L'attente a finalement pris fin, vendredi 20 mai. Après la nomination d'Élisabeth Borne au poste de Premier ministre, le premier gouvernement du second mandat d'Emmanuel Macron a pris forme et visage. Comme le veut le protocole, l'ordre de présentation des ministères et leur intitulé éclairent sur les priorités du président de la République et la Première ministre.
On notera en première place, derrière Élisabeth Borne, le ministère de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, qui reste entre les mains de Bruno Lemaire. En cinquième place derrière l'Intérieur, les Affaires étrangères et la Justice, le ministère de la Transition écologique voit son intitulé se compléter de la Cohésion des territoires. Amélie de Montchalin en sera la ministre. La Santé et l'Agriculture occupent respectivement la huitième et douzième place. Ces ministères sont, respectivement, sous la houlette de Brigitte Bourguignon et de Marc Fesneau. Petite nouveauté en fin de liste : un ministère de la Transition énergétique est confié à Agnès Pannier-Runacher. Quant au tout récent ministère de la Mer, il devient un secrétariat d'État auprès de la Première ministre sous la responsabilité de Justine Bénin. Détails.
Amélie de Montchalin prend le relai de Barbara Pompili
Amélie de Montchalin est nommée ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires. Elle reprend ainsi le portefeuille de Barbara Pompili, mais privé de l'Énergie, qui échoit à sa collègue Agnès Pannier-Runacher, et celui de Joël Giraud qui était à la Cohésion des territoires. Âgée de 36 ans, la nouvelle ministre de la Transition écologique a été secrétaire d'État chargée des Affaires européennes entre mars 2019 et juillet 2020 dans le gouvernement d'Édouard Philippe, puis ministre de la Transformation et de la Fonction publique dans le gouvernement de Jean Castex.
Diplômée d'HEC, la ministre est davantage connue pour ses compétences en matière d'économie et de finances que de transition écologique. Elle avait vu dans la controversée loi Asap la démonstration qu'il était possible de conjuguer protection de l'environnement et attractivité économique du territoire, là où plusieurs experts avaient, au contraire, dénoncé une « destruction du droit de l'environnement ». Mme de Montchalin va trouver sur son bureau la difficile application de la réforme du zéro artificialisation nette (ZAN), les questions d'eau et de biodiversité, de déchets et de risques industriels, et sans doute de logement et de transports. Mais le champ exact de chaque portefeuille ministériel ne sera connu qu'avec la publication des décrets d'attribution.
Brigitte Bourgignon à la santé
Jusqu'alors ministre déléguée chargée de l'Autonomie des personnes âgées, Brigitte Bourguignon remplace Olivier Véran et devient ministre de la Santé et de la Prévention. Son parcours politique a commencé sous les couleurs du parti socialiste. Elle est notamment élue, en 2012, député socialiste dans la sixième circonscription du Pas-de-Calais. Elle rejoint La République en marche lors de l'élection présidentielle de 2017. Elle a également assuré la présidence de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, jusqu'en juillet 2020.
Sous le précédent ministère de la Santé du premier mandat d'Emmanuel Macron, Brigitte Bourguignon avait salué la création de la cinquième branche de la Sécurité sociale consacrée à l'autonomie. Reste à voir si elle contribuera à ouvrir le débat sur la question – controversée – de la sixième branche spécialisée dans la couverture des risques environnementaux. Ou au moins lancer la construction d'une sécurité sociale écologique.
Les marges de progrès, comme les attentes, sont importantes sur le sujet de la santé environnement : formation des professionnels, accès plus facile aux données environnementales, mais aussi favoriser la transversalité entre les deux secteurs, améliorer la prévention par rapport aux contaminations environnementales ou encore concrétiser la transition écologique du secteur médical annoncée lors du Ségur de la santé.
