L'Assemblée nationale a définitivement adopté le 20 juillet la loi sur la biodiversité. Digne successeur de la loi de 1976, outil pour masquer la dégradation continue de l'environnement ou mise sous cloche de la nature ? Les avis sont partagés.
Quarante ans après la loi de protection de la nature du 10 juillet 1976, les députés ont adopté définitivement ce mercredi 20 juillet la loi "pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages" après un parcours parlementaire chaotique. Le chantier de cette loi a en effet été ouvert lors de la première conférence environnementale du quinquennat en septembre 2012.
A-t-on affaire à une "grande loi" ? Les points de vue sont partagés et le recul sera sans doute nécessaire pour apprécier ses effets, alors que le texte est adopté dans un contexte politique et social mouvementé. Pour la secrétaire d'Etat à la biodiversité, Barbara Pompili, il s'agit en tous cas d'une "belle œuvre législative (…), un de ces textes dont on retient peut-être, sur le moment, quelques sujets polémiques, mais qui, pour des années, conditionnera l'action publique, accompagnera une économie plus respectueuse de la nature et aidera les usagers et défenseurs de l'environnement".
"Si elle ne remet pas en cause un modèle économique à courte vue qui hypothèque l'avenir de la biodiversité et donc de nos sociétés modernes, cette loi contient de réelles avancées", admettent six ONG (LPO, FNE, Humanité & Biodiversité, FNH, WWF, Anpcen) particulièrement investies sur la question de la biodiversité.
L'Agence française de la biodiversité bientôt créée
Parmi ces avancées, les associations citent l'inscription de nouveaux principes dans le code de l'environnement : non-régression du droit de l'environnement, solidarité écologique et objectif de "zéro perte nette de biodiversité". Ces principes sont toutefois loin de faire l'unanimité. Ainsi, le député LR Jean-Marie Sermier qualifie le premier d'"Ovni juridique" et annonce le dépôt par son groupe d'un recours devant le Conseil constitutionnel. L'inscription de la réparation du préjudice écologique dans le code civil apparaît, quant à elle, plus consensuelle car elle avait été proposée et soutenue par la majorité sénatoriale.
Autre avancée : la création de l'Agence française pour la biodiversité (AFB) qui doit voir le jour au 1er janvier 2017. Pour le député écologiste François de Rugy, la seule création de cette agence lui permet de dire qu'il s'agira d'une grande loi. "Nos organisations ne se contenteront pas de la fusion de quelques établissements nationaux préexistants. Elles poursuivront leur action pour élargir le périmètre de l'AFB à d'autres établissements publics, et en particulier à l'ONCFS", réagissent toutefois les associations de protection de l'environnement qui demandent des moyens à la hauteur des missions confiées à l'Agence.
Les néonicotinoïdes interdits
L'interdiction des insecticides néonicotinoïdes au 1er septembre 2018, avec une possibilité de dérogations jusqu'au 1er juillet 2020, constitue également une mesure phare. Une interdiction dont se réjouissent les associations mais qui polarisent les critiques d'une grande partie du monde agricole et de nombreux parlementaires de l'opposition comme de la majorité. "Comment allons-nous expliquer aux agriculteurs, qui subissent une des moissons sans doute les plus pourries de leur histoire, que demain toute forme de traitement sera interdite en l'absence de produit de substitution ?", interroge le député UDI Bertrand Pancher.
On peut aussi noter les dispositions relatives aux obligations réelles environnementales, mécanisme qui permet à un propriétaire de mettre en place des mesures de protection de l'environnement pérennes grâce à un contrat passé avec une personne morale garante d'un intérêt environnemental, celles relatives aux zones prioritaires pour la biodiversité, à la protection des alignements d'arbres ou encore aux chemins ruraux.
La loi permet également la ratification du protocole de Nagoya, qui encadre l'accès aux ressources génétiques et aux connaissances traditionnelles associées, ainsi que le partage des avantages (APA) qui en découlent. Les ONG déplorent toutefois qu'il ne soit prévu qu'une simple information, plutôt que la consultation, des communautés locales sur l'accès à ces ressources. Le texte voté contient également des dispositions qui facilitent les échanges de semences et qui luttent contre la brevetabilité du vivant.
D'autres avancées sont mises en avant par les six associations. Il s'agit de la réforme de la gouvernance des comités de bassin avec la création d'un collège spécifique pour les usagers non économiques. Mais aussi l'amélioration des outils de protection des milieux marins avec la création de zones de conservation halieutique, l'obligation de dispositifs anticollision à bord des navires pour préserver les cétacés ou encore l'encadrement des activités humaines sur le plateau continental.
"Occasions manquées"
Les ONG pointent toutefois toute une série d'occasions manquées : interdiction du chalutage profond finalement obtenue au niveau de l'UE, hausse de la taxe sur les huiles de palme, réglementation des variétés rendues tolérantes aux herbicides par mutagénèse, interdiction de certaines techniques de chasse, reconnaissance du statut d'être sensible à l'animal sauvage, etc.
Une critique plus globale est formulée alors que l'érosion de la biodiversité continue malgré les initiatives prises pour tenter de l'enrayer. "Seule la refondation des politiques sectorielles intégrant la préservation de la biodiversité peut permettre une réelle transition écologique. Cette loi n'y répond pas", estiment les six associations.
Certaines critiques sont encore plus virulentes à l'endroit de ce texte. Ainsi, les signataires d'une tribune publiée par Reporterre n'hésitent pas à parler d'une "loi qui met fin à la protection de la nature", pointant les dispositions relatives à la compensation écologique qui rendraient "la nature déménageable et monnayable sur l'ensemble du territoire". Les associations voient plutôt dans ces dispositions une consolidation du triptyque "éviter, réduire, compenser" (ERC), même si elles réclament un encadrement suffisant de la compensation par l'offre afin d'éviter les dérives.
"Ce texte comporte (…) quelques victoires notables pour la biodiversité", se félicite de son côté la rapporteure du texte à l'Assemblée, Geneviève Gaillard. Mais la députée socialiste admet aussi qu'"il ne constitue pas un aboutissement, seulement une première étape dans la mise en œuvre d'une refonte, d'une restructuration de notre politique publique de conservation de la biodiversité".
De quoi inquiéter ceux qui ne sont pas convaincus par cet enjeu, à l'image du député LR Jean-Marie Sermier, qui dénonce un texte qui met "les paysages et la ruralité sous cloche" et joue contre la France rurale. Et d'ajouter à l'attention de la secrétaire d'Etat : "Vous oubliez tous ceux qui travaillent dans nos campagnes – les agriculteurs, les pêcheurs, les chasseurs, les forestiers – mais aussi tous ceux qui y vivent (…). Ce sont eux les véritables amis de la nature".
"Ce texte n'est pas un texte écologiste mais un texte pour l'écologie et nous allons à présent travailler pour qu'il s'applique au plus vite", rétorque Barbara Pompili. "La réussite de la loi et sa mise en œuvre concrète dépendent des contenus des décrets d'application, des emplois dédiés à la biodiversité et des moyens financiers qui seront réellement mobilisés", avertissent les ONG, qui jugent le prochain projet de loi de finances déterminant à cet égard.
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