L'abandon du tristement célèbre herbicide n'est pas pour tout de suite. Par un communiqué publié le 30 mai, l'Agence européenne des produits chimiques (Echa) indique qu'elle ne propose aucun changement dans la classification des dangers du glyphosate par rapport à son précédent avis rendu en 2017. Soit une substance toxique pour la vie aquatique avec des effets durables, et qui cause par ailleurs de graves lésions oculaires. Mais de cancérogénicité, point.
« Le comité [d'évaluation des risques] a constaté que les preuves scientifiques disponibles ne répondaient pas aux critères de classification du glyphosate pour une toxicité spécifique pour un organe cible ou comme substance cancérogène, mutagène ou reprotoxique », indique l'Echa. Un avis qui suscite de vives réactions alors que la Commission européenne doit se prononcer sur un éventuel renouvellement de l'autorisation de mise sur le marché de l'herbicide, qui s'achève fin 2022.
« Violation des bonnes pratiques scientifiques »
L'Echa indique avoir tenu compte « d'un volume important de données scientifiques et de plusieurs centaines de commentaires reçus lors des consultations ». Elle se targue d'émettre un avis conforme à la proposition des quatre États membres chargés d'évaluer la molécule, qui ont publié un prérapport en juin 2021. Ces quatre États sont la Suède, la Hongrie, les Pays-Bas, mais aussi… la France, dont le président avait pourtant annoncé la sortie du glyphosate pour fin 2020.
Toutefois, d'autres avis divergent, et pas des moindres. Le Centre international de recherche sur le cancer (Circ) reconnaît le glyphosate comme cancérogène probable depuis mars 2015. Dans une expertise collective publiée en juin 2021, l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) concluait à une présomption moyenne de lien entre les pesticides à base de glyphosate et les lymphomes non hodgkiniens, un cancer du système lymphatique.
Évaluation des risques remise en juillet 2023
Ce nouvel avis, qui porte sur les propriétés intrinsèques de la substance, n'est pas encore publié. Il le sera d'ici à la mi-août, annonce l'Echa, en même temps qu'il sera adressé à la Commission européenne et à l'Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa). Cette dernière doit, quant à elle, réaliser une évaluation des risques, qui porte sur l'exposition des personnes et de l'environnement à l'herbicide.
Compte tenu du nombre de commentaires recueillis lors de la consultation publique de l'automne dernier et du nombre de contributions d'experts reçues, l'Efsa a indiqué, le 10 mai, que l'évaluation des risques ne serait finalement remise qu'en juillet 2023, après la tenue des réunions d'examen « par les pairs », en novembre et décembre 2022.
« L'Efsa doit maintenant évaluer la multitude d'études faisant état d'effets nocifs du glyphosate sur l'environnement, tels que les dommages causés aux abeilles et autres insectes, aux amphibiens, ainsi qu'à la vie et à la fertilité du sol », exhorte Générations futures. L'association déplore que l'Echa n'ait pas, quant à elle, pris davantage de temps pour analyser les nouvelles preuves scientifiques disponibles. Toutefois, avec ce décalage de calendrier, les partisans du glyphosate vont bénéficier d'une prolongation d'un an de l'autorisation actuelle. Après cette annonce, le Glyphosate Renewal Group (GRG), groupement de sociétés qui a présenté le dossier de demande de renouvellement de l'herbicide dans l'UE, a d'ailleurs, logiquement et sans difficulté, « pris acte de la décision de prolonger la période d'approbation », qui donne un délai supplémentaire à l'Efsa pour « évaluer en profondeur le demande de renouvellement ».
« Sélection des études par les industriels »
« Dans le monde entier, les organismes de réglementation continuent de conclure que les produits à base de glyphosate peuvent être utilisés en toute sécurité et ne présentent aucun risque pour la santé humaine lorsqu'ils sont utilisés conformément aux instructions », assure le consortium d'entreprises, qui fait fi des décisions de justice rendues en la matière.
Près de 60 % des études de toxicité et d'écotoxicité du glyphosate publiées n'ont pas été prises en compte par ce groupement, indiquait, en septembre dernier, Générations futures, qui dénonce une sélection des études réalisée par les industriels eux-mêmes. En janvier dernier, la Commission nationale déontologie et alertes en santé publique et environnement (CnDaspe) a également dénoncé des biais dans la sélection des études ayant servi à l'élaboration du prérapport des quatre États membres et l'éviction d'emblée des classifications cancérogène, mutagène, reprotoxique ou perturbateur endocrinien de la substance.
Après avoir analysé les avis des deux agences et le rapport d'évaluation des quatre États membres formant le groupe d'évaluation du glyphosate, la Commission présentera aux Vingt-Sept un rapport de renouvellement et un projet de règlement sur le renouvellement, ou non, de l'autorisation. En attendant, les bénéficiaires de l'autorisation auront déjà gagné un an.