La mise en service de l'EPR est de nouveau reportée. EDF doit notamment comprendre l'origine des ruptures de gaines qui ont imposé l'arrêt du premier EPR en service, en Chine. Le traitement de certaines soudures défectueuses reste aussi à déterminer.
Ce mercredi 12 janvier 2022, EDF annonce un nouveau report d'environ six mois de la date de mise en service de l'EPR de Flamanville (Manche). « La date de chargement du combustible est décalée de fin 2022 au second trimestre 2023 », annonce l'entreprise, ajoutant que « l'estimation du coût à terminaison passe de 12,4 milliards d'euros (Md€) à 12,7 Md€ ». Ce nouveau retard est justifié par « l'état d'avancement des opérations et de la préparation du démarrage dans un contexte industriel rendu plus difficile par la pandémie ». Le chantier, lancé en 2007, devait initialement être achevé en 2012, pour un coût d'un peu plus de 3 Md€.
Pour Greenpeace, « un énième retard (…) disqualifie les annonces de nouveaux réacteurs ». L'association juge que « le développement du nucléaire, beaucoup trop lent, est une fausse solution » pour permettre « une réduction drastique des émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2030 ».
Effectuer le retour d'expérience de l'incident de Taishan
Pour justifier ce nouveau retard, EDF explique que plusieurs dossiers ne sont pas clos. Parmi ceux-ci figure, en particulier, la prise en compte du retour d'expérience des difficultés rencontrées sur le réacteur de Taishan.
Des ruptures de gaines de combustible ont été constatées sur le réacteur chinois, imposant sa mise à l'arrêt, en juillet dernier. L'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a expliqué qu'elle prendrait en compte le retour d'expérience de l'incident pour instruire la demande de mise en service du réacteur français. En novembre, la Commission de recherche et d'information indépendantes sur la radioactivité (Criirad) a fait état d'informations selon lesquelles les problèmes rencontrés par le premier EPR mis en service seraient liés à la conception du réacteur. Elle évoque notamment des vibrations anormales, qui pourraient être à l'origine des ruptures de gaines et des dommages qu'auraient aussi subis des ressorts de maintien des crayons de combustible.
L'estimation du coût à terminaison passe de 12,4 milliards à 12,7 milliards d'euros
Aujourd'hui, EDF ne précise pas quelle est l'origine du
« phénomène d'usure mécanique de certains composants d'assemblages ». L'entreprise se contente d'expliquer que l'usure prématurée des assemblages est un phénomène
« déjà (…) rencontré sur plusieurs réacteurs du parc nucléaire français [qui] ne remet pas en cause le modèle EPR ».
Quid des défauts de certaines soudures du circuit primaire ?
La « remise à niveau » des soudures du circuit secondaire principal est un autre sujet qu'EDF doit encore finaliser. Concernant ces soudures, l'entreprise explique aussi que les opérations de reprise des soudures de traversées de l'enceinte du bâtiment réacteur « ont été réalisées avec succès et ont été jugées conformes par l'ASN ».
Reste les défauts qui affectent trois piquages sur le circuit primaire (et non pas secondaire) principal du réacteur. EDF propose d'installer des colliers de maintien autour des trois piquages présentant des soudures non conformes, plutôt que de les refaire. Contactée par Actu-Environnement, l'entreprise indique que la solution « est en cours d'instruction avec l'ASN ». « Les approvisionnements pour la fabrication des cerclages sont lancés », ajoute-t-elle, précisant que « la solution technique sera déployée avant le chargement du combustible, au deuxième trimestre 2023, et ne remet pas en cause le calendrier présenté aujourd'hui ».
Initialement, l'ASN devait prendre position « durant l'été » 2021, avait expliqué son président, Bernard Doroszczuk. En octobre dernier, elle n'a donné qu'un accord de principe, qui doit maintenant être formellement confirmé. Avant de se prononcer définitivement, l'Autorité attendait encore plusieurs éléments complémentaires concernant la qualité des soudures incriminées et l'efficacité du dispositif, sa conception ou encore sa fabrication. Contactée par Actu-Environnement, l'ASN confirme « [attendre] une deuxième partie [du dossier] vers le mois de février », pour ensuite poursuivre l'instruction.
Outre la pose de cerclage, deux autres options sont envisageables : la réparation des soudures, conformément à la doctrine privilégiée jusqu'à maintenant par l'ASN, ou le remplacement des tronçons de circuit recevant les piquages non conformes.
Relancer une phase d'essais
Pour le reste, EDF doit aussi procéder à une nouvelle campagne d'essais de qualification de l'installation avant le chargement du combustible. L'entreprise doit encore achever « l'instruction des derniers sujets techniques en lien avec l'ASN, conduisant à l'obtention d'autorisations administratives ». Elle doit enfin réaliser des « finitions » et fournir l'ensemble des documents nécessaires à l'exploitation du réacteur.
Parmi les opérations déjà réalisées figurent l'entreposage sur le site de l'ensemble des assemblages de combustibles nécessaires au premier cycle de fonctionnement, ainsi que le transfert de l'essentiel (90 %) des équipements aux équipes chargées de l'exploitation.
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