Marc Fesneau, nouveau ministre de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire
Marc Fesneau succède à Julien Denormandie, en poste depuis juillet 2020. Âgé de 51 ans, il occupait depuis octobre 2018 le poste de ministre délégué chargé des Relations avec le Parlement et de la Participation citoyenne. Placé auprès du Premier ministre, il était chargé d'ordonner le programme législatif du gouvernement et de jouer le rôle d'intermédiaire avec l'Assemblée nationale et le Sénat. En outre, avec l'extension du périmètre de son ministère en 2020, il a été directement impliqué dans la gestion et la finalisation de la Convention citoyenne pour le climat. Avant sa nomination, cet ancien secrétaire général du Modem exerçait la fonction de président du groupe de ce parti dans l'Hémicycle, en tant que député de la première circonscription de Loir-et-Cher.
Marc Fesneau aura un dossier de taille à traiter d'entrée de jeu : la révision du plan stratégique national (PSN), élaboré dans le cadre de la nouvelle politique agricole commune (PAC). Pour rappel, sa première version a été retoquée par la Commission européenne sur la base, entre autres, d'un manque général d'ambition et d'un risque de « déconversion » à l'agriculture biologique. L'État projette d'envoyer sa copie revue et corrigée à la Commission d'ici la première semaine de juin. Par ailleurs, dans la dernière ligne droite de la présidence française du Conseil de l'Union européenne, le ministère de l'Agriculture devra également travailler à l'adoption des clauses dites « miroirs ».
Agnès Pannier-Runacher, de l'Industrie à la Transition énergétique
À l'aube de ses 48 ans, Agnès Pannier-Runacher, ex-ministre déléguée chargée de l'Industrie, est nommée ministre de la Transition énergétique. Elle va reprendre l'un des portefeuilles de la précédente ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili, qui s'occupait aussi des questions énergétiques.
Agnès Pannier-Runacher est entrée en octobre 2018 au gouvernement d'Édouard Philippe, en tant que secrétaire d'État auprès du ministre de l'Économie et des Finances, Bruno Le Maire. Depuis le 6 juillet 2020, elle occupait la fonction de ministre déléguée chargée de l'Industrie, à Bercy.
Pour son nouveau quinquennat, le président Emmanuel Macron espère « réaliser un effort sans précédent de sobriété énergétique, pour baisser de 40 % notre consommation d'ici à 2050 ». Et pour y parvenir, il compte s'appuyer sur le nucléaire pour décarboner la production d'électricité. La nouvelle ministre sera ainsi chargée de superviser la construction de six à quatorze réacteurs de nouvelle génération (EPR). La feuille de route fixée par le président promet également l'implantation de cinquante parcs éoliens en mer d'ici à 2050 et de décupler la puissance générée grâce à l'énergie solaire. Développer l'hydrogène décarboné et accompagner la « décarbonation profonde » de l'industrie figurent aussi parmi les priorités de la ministre. Un sujet sur lequel elle s'est déjà investie lors du mandat précédent. En outre, la nouvelle Stratégie française énergie-climat (Sfec) sera décidée courant 2023 de même que la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), le Plan national d'adaptation au changement climatique (Pnacc) et la Stratégie nationale bas carbone (SNBC) qui la composeront.
La Mer perd son ministère
Jusqu'alors députée apparentée Modem de Guadeloupe, Justine Benin est nommée secrétaire d'État chargée de la Mer. Elle sera rattachée à la Première ministre. Âgée de 47 ans, elle a débuté sa carrière à Pôle emploi. Elle entre en politique en 2008, d'abord comme conseillère municipale au Moule (Guadeloupe), puis devient conseillère régionale, en 2010, et conseillère générale, en 2011. Elle est élue députée divers gauche en juin 2017, face à une candidate La République en marche, et siège avec le groupe Modem.
En matière d'environnement, elle été rapporteure de la commission d'enquête sur la pollution au chlordécone. Le rapport, remis en décembre 2019, pointait les responsabilités de l'État et des acteurs économiques « dans cette pollution de grande ampleur » et plaidait pour la création de deux fonds d'indemnisation, l'un pour indemniser les victimes, l'autre pour réparer les préjudices économiques subis par l'agriculture et la pêche. La nouvelle ministre est aussi, avec le sénateur de Guadeloupe Dominique Théophile, à l'origine de la loi d'avril 2021 rénovant la gouvernance des services publics d'eau potable et d'assainissement en Guadeloupe.
La Rédaction