La compensation des atteintes à l'environnement résultant des projets fonctionne mal. Une mission parlementaire préconise une meilleure communication sur les coûts, une spécialisation des bureaux d'études et un renforcement du contrôle de l'Etat.
Le constat avait déjà été dressé en mai 2017 par une commission d'enquête sénatoriale à propos des grands projets d'infrastructures. Les députés de la commission du développement durable le confirment dans un premier bilan de la loi de reconquête de la biodiversité : la compensation des atteintes portées à l'environnement par les projets d'installations ou d'aménagements reste mal maîtrisée. Neuf des 49 recommandations formulées par la mission portent sur cette question.
"Les porteurs de projets ont tendance, comme par le passé, à ignorer les deux premiers volets du triptyque ERC au bénéfice de la seule compensation qui, elle-aussi, demeure encore mal connue et mal appliquée", résume la députée LR Nathalie Bassire, rapporteure de la mission avec sa collègue LREM Frédérique Tuffnell. Pour remédier à cela, les deux élues recommandent de diffuser des référentiels de coût. "C'est notamment par la démonstration du coût de la compensation des atteintes à l'environnement que les maîtres d'ouvrage se reporteront sur l'évitement et la réduction des atteintes. C'est également en budgétant correctement ce poste de dépenses que l'on pourra sortir d'une logique de compensation « au rabais »", estime la mission.
Vers un agrément des bureaux d'études ?
Une deuxième série de recommandations porte sur le renforcement des services de l'Etat chargés d'instruire les mesures de compensation. Les députées soulignent la difficulté pour ces services d'apprécier les mesures, notamment du fait de l'hétérogénéité des méthodes d'évaluation. Un manque d'harmonisation qui créée par ailleurs chez les porteurs de projets un "sentiment d'insécurité juridique". D'où la nécessité d'accélérer la diffusion de guides méthodologiques, à l'exemple du Guide d'aide à la définition des mesures ERC publié par le Commissariat général au développement durable (CGDD) en janvier denier. L'objectif est de "renforcer le niveau d'exigence des services instructeurs dans l'étude des dossiers".
Mais ces derniers pointent une autre difficulté à laquelle ils cont confrontés. Lorsque les bureaux d'études ne réalisent pas des travaux d'expertise de qualité, la charge d'évaluation des études et des mesures compensatoires proposées par le maître d'ouvrage se révèle "bien plus lourde". Les deux rapporteurs proposent par conséquent une spécialisation des bureaux d'études en matière de compensation, "si besoin par un système d'agrément", pour garantir la qualité des études d'impact.
Développer le paiement pour services écosystémiques
La mission émet également plusieurs recommandations relatives à la mise en œuvre des mesures de compensation. "S'agissant des options de banque de compensation et de sites naturels de compensation, l'on manque de retours d'expérience", constate le rapport. Aucune demande d'agrément n'a été adressée au ministère de la Transition écologique au-delà des quatre expérimentations en cours réputées agréées : CDC Biodiversité sur le site de Cossure, EDF à Combe Madame (Isère), Conseil département des Yvelines et Sous-bassin versant de l'Aff (Ille-et-Vilaine).
Les députés préconisent d'autres pistes. Ils évoquent de nouvelles propositions d'acteurs financiers reposant sur la fiducie, une technique juridique permettant un transfert temporaire de propriété. Mais aussi l'obligation réelle environnementale, outil contractuel innovant mis en place par la loi de reconquête de la biodiversité. Seuls quelques contrats ayant été signés à ce jour, la mission juge prématuré que le Gouvernement réalise le rapport prévu par la loi sur cet outil. Elle recommande en revanche d'accélérer la diffusion des connaissances sur cette innovation, en particulier auprès de la profession notariale.
Mais, surtout, Nathalie Bassire et Frédérique Tuffnell préconisent de développer le paiement pour services environnementaux au profit des exploitants agricoles s'engageant dans des démarches de compensation. De telles démarches peuvent consister, par exemple, en la plantation de haies et d'alignements d'arbres, ou la conversion de terres cultivées en prairies permanentes.
Des contrôles largement insuffisants
Le suivi dans le temps des mesures de compensation soulève toutefois de grosses difficultés. L'ensemble des acteurs interrogés par la mission ont pointé "la difficulté des contrôles, en particulier sur le long terme, et leur trop faible effectivité". Ces contrôles doivent en effet être mis en œuvre sur de longues périodes, alors que les changements climatiques et l'érosion de la biodiversité impacteront aussi les espaces dédiés à la compensation.
Pour renforcer ces contrôles, les rapporteurs recommandent au Gouvernement d'affecter des effectifs suffisants aux services en charge du suivi des mesures compensatoires, et de développer fortement la formation des agents. Les deux députés, qui soulignent "la grande inconnue" de la compensation en milieu marin, préconisent également de généraliser les comités de suivi des mesures de compensation.
Ce suivi implique aussi "le maintien d'une mémoire administrative des dossiers de compensation, par le recensement précis, non seulement des sites, mais également des mesures mises en oeuvre et de leurs résultats constatés". L'outil national de géolocalisation des mesures compensatoires développé par le CGDD, appelé "GéoMCE", est censé répondre à cet objectif. Cet outil existe déjà mais une version plus complète est attendue pour cette année.
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Note Consulter le rapport d'information de Mmes Bassire et Tuffnell Plus d'infosArticle publié le 22 juin 2018