et non à l'exécutif que l'objectif sera atteint", pointe Jean-David Abel.
Un plan en solo
Si le gouvernement porte la biodiversité à un haut niveau sur l'agenda politique international à travers plusieurs rendez-vous internationaux, et ce dans un contexte d'effondrement général des espèces, il peine en revanche à convaincre dans les frontières hexagonales.
"Nos victoires aujourd'hui, c'est quand on empêche une défaite", déplore Allain Bougrain-Dubourg, président de la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO). "Nos associations ne sont pas sollicitées par le ministère de la Transition écologique qui fait son plan en solo", fustige le responsable associatif.